L'émission du vendredi 28 février 2014
par Eric Valmir , 28/2/2014
le vendredi de 19h20 à 20h
France Inter
par Eric Valmir , 28/2/2014
le vendredi de 19h20 à 20h
France Inter
La difficile question sahraouie au Sahara Occidental
Mauvaise semaine pour la diplomatie franco-marocaine. Rabat a suspendu les accords de coopération judiciaire conclus avec la France. En déposant une plainte pour actes de torture contre Abdellatif Hamouchi (patron du renseignement marocain), l'ACAT (Action des chrétiens pour l'abolition de la torture)
a provoqué la colère du Maroc. Des policiers se sont présentés en effet
devant les grilles devant l'ambassade du Maroc à Paris avec une
convocation d'un juge d'instruction.
De surcroit, en parralèlle, Javier Bardem met, lui, la diplomatie française dans l'embarras. Dans un film documentaire sur le Sahara Occidental
qu'il a produit, l'acteur espagnol prête à Gérard Araud des propos
métaphoriques sur les relations entre la France et le Maroc. "En amour, on ne cautionne pas toujours ce que fait l'autre mais on reste ensemble quand même."
Le Quai d'Orsay a vigoureusement démenti et promis que "la lumière serait faite". François Hollande a téléphoné au roi Mohamed VI pour adresser "un message de confiance et d'amitié".
Mais ces péripéties diplomatiques nous éloignent du sujet en toile de fond qui nous intéresse : la difficile question du Sahara Occidental. Territoire non autonome
selon les Nations Unies, cette ancienne colonie espagnole n'a toujours
pas de statut juridique, 37 ans après le départ de l'Espagne.
Bref rappel des faits :
Entre 1884 et 1975, c’est une
colonie espagnole appelée Rio de Oro, l’ancienne caravane de la route de l’or
traversait ses dunes.
Une colonisation contestée par
les Marocains qui plaide la légitimité historique datant du XIème siècle,
l’époque des Almoravides, fondateurs du premier empire marocain.
Quand les
Espagnols se retirent en 1975, le Maroc annexe ce qu’il considère comme ses propres terres au nom
du grand Maroc voulu par Hassan II. Cette idée de grand Maroc avait déjà débouché sur un
conflit avec les Algériens en 1963. En jeu, les terres du Sahara Algérien.
L’annexion se fait
pacifiquement. Hassan II lance un appel à la mobilisation nationale, 300 000 marocains
passent la frontière. Le succès de cette marche verte débouche sur les
premières colonisations du Sahara Occidental.
La terre est aride, il y a du
phosphate dans les sous sols et le Maroc en doublant ainsi son territoire
devient alors le troisième producteur de phosphate au monde…
Sauf que les populations
sarahouies n’ont pas été consultées pendant cette annexion. Les Espagnols se
retirent et laissent la population locale entre les mains des Marocains.
Les mouvements nationalistes
qui ont épousé partout en Afrique la période de décolonisation existaient aussi
au Sahara Occidental. Le Front Polisario qui demandait l’indépendance aux
Espagnols se lancent dans une guérilla contre les forces marocaines armées par
l’Algérie.
Cette même Algérie accueille à Tindouf les Sahraouis qui fuient les violences. Ce sont les premiers camps de réfugiés.
Camp de réfugiés sahraouis
© - 2014 / CTW
C’est
ici à Tindouf en 1976 qu’est proclamé la République démocratique arabe et
indépendante du Sahara Occidental. Reconnu par 73 Etats et les Nations Unies.
L'ONU va plus loin en 1978 : l'Organisation reconnait le principe d’autodétermination et condamne l’agression
marocaine.
Dans un camp de réfugiés sahraouis © - 2014 / Michele Beneceretti |
Les camps de réfugiés manquent de tout. Il faut l'aide des ONG pour apporter le minimum vital du quotidien.
Car dès 1976, une véritable guerre éclate entre le Front Polisario et l'armée marocaine. Comme
toujours, la population civile est prise dans l'étau. D'un côté, les
affrontements armés et sur la scène diplomatique, le jeu d'une
géopolitique complexe. C'est la période de la guerre froide. Etats-Unis et Français derrière les Marocains. Algériens et Russes derrière le Polisario.
Le conflit s'enlise. Pour empêcher la progression du Polisario, les Marocains érigent un mur de 2000 kilomètres entre 1980 et
1987. Il coupe le
Sahara occidental du désert qui s’étend à l’Est et protège les colons
marocains
de plus en plus nombreux.
Même si les statistiques sont alléatoires, on
estime à 175 000 les
Sahraouis qui vivent dans les villes occupées aux cotés de 300 000
Marocains et 200 000 ceux qui sont installés dans les camps de réfugiés.
Carte du Sahara occidental © - 2014 / CTC |
Les
cartes
en pointillé et en rouge la présence du mur qui sépare d'un coté
(partie rayée) les territoires occupés, de l'autre le désert (partie
gris clair) où se sont massées les populations sahraouies fuyant les
violences.
Tindouf se trouve sur le sol algérien.
Ci dessous deux vues aériennes et satellitaires du mur
Les mines dans les sables du Sahara © - 2014 / CTC |
A la fin des années 80, l'ONU hausse le ton et exige un cessez le feu.
La tension entre Américains et Soviétiques retombe. C'est la fin de la guerre froide. Hassan II pressé par Washington accepte le principe d'un référendum. Les Saharaouis vont être consultés sur leur droit à l'autodétermination.
Une mission de l'Onu est dépêchée sur place..
La Minurso
doit faire respecter le cessez-le-feu entre l'armée marocaine et le
front Polisario et tout mettre en œuvre pour assurer un climat de
sécurité inhérent à une consultation référendaire.
Les
personnels des Nations Unies trouveront aux abords du mur, coté
Sarahoui, des dizaines de milliers de mines enfouies sous les sables.
L'idée du référendum a vécu.
23 ans déjà et des échéances sans cesse reportées.
Maroc et Polisario *ne font rien pour que le dossier avance, les deux parties redoutant la sanction de l'urne.
Les organisations internationales des droits de l'Homme s'inquiètent de recrudescence de violence. Human Right Watch ne comprend pas la passivité de la communauté internationale au Sahara Occidental. Dans
les territoires occupés, la police marocaine a sévèrement réprimé une
manifestation des Saharouis qui réclamait leur droit à
l'autodétermination. Les fonctionnaires de l'ONU sur place témoignent d'épisodes à répétitions où les droits de l'homme sont sans cesse bafoués. Mais
comble du paradoxe, le mandat de la Minurso se limite au respect du
cessez le feu. Les débordements de la police marocaine sur les civils ne
les regardent en rien.
Cette femme surnommée la Ghandi des Sahraouies parcourt le monde pour sensibiliser l'opinion internationale à la question du Sahara Occidental.
Elle
s'inquiète notamment d'une situation larvée qui pourrait entrainer les
nouvelles générations qui ont grandi dans les camps de réfugiés à
explorer les voies du terrorisme.
Son nom : Aminatou Haidar. Elle affirme avoir été incarcérée et torturée.
Elle est considérée par les Marocains comme une activiste propagandiste à la solde des séparatistes.
L'américain Christopher
pour le Sahara occidental presse Mohamed VI de revenir aux résolutions de l’Onu. Pour les États-Unis, le
Sahara occidental est une pièce du puzzle géostratégique du Sahel saharien,
cette vaste contrée où les djihadistes sont implantés et qu’ils tentent de
transformer en base avancée pour des conquêtes au Maghreb et dans l’Afrique noire. Et plus la situation sera larvée dans cette zone, plus les djihadistes parviendront à s'implanter dans les camps de réfugiés.
La France qui garde le silence sur la question sahraouie pour ne pas froisser son allié marocain se trouve pris un difficile numéro d'équilibriste. D'autant qu'elle place François Hollande face à une contradiction après les efforts déployés au Mali et en Centrafrique...
Ce centre et Human Right
Watch demandent à la France de donner sa voix au Conseil de Sécurité des Nations Unies pour que la Minurso puisse intervenir sur les violences liées
aux violations des droits de l'homme
Le documentaire "Enfants des nuages" produit par Javier Bardem et réalisé par Alvaro Longoria sortira sur les grands écrans français le 30 avril.
Il
aura fallu deux ans pour que la production trouve un distributeur
français acceptant de faire tourner le film. Sorti en 2012, il a été
sélectionné au Festival de Berlin et a reçu un accueil favorable dans
les festivals internationaux.
Il est jugé honteux et partisan par le Maroc.
Javier Bardem, interrogé ici par Eric Valmir estime que le documentaire n'a pas été aussi neutre qu'il l'aurait voulu car il manque la position marocaine. Aucun représentant du Maroc n'a souhaité s'exprimer dans ce film. Un silence parlant aux yeux de Javier Bardem.
L'acteur espagnol a été sensibilisé dès son plus jeune âge à la question sahraouie. Sa mère actrice s'était engagée dans les manifestations pour défendre la cause des populations civiles.
Populations civiles principales victimes
d'un complexe et délicat dossier géopolitique aux ramifications
diplomatiques sans cesse mouvantes.
Javier Bardem dit ne vouloir se préoccuper que de cela.
Quitte à utiliser parfois la provocation pour susciter une réaction.
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