Point hebdomadaire n°55 sur la campagne
de parrainage des prisonniers d’opinion au Maroc
Nous commençons ce point
hebdomadaire en France et nous nous rendons ensuite dans les prisons et les
tribunaux marocains pour s’enquérir de la situation des prisonniers
politiques et d’opinion que nous parrainons.
Mardi 18 février, s’est tenu
à Lille le procès scandaleux
intenté à Me Maurice Buttin,
l’avocat de la famille Ben Barka,
accusé d’avoir divulgué des secrets professionnels en relation avec
l’instruction de l’affaire Ben Barka. Il s’agit en fait des
mandats d’arrêt lancés en octobre 2007 par le juge d’instruction
Patrick Ramaël, en charge du dossier, à l’encontre de quatre sécuritaires
marocains, soupçonnés d’être impliqués dans l’enlèvement, le 29
octobre 1965 à Paris, de Mehdi Ben Barka. Miloud
Tounsi, l’un des concernés par ces mandats d’arrêt, ne
serait selon Me Buttin (voir son livre BEN BARKA, Hassan II, De Gaulle, ce
que je sais d'eux) que Larbi Chtouki, un membre présumé du commando marocain auteur
de l’enlèvement. Miloud Tounsi s’est d’abord attaqué par
l’intermédiaire de ses avocats, dont celui de l’État marocain, au
journaliste Joseph Tual, spécialiste
de l’affaire Ben Barka, sans succès. Ont commencé ensuite des pressions
sur le juge Ramaël pour le dessaisir du dossier avant de s’en prendre à
l’avocat de la famille Ben Barka qui n’a cessé depuis maintenant
presque 50 ans de remuer ciel et terre pour que toute la vérité sur ces
crapuleux enlèvement et assassinat soit connue un jour avant que tous les témoins
et les preuves matérielles ne viennent à disparaitre.
Lors de son procès, Me Buttin, 86
ans et seul survivant des avocats de la famille Ben Barka qui se sont succédés
sur l’affaire, n’a rien perdu de son énergie dans sa recherche de
la vérité et de la justice. Il l’a rappelé avec détermination mardi
dernier face au président du tribunal, soutenu par son excellent avocat Me
Alexis Gublin. Le Procureur de la république a lui aussi plaidé sa relaxe. Les
deux avocats de la partie civile ont tout fait pour ne pas aborder le fond de
l’affaire et n’ont pas apprécié, c’est normal, le
rassemblement de soutien qui a eu lieu devant le TGI de Lille au tout début du
procès. Rappelons qu’à l’initiative de l’ASDHOM, appuyée par nos amis tunisiens du CRLDHT, un appel au soutien de Me Buttin
avait été lancé et a recueilli 72 signatures
d’organisations et plus de 450
signatures individuelles dont des démocrates, des défenseurs des
droits de l’Homme ou encore des écrivains tels Gilles Perrault,
Abdellatif Laâbi, Me Patrick Baudouin, Ignace Dalle, Mohamed Harbi, Alain
Gresh, etc.
Les signataires, au-delà de la
relaxe espérée pour Me Buttin lors du verdict
prévu le 15 avril prochain, soutiennent la famille Ben Barka dans sa
quête de la vérité et de la justice dans cette affaire qui n’a que trop
duré. Les mensonges et les blocages officiels, tant marocain que français,
doivent cesser et céder la place à la vérité tant attendue.
Toujours en France, des plaintes ont été déposées contre Abdellatif Hammouchi,
le directeur général de la DST marocaine, qui accompagnait le ministre de
l’Intérieur marocain lors d’une visite officielle en France. La
première déposée le vendredi 21 février
par Me Patrick Baudouin, président
d’honneur de la FIDH, au nom du jeune champion marocain de boxe Thaïe, Zakaria Moumni, auprès du Procureur du Pôle
spécialisé dans les Crimes contre l’Humanité/Crimes de Guerre du Tribunal
de Grande Instance de Paris. Cette plainte est basée sur le fondement de la
compétence universelle des juridictions françaises pour crimes de torture.
Rappelons que Zakaria Moumni a été enlevé le 27 septembre 2010 et torturé
pendant 4 jours au centre clandestin de détention de Temara, non loin de Rabat,
avant d’être jugé dans un procès inéquitable, monté de toutes pièces, à
une peine de trois ans et dont il va passer 18 mois en prison avant de
rejoindre sa femme en France. L’ASDHOM avait initié un comité de soutien
qui avait appelé à des rassemblements devant l’ambassade marocaine à
Paris, lancé une pétition en sa faveur et participé aux côtés de la FIDH et de
HRW à des conférences de presse à Paris pour réclamer sa libération. Lors
des quatre jours de torture passés à Temara, Zakaria Moumni a pu reconnaitre
Abdellatif Hammouchi, présent sur les lieux. C’est ce qui justifie le
dépôt de plainte en question.
Deux autres plaintes ont
été déposées le jeudi 20 février par l’ACAT (Action Chrétienne pour l’Abolition de la
Tortue) et l’avocat Me Joseph Breham
au nom du défenseur des droits de l’Homme sahraoui Naâma Asfari et sa femme Claude Mangin. Une auprès du Comité contre
la torture de l’ONU contre
l’État marocain pour les sévices subis par Naâma Asfari, la prise en
compte des aveux forcés par le juge militaire et l’absence
d’enquête malgré la réitération de ses allégations de torture. L’autre
déposée par Naâma Asfari et sa femme auprès du doyen des juges
d’instruction de Paris et dont l’ACAT s’est constituée partie
civile à leurs côtés. Naâma Asfari qui fait partie de nos parrainés, a été
condamnés le 17 février 2013 à 30 ans de prison ferme par le tribunal militaire
permanent de Rabat sur la base d’aveux signés sous la torture. Il a été
arrêté le 7 novembre 2011, la veille du démantèlement violent du campement de
Gdeim Izik en jugé en compagnie de 23 autres défenseurs des droits de l’Homme
sahraouis après plus de 27 mois de détention préventive. A Travers cette
plainte, l’ACAT appelle « le CAT et les Nations Unies à condamner le
phénomène tortionnaire et l’impunité au Maroc » (voir lien
suivant http://www.acatfrance.fr/communiques_presse.php?id=289
).
Ces plaintes ont fait réagir
l’ambassade marocaine et le ministère marocain des Affaires étrangères en
convoquant l’ambassadeur français à Rabat pour lui signifier que
« la violation des règles et usages diplomatiques universels et le
non-respect des conventions entre les deux pays suscitent de nombreuses
interrogations sur les motivations réelles de cette affaire et ses véritables
commanditaires. » Une façon de faire jouer les relations diplomatiques
pour sacrifier la nécessité de lutter contre la tortue sur son autel.
Voici brièvement les autres
informations relatives à nos groupes de parrainés.
Groupe Liberté
d’expression-Journalistes : Le journaliste Ali Anouzla a vu encore une fois son
audition reporter. Sa demande de levée du blocage du site d’information
Lakome, en vigueur depuis le 17 octobre 2013, a été rejetée. RSF estime que le
Maroc mérite bien sa 136ème place peu glorieuse dans son classement
2014.
Groupe
UNEM-Meknès : Les cinq prisonniers politiques Hassan Koukou, Mounir Ait Khafou, Soufiane Sghéri,
Hassan Ahamouch et Mohamed Eloualki, détenus sans jugement depuis le
17 décembre 2012 à la prison locale Toulal 2 de Meknès, observent le 19
février, à l’occasion du 3ème anniversaire du mouvement
20-Février, une grève de la faim de 48 heures. Ils se solidarisent ainsi avec
leurs camarades détenus à la prison Aouad de Kénitra et qui sont en grève
ouverte de la faim pour réclamer sinon leur libération, du moins
l’amélioration des conditions de détention.
Groupe UNEM-Fès :
Plusieurs arrestations nous ont été signalées (nous n’avons pas encore de
noms) parmi les militants de l’UNEM-Fès qui sensibilisaient et
mobilisaient les habitants des quartiers populaires de Fès pour célébrer le 3ème
anniversaire du 20-Février.
Nos apprenons par ailleurs que Mohamed Ghalout, un ancien prisonnier
politique, libéré à peine 5 jours auparavant après avoir passé 7 mois de prison
à la prison locale Ain Kadous de Fès , a été arrêté
de nouveau à Sefrou le 17 février
2014 par la gendarmerie royale. Après plusieurs heures d’interrogatoires
musclés et de pressions psychologiques, il a été traduit, le 18 février, devant
le tribunal de première instance de Sefrou.
Un autre militant de l’UNEM-Fès,
libéré lui aussi 5 jours avant après 7 mois de détention à Ain Kadous, a été
appréhendé à Harmamou par la gendarmerie royale. Il s’agit de Mohamed Boujnah qui a été traduit devant le
tribunal de Sefrou le 20 février 2014. Il a été remis en liberté en attendant
son procès fixé au 9 avril 2014.
Groupe
Sahraouis-Smara-Laâyoune : Les quatre défenseurs des
droits de l’Homme sahraouis, Sidi Sbai,
Hafed Toubali, Mohamed Jemour et Bachir Bouâmoud, arrêtés la semaine
dernière à Sidi Ifni (voir point
54) ont été traduits, le 20 février, devant le tribunal de première
instance de Tiznit. Hafed Toubali a écopé de 6
mois de prison ferme et de 500 dirhams d’amende. Sidi Sbai et Mohamed
Jemour ont été, eux, condamnés à 5 mois
et 500 dirhams d’amende. Bachir Bouâmoud a, quant à lui, écopé de 4 mois de prison ferme et 500 dirhams
d’amende aussi.
D’autres arrestations ainsi
que quelques libérations nous ont été signalées parmi les Sahraouis. Nous les
traiterons au prochain point hebdomadaire.
Le bureau exécutif de
l’ASDHOM
Paris, le 23 février 2014
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