« Je suis le nouveau maire des îles de Lampedusa et Linosa. Élue en
mai dernier, le 3 novembre, j’ai déjà reçu 21 cadavres de personnes
noyées qui tentaient d’atteindre Lampedusa et pour moi c’est tout
simplement insupportable. Pour Lampedusa, c’est un énorme fardeau de
douleur. Nous avons dû demander de l’aide par le biais de la préfecture
aux maires de la province afin de donner une sépulture digne à onze
personnes parce que la commune n’avait plus de place disponible.
J’en ferai d’autres, mais je retourne à tous une question : jusqu’où faudra-t-il agrandir le cimetière de mon île ?
Le nombre des réfugiés s’élevait à 115 ; 76 n’ont pas été sauvés mais
le nombre de morts que restitue la mer est toujours plus élevé.
Je suis indignée par le sentiment d’habitude qui semble avoir envahi
le monde, je suis scandalisée par le silence de l’Europe qui vient de
recevoir le prix Nobel de la Paix, et qui est silencieuse face à une
tragédie qui fait autant de victimes qu’une guerre.
Je suis de plus en plus convaincue que la politique d’immigration
européenne considère ce bilan de vies humaines comme un moyen de modérer
le flux migratoire, quand ce n’est pas un moyen de dissuasion.
Mais si le voyage en bateau est pour ces personnes la seule façon
d’espérer, je crois que leur mort en mer doit être pour l’Europe un
sujet de honte et de déshonneur. [...]
Tout le monde doit savoir que c’est à Lampedusa et ses seuls
habitants [...] que revient le devoir de traiter ces personnes avec
dignité, et de rendre un peu de dignité à notre pays et à l’Europe
entière.
Si ces morts sont seulement les nôtres, alors je veux recevoir les
télégrammes de condoléances après chaque noyé que l’on me « livre ». Comme s’il avait la peau blanche, comme s’il s’agissait d’un de nos enfants noyé pendant les vacances. »
- Bibliothèque provisoire de
- Lampedusa
|
Mais Lampedusa n’est pas seulement cela. Personne ne parle de la vie sur l’île. A Lampedusa, « il y a beaucoup »,
mais il manque beaucoup de choses. Il n’y a pas de livres, par exemple.
Et la maire Giusi Nicolini veut remédier à cette situation en faisant
de Lampedusa un avant-poste pour les lecteurs et le berceau du livre
comme un outil d’intégration. Alors, en juillet 2013, elle a lancé cet
appel :
» Lampedusa ne dispose pas d’une bibliothèque et même une
boutique où vous pouvez acheter des livres, vous vivriez dans une ville
où vous ne pouvez acheter des livres? Je ne le crois pas ! Donc, si vous
avez des livres à la maison, de toute nature, que vous ne lisez pas ou
qui ont déjà été lus et dont vous voulez vous débarrasser, adhérer à
l’initiative »
Tout le monde peut contribuer. Comment ? Les livres doivent être
adressées directement au maire de l’île: Giusi Nicolini, maire-don de
livres pour l’ouverture prochaine de la Bibliothèque de Lampedusa – Ibby
Via Cameroni, 92010.
L’objectif est de promouvoir l’intégration. Il n’est pas un hasard, en effet, que le maire soit également soutenue par IBBY (Conseil
international du livre pour les jeunes) une association internationale
qui promeut le livre pour enfants comme outil d’intégration, avec une
initiative lancée en mai dernier, et qui a recueilli la meilleure
édition de livres sans mots pour les donner à Lampedusa, l’île la plus
éloignée de la Méditerranée.
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