Ces quelques jours de février, le retour au devant de l'actualité des
Sahraouis, marquera-t-il un tournant dans la prise en compte de ce peuple en
France et l'affaiblissement des multiples influences marocaines qui bloquent le
traitement du sujet dans notre pays ?
Vous avez tous observé avec les deux précédentes newsletters le succès du
film « Enfants des Nuages, la dernière colonie » et la puissance médiatique
d'artistes comme Javier Bardem, Victoria Abril et Pierre Richard, capables de
faire tomber quelques barrières médiatiques et de provoquer l'intervention
embarrassée du porte parole du Ministère des Affaires étrangères.
Ce premier épisode ne pouvait que troubler les autorités marocaines !
Un deuxième épisode, moins médiatique mais également important a dû encore
augmenter leur trouble… Le groupe d'étude Sahara occidental, qui existe en dépit
des pressions de l'Ambassade du Maroc, recevait le 19 février à l'Assemblée
nationale, le Représentant du Front Polisario.
Et ce n'était pas fini.
Le 20 février l'ACAT – Action des chrétiens pour l'abolition de la torture –
et Me Joseph Breham, avocat au barreau de Paris déposaient le matin deux
plaintes pour torture, l'une auprès du Comité Contre la torture de l'ONU à
Genève et l'autre auprès de la doyenne des juges d'instruction de Paris. Deux
plaintes pour obtenir la condamnation des agents marocains qui ont torturé Naama
Asfari, militant sahraoui condamné à 30 ans pour avoir réclamé
l'autodétermination du peuple sahraoui et œuvré pour organiser ses
revendications.
A Genève, la plainte est recevable, depuis que le Maroc a reconnu la
compétence du Comité contre la torture. Mais en même temps, l’État marocain n'a
jamais enquêté sur les cas de tortures perpétrés régulièrement à l'encontre des
Sahraouis ; il est donc très important de faire réagir les institutions
compétentes et donner à d'autres victimes l'opportunité de porter plainte à leur
tour.
A Paris, l'ACAT et notre amie Claude Mangin-Asfari épouse et victime
indirecte de la torture subie par son époux ont déposé une plainte pénale pour
amener la justice française à identifier les auteurs et donneurs d'ordre des
tortures subies par Naâma Asfari. La présence en France ce jour-là, du directeur
de la DGST marocaine( contre espionnage), M.Abdellatif Hammouchi, a permis à
l'ACAT et à Me Breham de déposer contre lui une troisième plainte pour Naâma
Asfari auprès du Pôle spécialisé pour les crimes contre l'humanité sur le
fondement de la compétence universelle.
En mai 2013, l'ACAT et Me Breham avait déjà porté plainte en France
contre M. Hammouchi pour un autre cas de torture d'un Franco-marocain, Adil
Lamtalsi, torturé en 2008 au sein du centre de détention secret de Temara
administré par la DST. Informée par Me Breham de la présence de M. Hammouchi sur
le territoire français, la juge d'instruction en charge du dossier d'Adil
Lamtalsi a envoyé 7 policiers à la Résidence de l'Ambassadeur du Maroc, pour
notifier au directeur de la DST sa convocation par la justice française. Cela a
été l'ultime outrage que n'ont pu supporter les autorités marocaines !
La France, le pays ami, l'allié complaisant et fidèle laissant libre cours à
tous ceux qui dénoncent les atteintes aux droits de l'homme que subissent
régulièrement les Sahraouis. Convocations, admonestations au nom des règles et
usages diplomatiques, le Maroc a réagi très fort en direction des autorités
françaises… qui se sont très vite, trop vite excusées ! Nous sommes nombreux en
France à soutenir le peuple sahraoui et à travers lui l'exigence du respect du
droit et du respect des droits humains.
Nous sommes nombreux aussi à soutenir l'indépendance de la justice. Pourquoi
l'exécutif s'est-il mêlé de la convocation d'un « flic » marocain alors que
cette demande émanait d'un juge d'instruction qui faisait tout simplement son
travail ?
Avril 2014, prochain rendez-vous du Conseil de sécurité. Le Conseil
de sécurité où la France tient un rôle éminent, ne doit pas comme l'an dernier
reculer devant les pressions marocaines, et résolument donner à la Mission de
l'ONU sur place, la MINURSO, mandat pour qu'enfin les Sahraouis puissent
librement exprimer leur point de vue et être protégés.
Il est question là encore de droit, de morale ! Le peuple sahraoui
qui attend depuis 38 ans peut y prétendre et notre pays honorer ces
principes.
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