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vendredi 28 février 2014

France - Maroc : retour sur une tension diplomatique en 4 actes


Plusieurs plaintes déposées à Paris contre un haut responsable marocain ont provoqué un sérieux coup de froid diplomatique entre les deux capitales. Non sans conséquences.



François Hollande et le roi du Maroc Mohammed VI, en mars 2013. (FADEL SENNA/AFP)    
François Hollande et le roi du Maroc Mohammed VI, en mars 2013. (FADEL SENNA/AFP)

D'ordinaire bien cadrée, la relation diplomatique entre la France et le Maroc, deux proches alliés, traverse une passe délicate. Dernier épisode en date : le report de la visite à Rabat, prévue lundi 24 février et mardi, de Nicolas Hulot, envoyé spécial de François Hollande pour la planète. Une décision qui s'explique par un contexte particulièrement tendu ces derniers jours entre les deux pays. Retour sur les origines de cette tension inédite.

1 Un haut gradé marocain accusé de tortures

Tout a commencé jeudi dernier par la visite à Paris du patron du contre-espionnage marocain, Abdellatif Hammouchi, qui accompagnait son collègue de l'Intérieur Mohamed Hassad pour un G4 avec ses homologues français, espagnol et portugais. L'ONG Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (Acat) a saisi l'opportunité de la présence en France de ce haut gradé, accusé de complicité de tortures au sein du centre de détention marocain de Temara, pour demander aux autorités françaises de l'entendre.
Une des plaintes auxquelles s'est associée ACAT, déposée avec constitution de partie civile par Adil Lamtalsi, un Franco-Marocain de 33 ans, a donné lieu à l'ouverture fin 2013 d'une information judiciaire à Paris.
Adil Lamtalsi affirme avoir été arrêté en octobre 2008 près de Tanger, puis torturé pendant trois jours à Temara avant qu'on ne l'oblige, selon lui, à signer des aveux. Il a nié devant le tribunal marocain les faits qui lui étaient reprochés mais a été condamné selon l'ACAT en novembre 2008 à 10 ans de prison pour détention et trafic de cannabis. Il a par la suite été transféré en France pour y purger sa peine. 
Ces accusations ont donc conduit jeudi dernier un juge d'instruction parisien à demander la convocation de ce haut responsable marocain lors de son passage en France.

2 Incident diplomatique

Sans passer par les canaux diplomatiques, sept policiers français se sont alors rendus dans la foulée à la résidence de l'ambassadeur du Maroc pour notifier à Abdellatif Hammouchi sa convocation. A la suite de cet incident, le Maroc a vivement réagi et rejeté "catégoriquement" les accusations, déplorant un "incident rare et inédit".
Ainsi, l'ambassadeur de France à Rabat, Charles Fries, a été convoqué vendredi soir pour se voir "signifier la protestation vigoureuse du royaume du Maroc".
Paris a pour sa part déploré samedi un "incident regrettable". "En réponse à la demande des autorités marocaines, nous avons immédiatement demandé que toute la lumière soit faite, le plus rapidement possible, sur cet incident regrettable, dans l'esprit de l'amitié confiante qui lie la France et le Maroc", a indiqué dans un communiqué le porte-parole du ministère, Romain Nadal.
L'ambassadeur du Maroc à Paris, Chakib Benmoussa, a été reçu lundi au ministère des Affaires étrangères pour évoquer cette question. "Nous espérons que le parquet ne sacrifiera pas la nécessité de lutter contre la torture sur l'autel des bonnes relations avec le Maroc", a déclaré pour sa part Me Joseph Breham, avocat des plaignants.

3 Le Maroc, "une maîtresse"

Pour ne rien arranger au climat déjà crispé entre les deux capitales, des propos rapportés par l'acteur espagnol Javier Bardem vont remettre de l'huile sur le feu. Citant le comédien qui vient de produire un documentaire sur le Sahara occidental, "Le Monde" a révèlé des propos particulièrement virulents qu'aurait tenu l'ambassadeur français à Washington :
Le Maroc est une "maîtresse avec laquelle on dort toutes les nuits, dont on n'est pas particulièrement amoureux mais qu'on doit défendre", aurait ainsi affirmé en 2011 ce haut diplomate, selon Javier Bardem, alors que Paris est un soutien traditionnel du royaume sur le dossier du Sahara.
Des déclarations prêtées à l'ambassadeur qui ont fait bondir Rabat. Ce sont des "mots blessants, inadmissibles" et des "expressions humiliantes", fustige le porte-parole du gouvernement marocain, qui espère que Paris "saura réparer le mal causé par ces propos".
Le Quai d'Orsay a beau avoir catégoriquement démenti de tels propos de son représentant à Washington, le mal est fait.

4 Hulot pas le bienvenu au Maroc 

Conséquence indirecte de ces bisbilles diplomatiques entre Paris et Rabat, Nicolas Hulot, représentant spécial de François Hollande, a été contraint d'annuler sa visite, prévue lundi et mardi au Maroc.
"Dans le contexte actuel, les deux parties ont jugé préférable de reporter cette visite", a précisé une source officielle à Rabat.
Citant des "sources diplomatiques", l'agence MAP a toutefois affirmé que cette décision avait été prise par la seule partie marocaine. "Ce report a été demandé par Rabat en attendant des éclaircissements" sur les plaintes déposées à Paris contre le haut responsable marocain.
L'Université internationale de Rabat (UIR), où Nicolas Hulot devait tenir une conférence lundi après-midi sur le thème "La protection de la planète : un enjeu universel", a pour sa part évoqué des questions d'"agenda" pour justifier son annulation.
G.S. - Avec AFP

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