Chers amis lecteurs de solidmar,

Solidmar est fatigué ! Trop nourri ! En 8 ans d’existence il s’est goinfré de près de 14 000 articles et n’arrive plus à publier correctement les actualités. RDV sur son jumeau solidmar !

Pages

mercredi 9 octobre 2013

Lampedusa : Un sujet de honte et de déshonneur

Un sujet de honte et de déshonneur

C’est un petit endroit de paradis. Il y fait très souvent beau et le vent qui souffle de la mer n’apporte pas que de l’air frais. Elle s’appelle Giusi Nicolini. Elle est maire d’une petite bourgade. Elle a été élue en mai 2012. Dans cette petite ville de 6.000 habitants, elle gère sa commune comme elle peut. Elle voit et fréquente tous les jours des personnes dans la plus grande détresse humaine. Alors, l’an dernier déjà,  elle a pris sa plume et a écrit à l’Union européenne pour essayer de réveiller les consciences. La voici
« Je suis le nouveau maire des îles de Lampedusa et Linosa. Élue en mai dernier, le 3 novembre, j’ai déjà reçu 21 cadavres de personnes noyées qui tentaient d’atteindre Lampedusa et pour moi c’est tout simplement insupportable. Pour Lampedusa, c’est un énorme fardeau de douleur. Nous avons dû demander de l’aide par le biais de la préfecture aux maires de la province afin de donner une sépulture digne à onze personnes parce que la commune n’avait plus de place disponible.
J’en ferai d’autres, mais je retourne à tous une question : jusqu’où faudra-t-il agrandir le cimetière de mon île ?
Je ne comprends pas qu’une telle tragédie puisse être considérée comme normale, comme s’il était possible de ne pas être obsédé chaque jour par l’idée, par exemple, que onze personnes dont huit très jeunes femmes et deux garçons de 11 et 13 ans meurent tous ensemble pendant un voyage qui aurait dû être pour eux le début d’une nouvelle vie.
Le nombre des réfugiés s’élevait à 115 ; 76 n’ont pas été sauvés mais le nombre de morts que restitue la mer est toujours plus élevé.
Je suis indignée par le sentiment d’habitude qui semble avoir envahi le monde, je suis scandalisée par le silence de l’Europe qui vient de recevoir le prix Nobel de la Paix, et qui est silencieuse face à une tragédie qui fait autant de victimes qu’une guerre.

Je suis de plus en plus convaincue que la politique d’immigration européenne considère ce bilan de vies humaines comme un moyen de modérer le flux migratoire, quand ce n’est pas un moyen de dissuasion.
Mais si le voyage en bateau est pour ces personnes la seule façon d’espérer, je crois que leur mort en mer doit être pour l’Europe un sujet de honte et de déshonneur. [...]
Tout le monde doit savoir que c’est à Lampedusa et ses seuls habitants [...] que revient le devoir de traiter ces personnes avec dignité, et de rendre un peu de dignité à notre pays et à l’Europe entière.
Si ces morts sont seulement les nôtres, alors je veux recevoir les télégrammes de condoléances après chaque noyé que l’on me « livre ». Comme s’il avait la peau blanche, comme s’il s’agissait d’un de nos enfants noyé pendant les vacances. »
Bibliothèque provisoire de 
Lampedusa
Bibliothèque provisoire de 
Lampedusa
Mais Lampedusa n’est pas seulement cela. Personne ne parle de la vie sur l’île. A Lampedusa, « il y a beaucoup », mais il manque beaucoup de choses. Il n’y a pas de livres, par exemple. Et la maire Giusi Nicolini veut remédier à cette situation en faisant de Lampedusa un avant-poste pour les lecteurs et le berceau du livre comme un outil d’intégration. Alors, en juillet 2013, elle a lancé cet appel :
 » Lampedusa ne dispose pas d’une bibliothèque et même une boutique où vous pouvez acheter des livres, vous vivriez dans une ville où vous ne pouvez acheter des livres? Je ne le crois pas ! Donc, si vous avez des livres à la maison, de toute nature, que vous ne lisez pas ou qui ont déjà été lus et dont vous voulez vous débarrasser, adhérer à l’initiative »
Tout le monde peut contribuer. Comment ? Les livres doivent être adressées directement au maire de l’île: Giusi Nicolini, maire-don de livres pour l’ouverture prochaine de la Bibliothèque de Lampedusa – Ibby Via Cameroni, 92010.

L’objectif est de promouvoir l’intégration. Il n’est pas un hasard, en effet, que le maire soit également soutenue par IBBY (Conseil international du livre pour les jeunes) une association internationale qui promeut le livre pour enfants comme outil d’intégration, avec une initiative lancée en mai dernier, et qui a recueilli la meilleure édition de livres sans mots pour les donner à Lampedusa, l’île la plus éloignée de la Méditerranée.
Avec de l’imagination, on peut aller loin surtout lorsqu’on a la conviction profonde que les morts de là bas sont aussi nos morts à nous. Aujourd’hui, je voudrais être Giusi Nicolini.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire