Baiser marocain sur Facebook : "Le royaume tente de museler les internautes"
Des adolescents marocains ont été emprisonnés pour avoir posté sur Facebook une photo sur laquelle ils s'embrassent. Trois ans après le "printemps arabe", où en est la liberté d'expression des Marocains ?
C'est une photo comme on en voit des millions sur
Facebook. Deux adolescents de 14 et 15 ans s'embrassant sur la bouche
devant les grilles d'un lycée. Mais les deux jeunes sont marocains et ce
cliché leur a valu, ainsi qu'à son auteur de 16 ans, d'être arrêtés et incarcérés
le 3 octobre pour "attentat à la pudeur", après qu'une organisation
locale les a dénoncés. Libérés au bout de trois jours, ils connaîtront
leur sort à l'issue d'un procès qui a été reporté au 22 novembre, a-t-on
appris vendredi 11 octobre.
L'annonce de leur arrestation a
scandalisé bon nombre d'internautes et poussé des jeunes Marocains à
publier des photos similaires ou organiser des "kiss-in". Trois ans
après le "printemps arabe", durant lequel les réseaux sociaux ont joué
un rôle essentiel, où en est la liberté d'expression des Marocains ?
Francetv info a interrogé Mounir Bensalah, auteur de Réseaux sociaux et révolutions arabes ? (Michalon, 2012).
Francetv info : l'usage des réseaux sociaux est-il récent au Maroc ?
Mounir Bensalah : Cela
s'est fait en plusieurs étapes. Au départ, internet n'était pas très
démocratisé. Jusqu'en 2006-2007, seuls quelques chanceux y avaient
accès. Ensuite, on a assisté à l'arrivée en masse de jeunes citadins,
d'étudiants et de cadres supérieurs. On a aussi connu les premiers
conflits liés à internet, avec notamment l'arrestation, en 2008, de
Fouad Mourtada, le premier "prisonnier Facebook". Cet ingénieur a été
condamné (puis gracié) pour s'être fait passer, pendant quelques jours
sur Facebook, pour le frère du roi du Maroc. La même année, le blogueur
Mohamed Erraji a été arrêté après avoir publié un article critique sur
le roi et son fils, puis acquitté.
La deuxième vague s'est
produite à partir de 2010. A cette époque, la grande libération des
télécoms a fait baisser les tarifs de connexion et augmenter le taux de
pénétration, qui est phénoménal aujourd'hui : 60% des Marocains sont
connectés à internet, et 6,5 millions (sur plus de 32 millions) ont un
profil Facebook. 2011 a aussi été une année exceptionnelle, avec
l'arrivée de nouveaux acteurs dans la presse électronique et de
blogueurs. Et puis, évidemment, il y a eu le "printemps arabe", où l'on a
pu mesurer le rôle d'internet et des réseaux sociaux.
Les autorités marocaines ont-elles réagi immédiatement en termes de surveillance ?
Il
faut relativiser les choses : certes, les autorités observent, traquent
internet, mais le Maroc reste un peu plus libéral que d'autres pays de
la région. Cela dit, à l'époque où Fouad Mourtada a été arrêté,
l'enquêteur lui a demandé : "Pourquoi est-ce que tu as créé Facebook ?" Donc
on est passés d'une méconnaissance totale, une époque où le royaume ne
s'est pas rendu compte de l'essor des réseaux sociaux, à une tentative
de contrôler et de museler tout ce qu'il s'y passe.
Je pense notamment au journaliste Ali Anouzla, arrêté le 17 septembre puis incarcéré pour avoir repris un article d'El Pais montrant une vidéo d'Al-Qaïda au Maghreb islamique, intitulée "Maroc : le royaume de la corruption et du despotisme"
et qui incitait au jihad. Mais nous, les défenseurs des droits de
l'homme, pensons qu'il est emprisonné pour ses positions qui dérangent
certains milieux, dont l'Etat marocain. De toute façon, on ne peut pas
accepter qu'il soit poursuivi au nom de la loi antiterrorisme.
Et
puis, plus récemment, il y a ces deux ados photographiés en train de
s'échanger un baiser à Nador, une petite ville conservatrice dans le
nord-est du Maroc. Et on se retrouve avec trois gamins de 15 ans jetés
en prison.
Ce genre d'affaires, c'est une manière d'effrayer tout le monde, de dire "on vous voit".
Quels sont les moyens de surveillance mis en place par le royaume ?
Il
est difficile de mesurer, que ce soit quantitativement ou
qualitativement, comment les autorités contrôlent internet, mais on
dispose de quelques indices. Par exemple, la vente par Amesys, filiale
du groupe français Bull, de matériel d'espionnage ultrasophistiqué au
régime marocain afin de contrôler à grande échelle l'usage des télécoms,
sous le nom de code "pop corn".
Par ailleurs, certains militants
reçoivent des menaces, des insultes ou se font pirater leur compte
Facebook ou Gmail. Il y a aussi des internautes qui créent de faux
profils, sur Twitter par exemple, pour défendre certaines personnes [liées au régime] ou bien divulguer des informations sur la vie privée d'activistes.
Craignez-vous pour la liberté d'expression au Maroc ?
Certainement.
Depuis quelques années, les gens se sentaient plus libres, mais
aujourd'hui, les Marocains craignent de se voir arracher cette liberté
d'expression. Ce dont on a peur, c'est d'un retour en arrière. Que la
rue, l'opinion publique ne se mobilise plus. Que la parenthèse du
"printemps arabe" soit fermée une fois pour toutes.
Ils feraient mieux de s occuper des pedophiles étrangers comme locaux, ces saletés moralisateurs, scandalisés par les baisers mais tolérants des viols
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