Par TV5Monde, 26/2/2014
L'œil de la rédaction
France-Maroc : torture, plaintes et crispations
Depuis
le dépôt de plusieurs plaintes à l'encontre du patron du
contre-espionnage marocain, Abdellatif Hammouchi, et la notification de
sa convocation dans l'instruction d'un dossier, le 20 février dernier,
les relations franco-marocaines sont tendues.
Bénédicte Weiss (avec AFP)25/2/2014
Alors que les relations entre France et Maroc se veulent généralement amicales, le dépôt de plaintes pour "torture" à l'encontre du responsable de la direction de la surveillance du territoire (DST), Abdellatif Hammouchi, par l'ONG Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (Acat-France), les aura tendues pour quelques jours. Réactions insurgées du Maroc. Évocation d'un "incident regrettable" par le Quai d'Orsay.
Le président de la République François Hollande s'est entretenu lundi soir au téléphone sur ce sujet avec le roi du Maroc Mohammed VI, alors en tournée africaine, pour "dissiper les malentendus". Qu'à cela ne tienne, plusieurs milliers de personnes ont manifesté ce mardi après-midi devant l'ambassade de France à Rabat, pour protester contre des propos "blessants" sur le royaume attribués à un diplomate français.
A ces deux plaintes déposées par Acat-France concernant des actes de torture sur un militant du Sahara occidental, une ex-colonie espagnole contrôlée par le Maroc mais revendiquée par des indépendantistes, s'en ajoutent deux autres, remontant à mai 2013. Tout s'est accéléré le 20 février, avec la venue de sept policiers français à l'ambassade du Maroc à Paris, pour notifier sa convocation chez le juge à Abdellatif Hammouchi.
Alors que les relations entre France et Maroc se veulent généralement amicales, le dépôt de plaintes pour "torture" à l'encontre du responsable de la direction de la surveillance du territoire (DST), Abdellatif Hammouchi, par l'ONG Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (Acat-France), les aura tendues pour quelques jours. Réactions insurgées du Maroc. Évocation d'un "incident regrettable" par le Quai d'Orsay.
Le président de la République François Hollande s'est entretenu lundi soir au téléphone sur ce sujet avec le roi du Maroc Mohammed VI, alors en tournée africaine, pour "dissiper les malentendus". Qu'à cela ne tienne, plusieurs milliers de personnes ont manifesté ce mardi après-midi devant l'ambassade de France à Rabat, pour protester contre des propos "blessants" sur le royaume attribués à un diplomate français.
A ces deux plaintes déposées par Acat-France concernant des actes de torture sur un militant du Sahara occidental, une ex-colonie espagnole contrôlée par le Maroc mais revendiquée par des indépendantistes, s'en ajoutent deux autres, remontant à mai 2013. Tout s'est accéléré le 20 février, avec la venue de sept policiers français à l'ambassade du Maroc à Paris, pour notifier sa convocation chez le juge à Abdellatif Hammouchi.
Le point de vue de Slimane Zeghidour
24.02.2014 - Durée : 01:51Le 64' de TV5MONDE
Incident et amitié
Les membres de l'ONG s'attendaient à une réaction virulente de la part du Maroc, mais pas de la France. Hélène Legeay, responsable du programme Maghreb-Moyen-Orient à Acat-France s'exclame : "J'ai eu Adil Lamtalsi (l'une des victimes de torture, ndlr) au téléphone hier matin. Il était très choqué de la réaction du ministère des Affaires étrangères français. Pour lui, c'était un désaveu de la France de tout ce qu'il avait subi. Il m'a dit, avec un peu d'humour mais à raison : la torture que j'ai subie, est-ce ça l'incident regrettable ? Finalement, c'est la question qu'on peut se poser. Et nous, en tant qu'ONG respectueuse qui assurons la promotion du droit international, ce qui nous a choqué aussi, c'est cette violation flagrante, manifeste, de la séparation des pouvoirs par le ministère des Affaires étrangères français. Depuis quand le ministère des Affaires étrangères, qui est une émanation du pouvoir exécutif, peut commenter une instruction judiciaire en cours ? Le ministère des Affaires étrangères n'a aucune prérogative pour "faire la lumière" sur quoi que ce soit qui relève de la Justice française qui est indépendante !"
Pour l'ONG, le fond du problème, c'est l'amitié franco-marocaine. L’Élysée souligne que l'appel téléphonique de François Hollande était notamment voué à "assurer le roi Mohammed VI de l'amitié constante entre la France et le Maroc". Amitié. Ce terme fait réagir Hélène Legeay : "C'est un terme que l'on ne retrouve pas forcément au cours de nos rencontres avec le ministère sur les autres pays. Alors que sur le Maroc, on nous dit : 'mais notre ami marocain', 'on tient à notre amitié avec le Maroc'. Et, plus ou moins sous-entendu, on est prêt à fermer les yeux sur les violations des droits de l'Homme perpétrées par les forces de sécurité marocaines, au nom de notre amitié." Selon l'AFP, le Palais royal marocain a indiqué que les deux chefs d’État avaient "convenu de poursuivre les contacts durant les prochains jours au niveau des deux gouvernements, et d’œuvrer dans l'esprit des relations d'exception qui lient le Maroc et la France."
Les membres de l'ONG s'attendaient à une réaction virulente de la part du Maroc, mais pas de la France. Hélène Legeay, responsable du programme Maghreb-Moyen-Orient à Acat-France s'exclame : "J'ai eu Adil Lamtalsi (l'une des victimes de torture, ndlr) au téléphone hier matin. Il était très choqué de la réaction du ministère des Affaires étrangères français. Pour lui, c'était un désaveu de la France de tout ce qu'il avait subi. Il m'a dit, avec un peu d'humour mais à raison : la torture que j'ai subie, est-ce ça l'incident regrettable ? Finalement, c'est la question qu'on peut se poser. Et nous, en tant qu'ONG respectueuse qui assurons la promotion du droit international, ce qui nous a choqué aussi, c'est cette violation flagrante, manifeste, de la séparation des pouvoirs par le ministère des Affaires étrangères français. Depuis quand le ministère des Affaires étrangères, qui est une émanation du pouvoir exécutif, peut commenter une instruction judiciaire en cours ? Le ministère des Affaires étrangères n'a aucune prérogative pour "faire la lumière" sur quoi que ce soit qui relève de la Justice française qui est indépendante !"
Pour l'ONG, le fond du problème, c'est l'amitié franco-marocaine. L’Élysée souligne que l'appel téléphonique de François Hollande était notamment voué à "assurer le roi Mohammed VI de l'amitié constante entre la France et le Maroc". Amitié. Ce terme fait réagir Hélène Legeay : "C'est un terme que l'on ne retrouve pas forcément au cours de nos rencontres avec le ministère sur les autres pays. Alors que sur le Maroc, on nous dit : 'mais notre ami marocain', 'on tient à notre amitié avec le Maroc'. Et, plus ou moins sous-entendu, on est prêt à fermer les yeux sur les violations des droits de l'Homme perpétrées par les forces de sécurité marocaines, au nom de notre amitié." Selon l'AFP, le Palais royal marocain a indiqué que les deux chefs d’État avaient "convenu de poursuivre les contacts durant les prochains jours au niveau des deux gouvernements, et d’œuvrer dans l'esprit des relations d'exception qui lient le Maroc et la France."
Sahara occidental
Si la polémique enfle ces derniers jours, c'est aussi parce que les
propos supposés d'un ambassadeur français auprès des Nations unies se
sont ajoutés aux plaintes déposées par Acat-France. Il aurait, selon
l'acteur espagnol Javier Bardem, producteur d'un documentaire sur le
Sahara occidental, énoncé que le Maroc est une "maîtresse avec laquelle on dort toutes les nuits, dont on n'est pas particulièrement amoureux mais qu'on doit défendre",
en 2011. Cela alors que la France soutient traditionnellement le Maroc
sur la question du Sahara occidental. Le Quai d'Orsay a catégoriquement
démenti ces propos, qualifiés de "scandaleux" et "inadmissibles" par Rabat. Ils étaient l'un des principaux mobiles de la manifestation de mardi, devant l'ambassade de France à Rabat.
Cette même région du Sahara occidental est celle des victimes de torture soutenues par Acat-France.
Une nouvelle plainte a été déposée dimanche contre Abdellatif Hammouchi
par l'avocat d'un ancien boxeur, Zakaria Moumni, également pour "torture".
Les autorités marocaines n'ont pas officiellement réagi à ce dernier
cas. La relation entre la France et le Maroc est d'ordinaire bien cadrée
: Paris est le premier partenaire commercial de Rabat et, en 2012, le
volume des échanges a atteint huit milliards d'euros.
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