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vendredi 11 octobre 2013

Derrière l’arrestation d’un militant sahraoui, le récit d’une vie




 M’Barek Daoudi, chez lui à Guelmim en juillet 2013, montrant une photo de lui en uniforme de l’armée marocaine.Guelmim en juillet 2013, montrant une photo de lui en uniforme de l’armée marocaine.

Dans un article du 27 août, je racontais l’arrestation de trois fils du militant sahraoui M’Barek Daoudi, rencontré en juillet dernier chez lui à Guelmim et à Lakhsabi, deux communes du sud du Maroc. Un mois plus tard, le 28 septembre, c’est au tour de ce militant d’être arrêté par la police marocaine. Il serait susceptible de jugement devant le tribunal militaire de Rabat.
Dans l’article mis en ligne le 27 août, je m’interrogeais sur les possibles représailles que représentait l’arrestation de trois fils de M’Barek Daoudi et la condamnation de deux d’entre eux à dix mois de prison à Agadir (selon certaines sources, la peine serait passée à un an en appel le 26 septembre). En effet, mi-juillet dernier, ce militant de la cause sahraouie, retraité de l’armée marocaine depuis 2008, recevait chez lui un groupe d’étrangers pour raconter son histoire et son combat pour l’auto-détermination du Sahara occidental. Les forces de l’ordre semblent avoir pris ce qui ne serait qu’un prétexte (une bagarre entre une équipe de Sahraouis et une équipe de Marocains lors d’un match de foot organisé à Guelmim pour marquer la fin du Ramadan) pour toucher une famille et faire pression sur le père.
Force est de constater que la « punition » n’a finalement pas été jugée comme assez forte. Ces deux fils emprisonnés à la prison d’Ait El Melloul ont pourtant aussi été maltraités pendant leur garde à vue à Guelmim.
A cette heure, les raisons de l’arrestation de M’Barek Daoudi reste à préciser. Selon un communiqué de l’Equipe Media en date du 7 octobre, on pourrait lui reprocher la détention d’une arme ancienne, un fusil qui appartenait au grand-père de M’Barek Daoudi et qui aurait été déterrée dans le jardin de la maison familiale de Lakhsabi, un village proche de Guelmim.
M'Barek Daoudi montrant son livret militaire
M’Barek Daoudi montrant son livret militaire
Une chose est certaine en revanche : cet homme ne fait pas mystère de son combat. Le pouvoir du Maroc considérant que les Sahraouis qui ne font pas acte d’allégeance au roi et revendiquent leur indépendance sont des traîtres, le fait d’avoir été militaire dans l’armée marocaine pendant plus de 30 ans et de lutter aujourd’hui avec ses frères n’arrangent pas son cas.


Toujours selon le communiqué de l’Equipe Media, la récente découverte de restes humains de Sahraouis par une équipe de chercheurs espagnols pourrait être la source des derniers ennuis de M’Barek Daoudi.
Cet homme d’une soixantaine d’années aurait été présent lors de l’assassinat de la famille de nomades. L’Equipe Media rapporte que le militant aurait déclaré dernièrement que d’autres personnes auraient été exécutées ce même jour.

A-t-on voulu faire taire ce témoin gênant ?
On peut se poser la question de l’intérêt du pouvoir marocain et de ses représentants locaux de la police dans cette arrestation, alors que l’activisme de M’Barek Daoudi n’est pas un fait nouveau. Jusqu’à présent, son statut d’ancien militaire de l’armée marocaine l’aurait protégé. Cela ne serait plus le cas aujourd’hui ?
M’Barek Daoudi a fait partie des Sahraouis qui se sont engagés dans l’armée marocaine, pas de force comme le laisse entendre l’Equipe Media. Rencontré en juillet, ce père de famille m’a raconté comment, au début des années 70, le Maroc parvenait à enrôler les jeunes Sahraouis.
« Avec beaucoup d’autres Sahraouis de la région du sud Maroc, notamment le père de l’actuel président sahraoui Mohamed Abdelaziz qui était adjudant-chef, je me suis engagé car on nous expliquait que les Maliens, les Mauritaniens, les Cubains, s’apprêtaient à envahir le Sahara occidental dès que les Espagnols allaient partir« , a-t-il expliqué.

« Mais, où sont les Maliens ? »
« En mai 1975 (NDLR : soit cinq mois avant le déclenchement de la fameuse « Marche verte » pacifique), j’ai participé à une attaque contre le Polisario dans la zone de Jdiriya. On a pris Smara, Amgala (NDLR : secteur où ont été trouvés les corps exhumés cités plus haut), Bir Lelou. Au terme d’une bataille difficile, qui a duré cinq jours en octobre 1976 à Guelta Zemour, nous sommes entrés dans la ville. Là, tous les Sahraouis ont vu les tentes et les chameaux. Nous nous sommes fait la remarque : mais où sont les Maliens, les Mauritaniens… ? »
« C’est à ce moment-là que nous commençons à prendre conscience que la réalité est différente de celle que l’on nous raconte. Ceux que nous attaquons, ce sont nos frères ! C’est à ce moment-là que les Marocains commencent à se méfier des Sahraouis engagés avec eux. Ils nous ont envoyés sur Sidi Ifni et au nord du Sahara occidental. »
M'Barek Daoudi montre du doigt où il est sur la photo... Le souvenir d'une époque.
M’Barek Daoudi montre du doigt où il est sur la photo…
 Le souvenir d’une époque.
« Un jour de 1981, je conduisais un camion qui transportait des munitions. Avec un ami, on décide de nous enfuir avec le stock de cartouches et de rejoindre le Front Polisario. Mais, étant donné la stratégie de harcèlement et d’attaques brèves menées par les troupes du Polisario, nous n’arrivons pas à les localiser. Après trois jours sans boire ni manger, nous avons été attrapés par un commando marocain. J’ai été torturé, entre autres avec du courant électrique, parce qu’ils voulaient que je leur donne des renseignements sur le Polisario, sauf que je ne connaissais rien d’eux ! »


M’Barek Daoudi est alors emprisonné pendant deux ans à Agadir puis réintégré dans l’armée. « Les années suivantes, j’ai toujours été en poste au nord du Sahara occidental. J’étais en permanence sous surveillance. »
Le 16 août 2008, l’homme est mis à la retraite. Et, en 2010, il participe à son premier voyage dans les camps de réfugiés d’Algérie. Il y reste plusieurs mois pour passer du temps avec les membres de sa famille qui y vivent. Depuis, il s’est rendu à cinq reprises dans la région de Tindouf. Mais, il n’a jamais été arrêté, alors que ce voyage est véritablement perçu comme un sacrilège par les autorités marocaines.
Au moment du soulèvement populaire dit de Gdeim Izik, en octobre et novembre 2010, M’Barek Daoudi va démarcher des familles de sa région d’origine pour les inciter à rejoindre le camp de protestation qui a compté près de 7000 tentes traditionnelles (chiffre ONU).
C’est dire si son activisme est repéré. Quel est donc l’élément qui explique son arrestation, comme celle de ses deux fils à l’issue du match de football en août, et de celle de Brahim (21 ans) et de Hassan (17 ans)  le même jour, ainsi que l’arrestation de Mohamed (24 ans), un enfant dont personne aurait des nouvelles ?
On peut ajouter que des manifestations sahraouies ont été organisées dans cette région du sud du Maroc. Près de Assa, dans un lieu isolé appelé Tezymi, un camp de tentes a été dressé autour de la mi-septembre et a réuni plusieurs dizaines de familles. Ce type d’expression est symbolique puisqu’il s’agit de reproduire le mouvement de Gdeim Izik et, ainsi, de manifester pacifiquement pour réclamer davantage de droits et de liberté.
Ce campement a été démantelé le 23 septembre. En réaction, des habitants de la ville d’Assa sont sortis dans les rues pour dénoncer ce déni du droit de manifester et le fait qu’aucune attention n’est portée aux revendications exprimées. Comme en témoignent de nombreuses photos, des bombes lacrymogènes et des balles en caoutchouc ont été utilisées contre les manifestants. Et, en début d’après-midi, selon plusieurs témoignages, un jeune Sahraoui de 20 ans,  Rachid Chine, a été tué par le tir d’une balle dans le dos.
M'Barek Daoudi posant dans le jardin de la maison familiale de Lakhsabi, un  village près de Guelmim, que son père avait fait bâtir quand il était encore nomade pour élever des chameaux, avec l'aide du jeune M'Barek. Tout près de lui, un canon, vestige des batailles passées. C'est ici que la police marocaine aurait déterré le vieux fusil du grand-père.Le lendemain, le 24 septembre, des habitants de Guelmim ont à leur tour exprimé leur colère suite à ces événements.

M’Barek Daoudi posant dans le jardin de la maison familiale de Lakhsabi, un village près de Guelmim, que son père avait fait bâtir quand il était encore nomade pour élever des chameaux, avec l’aide du jeune M’Barek. Tout près de lui, un canon, vestige des batailles passées. C’est ici que la police marocaine aurait déterré le vieux fusil du grand-père.

Ces faits ont-ils un rapport avec l’arrestation de M’Barek Daoudi et de ses fils ? Des dizaines de rencontres cet été ont confirmé la stratégie des autorités marocaines qui utilisent tout événement pour tenter d’éradiquer le noyau des militants actifs d’une ville. La concordance des dates peut laisser penser que les potentats locaux ont voulu faire taire M’Barek Daoudi en lui faisant porter la responsabilité des récentes manifestations.
M’Barek Daoudi a été transféré à la prison militaire de Salé, près de Rabat, et devrait comparaître devant le tribunal militaire, sans qu’aucune date n’ait été communiquée à la famille. Personne n’a pu avoir de contact direct avec le militant depuis son arrestation.

http://www.nouvellesdusahara.fr/derriere-larrestation-dun-militant-sahraoui-le-recit-dune-vie/?fb_action_ids=444045439049277%2C444027535717734%2C443876535732834&fb_action_types=og.likes&fb_source=other_multiline&action_object_map={%22444045439049277%22%3A671581536210193%2C%22444027535717734%22%3A691692590860612%2C%22443876535732834%22%3A1375052556066249}&action_type_map={%22444045439049277%22%3A%22og.likes%22%2C%22444027535717734%22%3A%22og.likes%22%2C%22443876535732834%22%3A%22og.likes%22}&action_ref_map=[]

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