Par J-P Le Marec, 10/10/2013
Malgré les violations
permanentes des droits de l'homme dans les territoires sahraouis occupés,
malgré les lourdes condamnations des militants sahraouis de Gdeim Izik, la
Commission européenne a signé avec le Maroc le 26 juillet un nouvel accord de
pêche. Le parlement européen, qui avait rejeté la prolongation du précédent
accord en décembre 2011, doit donner son avis sur ce nouvel accord d'ici la
mi-décembre.
Avant de procéder à cet
examen, le Parlement a confié à sa commission des affaires étrangères la
rédaction d'un rapport sur les droits de l'homme au Sahel, y compris au Sahara
occidental. Les pressions et manœuvres marocaines pour empêcher les
parlementaires de débattre de la situation au Sahara occidental ont été mises
en échec (on notait au sein de la délégation marocaine venue à Bruxelles faire
du lobbying la présence de Driss El Yazami, président du CNDH). La commission
des affaires étrangères a adopté le 24 septembre son rapport après avoir examiné
341 amendements (dont une centaine sur le Sahara occidental).
Les amendements présentés
par Roatta et Dati (UMP) mais aussi par Pargneaux (PS) favorables au plan
marocain d'autonomie ont été balayés et les parlementaires ont une fois de plus
réaffirmé le droit du peuple sahraoui à
l'autodétermination, "un droit de l'homme fondamental". Le
rapport amendé reconnait la gravité de la situation des droits de l'homme dans
les territoires occupés (le rapport parle de "territoires occupés" et
non pas de "provinces du Sud") qui doit être abordée sans attendre le
règlement final du conflit. Il se prononce pour le respect des droits de
l'homme et des libertés fondamentales du peuple sahraoui, y compris "la
liberté d'association, la liberté d'expression et le droit de manifester
pacifiquement". Il condamne
également les violences infligées aux femmes sahraouies dans les territoires
occupés. Il souligne que l'ONU n'a pas pu mettre en place un mécanisme
indépendant pour la surveillance des droits de l'homme au Sahara occidental. Il
proteste contre l'expulsion d'une délégation de parlementaires européens en
mars 2013 et réclame "la liberté d'accès et de mouvement au Sahara
occidental pour les observateurs indépendants, les parlementaires, les
journalistes et les organisations humanitaires". Enfin, il demande aux autorités marocaines de
"libérer immédiatement tous les prisonniers politiques sahraouis".
Le rapport interpelle la Commission
européenne et les Etat membres pour qu'ils soient plus actifs dans la
résolution du conflit en ne se contentant pas de supporter les négociations
sous l'égide de l'ONU mais aussi en utilisant les instruments de la politique
extérieure communautaire.
Toutefois, l'adoption de
certains amendements a abouti à atténuer les orientations du rapport vers les
thèses marocaines: reconnaissance de l'intégrité territoriale comme principe du
droit international, exclusion de l'accord de pêche UE-Maroc du rapport, relais
de la demande marocaine d'un recensement des réfugiés sahraouis de Tindouf,
reconnaissance du travail du CNDH, référence aux allégations d'associations et
du Maroc sur les atteintes à la liberté d'expression et de mouvement dans les
camps de réfugiés sahraouis mais aussi aux démentis du Front Polisario ...Le
groupe d'amitié UE-Maroc (un groupe informel présidé par Pargneaux) a bien sûr
critiqué le rapport qui "comporte des éléments incriminant le Maroc et
éludant les efforts réalisés par le Maroc dans la promotion des droits de
l'homme et le développement des provinces du Sud" mais il s'est félicité aussi d'avoir contribué à
"rectifier le tir et d'avoir finalement obtenu un rapport plus
acceptable".
Adopté par 46 voix et 13
abstentions (aucun vote contre), le rapport (qui sera disponible en français vers le 15 octobre),
devrait être adopté le 23 octobre en session plénière à Strasbourg. Le
Parlement européen, qui s'est déjà prononcé à plusieurs reprises en 2012 et
2013 pour faire appliquer le droit à l'autodétermination du peuple sahraoui et
dénoncer les violations des droits de l'homme dans les territoires occupés,
devrait logiquement confirmer ces positions en adoptant le rapport Tannock. Mais, il faut rester vigilant et se
mobiliser auprès des parlementaires européens car les pressions marocaines
vont s'intensifier pour essayer de modifier ou d'atténuer les orientations du
rapport qui, dans l'état actuel, constitue un point d'appui pour le mouvement
de soutien à la lutte du peuple sahraoui.
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