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vendredi 28 février 2014

Crise franco-marocaine : le cas Hammouchi ne sera pas le dernier, tant que les services sécuritaires échappent au contrôle politique et judiciaire

Par Alif post
Par El Houssine Majdoubi 

Crise franco-marocaine : le cas Hammouchi ne sera pas le dernier, tant que les services sécuritaires échappent au contrôle politique et judiciair/El Houssine MajdoubiLe roi du Maroc Mohamed VI et le président français François Hollande Alifpost-Analyse/El Houssine Majdoubi - 26 فبراير، 2014 



 
Les relations franco-marocaines constituent un modèle de coopération entre deux pays de deux rives de la Méditerranée. Elles n’ont pas subi de secousses depuis le début des années 1990, suite à la publication du livre « Notre ami le roi » consacré à Hassan II.

  Cependant, cette harmonie diplomatique a subi une rupture ces derniers jours, suite à une soudaine crise provoquée d’abord par la volonté e la justice française d’interroger le directeur marocain des renseignements civils DST, Abdellatif Hammouchi, et exacerbée ensuite par les propos de l’ambassadeur  français à Washington, qui a comparé le Maroc à une « maitresse », selon ce qu’a déclaré à Paris jeudi dernier l’acteur espagnol Javier Bardem, lors d’une manifestation en faveur du Polisario.
Si le deuxième incident peut être rapidement dépassé, le premier constitue un véritable défi au Maroc et peut avoir des suites pénibles dans l’avenir.
La France a fourni un début de solution au deuxième problème, en démentant  que son ambassadeur ait rencontré le cinéaste espagnol pour parler de la situation au Sahara. Les propos humiliants seraient simplement donc imaginaires selon cette version.
 Cependant, il reste le vrai problème est la poursuite de directeur de la DST, Abdellatif Hammouchi devant les juridictions françaises sur fond d’accusations de torture, suite à trois plaintes de trois Marocains, Adil Mtalsi, Zakaria Moumni et Naâma Asfari, réputé proche du Polisario. Jeudi dernier, le parquet français a certainement essayé d’emmener par la force Hammouchi  devant un juge d’instruction, profitant  de son séjour à Paris pour participer à une sommet régionale  sur la sécurité (Maroc, France ; Espagne et le Portugale), ce qui explique la réaction du Maroc. En effet, la présence de sept policiers ne s’explique que par la volonté de l’amener par la force.
 Comment alors gérer cette nouvelle donne ? Va-t-on encore évoquer un complot de l’Algérie et du Polisario pour nuire aux relations franco-marocaines ? Est- il crédible de parler d’une volonté de perturber la visite du roi Mohammed VI en Afrique ? Ou bien s’agit-il d’une tentative de certains Marocains de s’adresser à ce qu’on appelle la justice universelle, puisque la justice de leur pays n’a pas le courage d’ouvrir le dossier épineux de la torture ?
 Concernant la première hypothèse, il est vrai que le Polisario œuvre depuis un moment pour essayer d’influencer l’arène politique française et réduire le soutien de Paris au Maroc dans le Sahara. Il a réussi à s’infiltrer en France au cours des journées de solidarité au cours de la semaine dernière, et l’acteur Bardem a réussi à provoquer, au moins partiellement, une crise entre le Maroc et la France. A ce niveau, la vrai question n’est pas celle de l’existence ou non d’un complot, mais la question fondamentale est : pourquoi la grosse machine marocaine de renseignements et la diplomatie marocaine n’ont pas réussi à contrer les efforts de l’Algérie et du Polisario en France ?
 Quant à la seconde hypothèse, elle ne tient pas la route, tout simplement, pour deux raisons. La première raison est que le Maroc ne peut en aucun cas rivaliser avec la France en matière d’influence en Afrique, la deuxième raison est l’indépendance de la justice française. Cette justice ne trouve aucun scrupule à juger l’ancien président Nicolas Sarkozy, comme il a jugé son prédécesseur, Jacques Chirac. Actuellement, cette justice interroge l’ancien directeur des renseignements français DST Bernard Squiarcini, ainsi que l’ancienne directrice du Fonds monétaire international, Christine Lagarde. Quelqu’un a-t-il parlé de complot visant à nuire à l’image de la France ?
 Le véritable problème réside dans la justice marocaine et  les renseignements marocains. Auprès de l’opinion publique internationale, l’image sécuritaire et judiciaire du Maroc demeure très négative à cause de la grande corruption de l’appareil judiciaire et des violations répétées des droits de l’homme. Tous les rapports des organisations internationales comme Amnesty, Human Wrights Watch, et des organisations nationales crédibles comme l’Association marocaine des droits de l’homme, en plus des rapports des Nations Unies, ont confirmé des cas de torture et pointé du doigt le lieu de torture par excellence, le siège de la DST à Témara. Par ailleurs, des organes de renseignements occidentaux, en particulier ceux des Etats Unis et de la Grande Bretagne, ont reconnu avoir transféré des terroristes présumés pour être interrogés et torturés à Témara.
 Dans le même temps, une bonne partie de l’histoire des renseignements marocains est peu glorieuse. Ils se sont impliqués dans des enlèvements, des assassinats, des fabrications d’accusations contre les politiciens et des journalistes, sans parler de leur implication passée et actuelle dans des campagnes de dénigrement médiatique pour discréditer des militants, les journalistes et même un membre de la famille royale, prince Moulay Hicham.
 Les victimes qui ont recours aux tribunaux au Maroc pour réclamer justice et réparation des préjudices se sont trouvé face à une justice corrompue, selon des rapports nationaux et internationaux, qui préfère le silence et classe les plaintes sans suite     lorsqu’elles sont contre l’Etat marocain et essentiellement les renseignements.
Devant l’impasse, et pour contourner le silence de la justice marocaine, certaines victimes de torture s’adressent à la justice internationale, dans le cadre du nouveau concept de justice universelle, et qui consiste à poursuivre des responsables devant une justice d’un pays qui n’est pas le leur, surtout si la victime porte la nationalité de ce pays, en plus de celle de son pays d’origine.
Ce n’est pas la première fois qu’une plainte est déposée auprès d’un tribunal international contre des responsables marocains. Déjà, des plaintes contre des responsables sécuritaires avaient été portées par des anciens activistes sahraouis, et d’autres plaintes ont été portées contre certains hauts fonctionnaires, y compris l´ex ministre de l´intérieur Driss Basri à Bruxelles en 2000. L’épisode Hammouchi n’est donc pas isolé, et il ne sera probablement pas le dernier.
Même un pays influent comme Israël n’a pas été capable d’arrêter les poursuites internationales contre ses responsables. Sur un autre registre,  la justice espagnole examine la plainte de deux marocains contre l’ancien président américain George W. Bush. Ce n’est pas pour autant que ces deux citoyens visent à perturber les relations entre Madrid et Washington !
Au Maroc, il y a un point noir qui est le centre de détention et de torture de Témara, et il y a des organes de renseignements qui ne sont soumis ni à l’autorité judiciaire et encore moins au contrôle parlementaire. A un moment donné, et dans l’impunité totale, un de ces organes a transformé son siège en une grande prison pour recevoir des Marocains et des étrangers en vue de la torture. Les sécuritaires et les tortionnaires n’auraient jamais exercé leur tristes talents s’il n’y avait pas la complicité passive d’une justice aux ordres de certains magistrats qui ont vendu leur conscience et leur morale au diable.


Le directeur de la DST; Hamouchi
Le directeur de la DST; Hamouchi
Ainsi, le plus beau pays du monde est devenu un sous-traitant de la torture au niveau international. Pensait-il que ne viendrait jamais le jour où il faut payer le prix de ces errements, résultat d’un pouvoir absolu ?
Bien entendu, il peut y avoir des complots, mais le passif honteux exige un courage politique et une intransigeance judiciaire pour l’apurer.  Si les victimes présumées avaient trouvé l’équité au Maroc,  pourquoi elles se seraient adressées à des juridictions étrangères ? Combien de Français ont recours à la justice internationale contre leur  pays ? Aucun, parce qu’ils font confiance à la justice de leur pays.
La solution n’est pas si difficile pour éviter à l’avenir ce genre de crises pénibles. Il faut d’abord soumettre les services de renseignements au contrôle judiciaire et parlementaire, comme dans les pays démocratiques, et ne jamais hésiter à ouvrir une enquête, une vraie, chaque fois qu’il y a une présomption de torture.

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