Dépôt de plaintes pour la torture de Naama Asfari et incident diplomatique entre le Maroc et la France
(Article actualisé le 23 février 2014)
« L’ACAT
(Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture) et l’avocat Joseph
Breham ont déposé le 20 février deux plaintes pour que la lumière soit
faite sur les tortures subies par Naama Asfari, défenseur des droits de
l’homme et militant pour l’autodétermination du Sahara occidental,
condamné en 2013 à 30 ans de détention par la justice militaire
marocaine sur la base d’aveux signés sous la torture« , pouvait-on lire dans le communiqué de presse.
Une plainte a été déposée auprès du Comité contre la torture de l’ONU
contre le Maroc pour les sévices subis par Naama Asfari, la prise en
compte des aveux forcés par le juge militaire et l’absence d’enquête
malgré la réitération de ses allégations de torture. Naama Asfari et son
épouse française, Claude Mangin, ont aussi adressé une plainte pénale
au doyen des juges d’instruction de Paris. L’ACAT s’est constitué partie
civile aux côtés des victimes.
Objectif : obtenir une condamnation
« Nous devons attendre plusieurs semaines pour connaître la
décision de la doyenne des juges d’instruction en ce qui concerne la
recevabilité de la plainte déposée en France, a expliqué à Nouvellesdusahara.fr Hélène Legeay, responsable Maghreb/Moyen-Orient à l’ACAT. Compte
tenu du fait que l’épouse de Naama Asfari est une victime indirecte
dans cette affaire et que l’ACAT est habilitée à se porter partie
civile, nous espérons que la doyenne déclarera que la justice est
compétente à instruire la plainte et chargera un juge d’instruction de
mener cette instruction. Maintenant, nous sommes conscients que
la demande d’aide adressée par la justice française à la justice
marocaine n’aura pas de grands espoirs d’être acceptée. Dans ces
conditions, à défaut d’avoir une aide et par conséquent, une
arrestation, nous pourrons obtenir une condamnation et un mandat d’arrêt
international comme dans le cas d’un tortionnaire tunisien. »
Selon Maître Joseph Breham, avocat de Naama Asfari et de son épouse, «
la plainte déposée en France doit amener la justice française à
identifier les auteurs et donneurs d’ordre des tortures fréquemment
infligées aux militants sahraouis. Actuellement, l’État de droit est tel
au Maroc qu’une telle enquête n’y est pas possible. »
L’autre plainte déposée auprès du Comité contre la torture de l’ONU
engage la responsabilité du Maroc. Le royaume chérifien est le seul pays
du Maghreb et du Moyen-Orient, avec la Tunisie, à reconnaître la
compétence de cette instance, ce qui permet donc à l’ACAT de porter des
plaintes auprès de cet organe semi-juridictionnel.
« Une condamnation par le Comité contre la torture serait un premier pas significatif dans la lutte contre l’impunité et encouragerait les autres victimes sahraouies et marocaines à porter plainte devant l’ONU, jusqu’à ce que la justice marocaine décide de rendre justice elle-même », souligne Hélène Legeay.
Une pratique de la torture dénoncée
Nouvellesdusahara.fr a déjà eu l’occasion de traiter des allégations de torture. Le 2 octobre 2012 par exemple, un article citait le Rapporteur spécial sur la torture, Juan Mendez qui a expliqué à l’issue d’une visite au Maroc et au Sahara occidental effectuée du 15 au 22 septembre 2012 :
«On observe une augmentation du nombre d’actes de torture et des mauvais traitements lors de l’arrestation et de la détention».
Concernant Naama Asfari, retrouvez l’interview vidéo de Claude
Mangin réalisée le 23 mars 2012 par Nouvellesdusahara.fr, racontant le
parcours de son mari, les conditions de son arrestation et de sa
détention depuis le 8 novembre 2010 et ses commentaires sur la stratégie
menée par le Maroc pour «étêter» le mouvement associatif sahraoui :
« Nous
avons relevé que Naama Asfari a, à de multiples occasions, dénoncé les
actes de torture qu’il a subis depuis son arrestation le 7 novembre 2010« , souligne Hélène Legeay de l’ACAT.
Un responsable marocain en ligne de mire…
Rebondissement, le 20 février, l’ACAT demandait aux autorités
françaises l’interpellation du directeur du service du contre-espionnage
marocain (DGST) actuellement en visite en France, Abdellatif Hammouchi.
Ce dernier était bien sur le territoire français comme cela a été
confirmé à l’AFP en soirée hier, pour accompagner le ministre de
l’Intérieur du Maroc. L’association accuse M. Abdellatif Hammouchi de
complicité de torture au Maroc, notamment pour le cas de Naama Asfari.
L’autre plainte qui vise le patron du contre-espionnage concerne Adil
Lamtalsi, un Franco-Marocain de 33 ans, arrêté en octobre 2008 près de
Tanger, torturé pendant trois jours à Temara avant qu’on ne l’oblige
selon lui à signer des aveux, puis transféré en France pour purger sa
peine de dix ans. Cette plainte a donné lieu à l’ouverture fin 2013
d’une information judiciaire à Paris.
Dans son point d’information datée du 23 février, l’Association de défense des droits de l’homme au Maroc (ASDHOM) a donné des précisions sur cette réaction :
« Ces plaintes ont fait réagir l’ambassade marocaine et le ministère marocain des Affaires étrangères en convoquant l’ambassadeur français à Rabat pour lui signifier que « la violation des règles et usages diplomatiques universels et le non-respect des conventions entre les deux pays suscitent de nombreuses interrogations sur les motivations réelles de cette affaire et ses véritables commanditaires. » Une façon de faire jouer les relations diplomatiques pour sacrifier la nécessité de lutter contre la torture sur son autel. »
Hélène Legeay a expliqué le 22 février sur RFI que :
« On a demandé son audition jeudi dernier alors qu’il était présent sur le territoire français en tant que directeur de la DST et non pas en tant qu’exécutant des actes de tortures reprochés. […] Les trois (personnes, ndlr) allèguent avoir été interrogées et torturées avec la complicité ou en présence d’agents de la DST. Donc, c’est à ce titre-là qu’on souhaiterait que monsieur Hammouchi soit entendu par la justice française. »
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