Le Maroc doit libérer Ali Anouzla !
- Écrit par Kamel Labidi, 8/10/2013
Kamel Labidi est un journaliste tunisien indépendant et
ancien président de la Commission nationale pour la réforme de
l'information et de la communication, dont les membres ont démissionné
en 2012 pour protester contre l'absence de volonté politique de mettre
en œuvre la réforme des médias en Tunisie. Il dit toute son indignation à
propos de l'arrestation d'Ali Anouzla dans ce papier écrit pour le
journal libanais «Daily Star».
Ecrit par Kamel Labidi, traduction Salah Elayoubi
Rarement
l'emprisonnement d'un journaliste, aura suscité autant d'appels à sa
libération, que celui Ali Anouzla. Le journaliste marocain indépendant a
été arrêté au matin du 17 septembre 2013, pour se voir inculpé, après
une semaine de garde-à-vue, des chefs d'accusation ridicules,
d'"Apologie du terrorisme" et d'"Assistance à la perpétration d'actes
terroristes", qui lui font encourir vingt (20) années d'emprisonnement.
Dans un pays où le droit à un procès équitable est inexistant, où
l'abus de pouvoir, la corruption, la pédophilie et le viol des femmes
sont mieux tolérés que le journalisme indépendant, le crime d'Ali
Anouzla aura été d'avoir publié sur le site arabophone de son journal
électronique « Lakome », un article reproduisant un lien vers une vidéo
d' « Al-Qaïda au Maghreb islamique » (AQMI), intitulée « Maroc: royaume
de la corruption et du despotisme » et publiée sur le site Internet du
quotidien espagnol « El Pais ».
Nonobstant le fait que l'article en question, avait bien qualifié la
vidéo de « propagande » du groupe armé AQMI et le fait que plus de
soixante (60) organisations de défense de la liberté d'expression ont
considéré que le journal n'avait nullement approuvé le contenu de la
vidéo appelant à lutter contre le régime de Mohammed VI, les autorités
marocaines ont sauté sur l'occasion pour régler leurs comptes avec le
plus infatigable, le plus zélé et le plus crédible de tous leurs
pourfendeurs.
Les accusations portées contre Monsieur Anouzla sont sans fondement
et n'ont, pour seul et unique objectif, que celui de punir l'attachement
de ce dernier à la stricte indépendance éditoriale de son quotidien et à
l'ambition qui le taraudait de faire toute la lumière sur les abus de
pouvoir, la corruption, la culture du secret, considérés par le pouvoir,
comme autant de « lignes rouges » et auxquelles le Parti de la Justice
et du Développement, le parti islamiste au pouvoir, avait promis, il y a
deux ans, de s'attaquer pour les éradiquer, avec la mise en place de la
réforme judiciaire.
Les accusations qui pèsent sur Monsieur Anouzla sont inquiétantes, à
plus d'un titre, parce qu'ils témoignent de l'échec du gouvernement
marocain à faire le distinguo entre « droit à la liberté d'expression et
d'information d'une part, et incitation au terrorisme par la diffusion
de la vidéo de l'autre côté », selon Amnesty International.
L'Organisation londonienne des droits de l'homme a prédit que « toute
discussion sur le terrorisme, y compris la critique des stratégies de
lutte contre le terrorisme » risque dorénavant d'être systématiquement
assimilée, par le Maroc, à une infraction pénale.
L'arrestation du journaliste a suscité une vague de protestation sans
précédent, notamment à Casablanca, Rabat et Tanger. Les manifestants,
doublement indignés par l'arrestation d'un journaliste et le parallèle
entre journalisme et terrorisme, n'ont pas manqué de condamner ce qu'ils
ont qualifié d'« acte de vengeance impitoyable contre un journaliste
courageux »
Rappelons que nombreuses furent les tentatives de réduire Monsieur
Anouzla au silence. Intimidation, harcèlement judiciaire, procès
politiques et amendes astronomiques, se sont succédés au point
d'entraîner la fermeture de son quotidien « Al-Jarida al-Oula ». On se
souvient également du procès de 2009, qui lui avait été intenté parce
qu'il avait osé écrire que Mouammar Kadhafi avait pris le pouvoir en
1969, suite à un coup d'Etat, et non à une «révolution populaire ».
Autant de manœuvres qui ont eu lieu dans un contexte d'attaques
généralisées contre les journalistes indépendants, quelques années
seulement après l'arrivée de Mohammed VI au pouvoir en 1999, et qui ont
incité le Comité de protection des journalistes à lister le Maroc en
2007, au dixième rang des pays où la liberté de presse s'est le plus
détériorée.
De toutes les atteintes à la liberté de la presse, cette dernière
attaque est sans doute, la plus cruelle. Elle intervient six semaines
seulement après que Lakome ait fait état d'une grâce royale, à
l'occasion de la fête du Trône, accordée à un pédophile, Daniel Galvan
Vina, condamné à une lourde peine de prison. Le tollé soulevé par la
nouvelle a été repris et amplifié par les réseaux sociaux, contraignant
Mohammed VI à revenir sur sa grâce. Une anecdote qui a déclenché la
colère des conseillers du roi et à laquelle est venu s'ajouter
l'éditorial posté le 13 septembre, critiquant le régime saoudien et dans
lequel Monsieur Anouzla affirmait que « tout changement véritable dans
la région arabe devrait commencer par le Golfe arabe ». Un article qui
semble avoir joué le rôle de catalyseur, dans la décision de « punir »
le journaliste.
Ceux qui connaissaient Anouzla n'ont pas été surpris par la naissance
de Lakome en 2010 sur les cendres de Al-Jarida al-Oula. La parution
électronique allait vite s'imposer comme une des sources les plus
professionnelles et les plus fiables en matière d'informations sur le
Maroc. J'ai eu l'honneur de rencontrer l'homme, plusieurs fois, au cours
des huit (8) dernières années, dont une fois au tribunal de Casablanca
en 2009, lorsque lui fut intenté ainsi qu'à d'autres journalistes, un
procès en diffamation, envers Kadhafi. Le respect que Ali Anouzla force,
tant au Maroc qu'ailleurs dans différents pays arabes, vient
essentiellement de sa dévotion pour le journalisme indépendant et sa
capacité à s'attaquer à un ensemble de questions généralement ignorées
par les médias traditionnels.
La solidarité locale, régionale et internationale avec Monsieur
Anouzla est sans précédent. Elle nous rappelle la marche irréversible
des peuples arabes vers la liberté et la démocratie avec le soutien
d'une presse libre. Il est bien triste de faire le constat que le régime
marocain qui semblait, à la fin du règne de Hassan II, il y a plus de
quinze (15) ans, faire des pas importants vers la primauté du droit et
le journalisme indépendant, ne semble toujours pas décidé à apprendre de
ses erreurs passées.
Tout comme la Tunisie, avant le renversement de Ben Ali, Mohammed VI
et son gouvernement islamiste semblent de plus en plus déterminés à
faire usage de la loi anti-terroriste de 2003, pour lutter contre leurs
détracteurs. S'il savaient seulement combien l'avenir du Maroc, tout
comme celui des autres pays arabes, serait sombre, instable et précaire,
si les esprits libres tels que Ali Anouzla devaient, un jour,
disparaître.
Kamel Labidi
Article original consultable ici
http://fr.lakome.com/index.php/chroniques/1462-le-maroc-doit-liberer-ali-anouzla
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Par Meryem Houari, 6/10/2013
Le Maroc doit libérer Ali Anouzla !
- Écrit par Kamel Labidi, 8/10/2013
Kamel Labidi est un journaliste tunisien indépendant et
ancien président de la Commission nationale pour la réforme de
l'information et de la communication, dont les membres ont démissionné
en 2012 pour protester contre l'absence de volonté politique de mettre
en œuvre la réforme des médias en Tunisie. Il dit toute son indignation à
propos de l'arrestation d'Ali Anouzla dans ce papier écrit pour le
journal libanais «Daily Star».
Ecrit par Kamel Labidi, traduction Salah Elayoubi
Rarement
l'emprisonnement d'un journaliste, aura suscité autant d'appels à sa
libération, que celui Ali Anouzla. Le journaliste marocain indépendant a
été arrêté au matin du 17 septembre 2013, pour se voir inculpé, après
une semaine de garde-à-vue, des chefs d'accusation ridicules,
d'"Apologie du terrorisme" et d'"Assistance à la perpétration d'actes
terroristes", qui lui font encourir vingt (20) années d'emprisonnement.
Dans un pays où le droit à un procès équitable est inexistant, où
l'abus de pouvoir, la corruption, la pédophilie et le viol des femmes
sont mieux tolérés que le journalisme indépendant, le crime d'Ali
Anouzla aura été d'avoir publié sur le site arabophone de son journal
électronique « Lakome », un article reproduisant un lien vers une vidéo
d' « Al-Qaïda au Maghreb islamique » (AQMI), intitulée « Maroc: royaume
de la corruption et du despotisme » et publiée sur le site Internet du
quotidien espagnol « El Pais ».
Nonobstant le fait que l'article en question, avait bien qualifié la
vidéo de « propagande » du groupe armé AQMI et le fait que plus de
soixante (60) organisations de défense de la liberté d'expression ont
considéré que le journal n'avait nullement approuvé le contenu de la
vidéo appelant à lutter contre le régime de Mohammed VI, les autorités
marocaines ont sauté sur l'occasion pour régler leurs comptes avec le
plus infatigable, le plus zélé et le plus crédible de tous leurs
pourfendeurs.
Les accusations portées contre Monsieur Anouzla sont sans fondement
et n'ont, pour seul et unique objectif, que celui de punir l'attachement
de ce dernier à la stricte indépendance éditoriale de son quotidien et à
l'ambition qui le taraudait de faire toute la lumière sur les abus de
pouvoir, la corruption, la culture du secret, considérés par le pouvoir,
comme autant de « lignes rouges » et auxquelles le Parti de la Justice
et du Développement, le parti islamiste au pouvoir, avait promis, il y a
deux ans, de s'attaquer pour les éradiquer, avec la mise en place de la
réforme judiciaire.
Les accusations qui pèsent sur Monsieur Anouzla sont inquiétantes, à
plus d'un titre, parce qu'ils témoignent de l'échec du gouvernement
marocain à faire le distinguo entre « droit à la liberté d'expression et
d'information d'une part, et incitation au terrorisme par la diffusion
de la vidéo de l'autre côté », selon Amnesty International.
L'Organisation londonienne des droits de l'homme a prédit que « toute
discussion sur le terrorisme, y compris la critique des stratégies de
lutte contre le terrorisme » risque dorénavant d'être systématiquement
assimilée, par le Maroc, à une infraction pénale.
L'arrestation du journaliste a suscité une vague de protestation sans
précédent, notamment à Casablanca, Rabat et Tanger. Les manifestants,
doublement indignés par l'arrestation d'un journaliste et le parallèle
entre journalisme et terrorisme, n'ont pas manqué de condamner ce qu'ils
ont qualifié d'« acte de vengeance impitoyable contre un journaliste
courageux »
Rappelons que nombreuses furent les tentatives de réduire Monsieur
Anouzla au silence. Intimidation, harcèlement judiciaire, procès
politiques et amendes astronomiques, se sont succédés au point
d'entraîner la fermeture de son quotidien « Al-Jarida al-Oula ». On se
souvient également du procès de 2009, qui lui avait été intenté parce
qu'il avait osé écrire que Mouammar Kadhafi avait pris le pouvoir en
1969, suite à un coup d'Etat, et non à une «révolution populaire ».
Autant de manœuvres qui ont eu lieu dans un contexte d'attaques
généralisées contre les journalistes indépendants, quelques années
seulement après l'arrivée de Mohammed VI au pouvoir en 1999, et qui ont
incité le Comité de protection des journalistes à lister le Maroc en
2007, au dixième rang des pays où la liberté de presse s'est le plus
détériorée.
De toutes les atteintes à la liberté de la presse, cette dernière
attaque est sans doute, la plus cruelle. Elle intervient six semaines
seulement après que Lakome ait fait état d'une grâce royale, à
l'occasion de la fête du Trône, accordée à un pédophile, Daniel Galvan
Vina, condamné à une lourde peine de prison. Le tollé soulevé par la
nouvelle a été repris et amplifié par les réseaux sociaux, contraignant
Mohammed VI à revenir sur sa grâce. Une anecdote qui a déclenché la
colère des conseillers du roi et à laquelle est venu s'ajouter
l'éditorial posté le 13 septembre, critiquant le régime saoudien et dans
lequel Monsieur Anouzla affirmait que « tout changement véritable dans
la région arabe devrait commencer par le Golfe arabe ». Un article qui
semble avoir joué le rôle de catalyseur, dans la décision de « punir »
le journaliste.
Ceux qui connaissaient Anouzla n'ont pas été surpris par la naissance
de Lakome en 2010 sur les cendres de Al-Jarida al-Oula. La parution
électronique allait vite s'imposer comme une des sources les plus
professionnelles et les plus fiables en matière d'informations sur le
Maroc. J'ai eu l'honneur de rencontrer l'homme, plusieurs fois, au cours
des huit (8) dernières années, dont une fois au tribunal de Casablanca
en 2009, lorsque lui fut intenté ainsi qu'à d'autres journalistes, un
procès en diffamation, envers Kadhafi. Le respect que Ali Anouzla force,
tant au Maroc qu'ailleurs dans différents pays arabes, vient
essentiellement de sa dévotion pour le journalisme indépendant et sa
capacité à s'attaquer à un ensemble de questions généralement ignorées
par les médias traditionnels.
La solidarité locale, régionale et internationale avec Monsieur
Anouzla est sans précédent. Elle nous rappelle la marche irréversible
des peuples arabes vers la liberté et la démocratie avec le soutien
d'une presse libre. Il est bien triste de faire le constat que le régime
marocain qui semblait, à la fin du règne de Hassan II, il y a plus de
quinze (15) ans, faire des pas importants vers la primauté du droit et
le journalisme indépendant, ne semble toujours pas décidé à apprendre de
ses erreurs passées.
Tout comme la Tunisie, avant le renversement de Ben Ali, Mohammed VI
et son gouvernement islamiste semblent de plus en plus déterminés à
faire usage de la loi anti-terroriste de 2003, pour lutter contre leurs
détracteurs. S'il savaient seulement combien l'avenir du Maroc, tout
comme celui des autres pays arabes, serait sombre, instable et précaire,
si les esprits libres tels que Ali Anouzla devaient, un jour,
disparaître.
Kamel Labidi
Article original consultable ici
http://fr.lakome.com/index.php/chroniques/1462-le-maroc-doit-liberer-ali-anouzla
http://fr.lakome.com/index.php/chroniques/1462-le-maroc-doit-liberer-ali-anouzla
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Par Meryem Houari, 6/10/2013
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