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jeudi 3 octobre 2013

Rabat : interdiction «arbitraire» de la projection publique d'un film contre la corruption


Témoignage de Chakib El Khyari dans le film de Transparency Maroc

La projection publique d'un film de Transparency Maroc a été interdite la semaine dernière par la wilaya de Rabat, sur un simple appel téléphonique. Aujourd'hui, les organisateurs n'ont encore reçu aucune explication ni décision écrite pour justifier cette interdiction qu'ils qualifient d'arbitraire. Le film en question contenait notamment les témoignages de Chakib El Khyari et Mourad Gartoumi sur la corruption au Maroc.

L'ONG Transparency International, basée à Berlin, a organisé un workshop à Rabat le weekend dernier pour présenter les résultats de ses derniers travaux sur l'accès à l'information et son rôle dans la lutte contre la corruption, dans quatre pays de la région MENA : Egypte, Maroc, Palestine et Yémen. Ce workshop est l'aboutissement du programme «ACTION» (Addressing Corruption Through Information and Organised Networking), lancé en septembre 2010 et adressé aux sociétés civiles et à la jeunesse de la région¹.
Un rapport a été réalisé pour chacun des quatre pays retenus, ainsi qu'un rapport régional pour présenter les tendances et un documentaire vidéo qui regroupe des témoignages filmés de lanceurs d'alertes et de victimes de la corruption de chaque pays. Pour la partie marocaine du film, ce sont les deux lauréats du Prix de l'Intégrité 2010 et 2011 de Transparency Maroc qui ont témoigné : l'activiste Chakib El Khyari et le commerçant du marché de gros de Casablanca Mourad Gartoumi.
«Le workshop devait avoir lieu en Egypte mais au vu de ce qui se passe là-bas, les organisateurs nous ont demandé début septembre d'accueillir l'événement», explique le secrétaire général de Transparency Maroc, Abdessamad Saddouk, contacté par Lakome.
C'est donc à l'hôtel Farah de Rabat que les jeunes marocains, égyptiens, palestiniens et yéménites du programme se sont réunis le 21 septembre dernier. L'occasion pour Transparency International de lancer un appel aux gouvernements de la région en soulignant que les dispositions réglementaires actuelles concernant le droit d'accès à l'information contiennent beaucoup de restrictions et de vides juridiques. «Les citoyens ne pourront connaître et revendiquer leurs droits qu'avec des informations accessibles et transparentes», a rappelé pour l'occasion Christoph Wilcke, directeur du programme MENA à Transparency International.

Le coup de fil de la wilaya
Une projection publique du film documentaire, sur la place Moulay Hassan à Rabat, devait clôturer cet événement samedi soir. Mais la wilaya de Rabat en a décidé autrement : «vendredi 20 septembre 2013, à la veille du déroulement des activités, un appel téléphonique, provenant des services de la Wilaya chargés du dossier, a annoncé à l'association l'interdiction de projection du film», explique Transparency Maroc à travers un communiqué.
«A la suite de cette décision non motivée et communiquée verbalement, le bureau exécutif a décidé de surseoir à la projection et de s'enquérir des motifs de cette interdiction. Malgré l'insistance de l'association, aucune réponse n'a été donnée par l'autorité locale, responsable de cette décision. Transparency Maroc informe l'opinion publique de ce nouvel acte arbitraire à son encontre et le dénonce vigoureusement», conclut le texte publié par le bureau exécutif de l'association lundi dernier.
Le tournage du film a pourtant eu lieu au Maroc en avril 2013, avec l'autorisation du Centre Cinématographique Marocain. Le 10 septembre dernier, Transparency Maroc avait envoyé à la wilaya de Rabat la demande d'autorisation pour la projection du film. Demande restée sans réponse excepté le coup de téléphone reçu la veille de l'événement.
Interrogé ce vendredi par Lakome, Abdessamad Saddouk dit ne toujours pas avoir reçu de nouvelles de la wilaya. «On ne comprend ni le sens de cette interdiction ni l'absence de justification. La loi exige pourtant une notification écrite», explique-t-il.

Chakib El Khyari et la corruption dans le nord
Si l'on ne connait pas les raisons officielles de cette interdiction de dernière minute, les témoignages marocains contenus dans le film en sont peut être à l'origine. Celui de l'activiste Chakib El Khyari en particulier, qui rappelle devant la caméra les causes de son arrestation en février 2009 et le déroulement de son procès. «J'ai été l'objet d'une arrestation arbitraire car j'ai dénoncé la corruption. Ceci est mon histoire», explique-t-il en introduction.

Témoignage de Chakib El Khyari
Chakib El Khyari avait été accusé «d'outrage aux corps constitués» après s'être exprimé dans les médias nationaux et étrangers à propos des réseaux de trafiquants de drogue au nord du royaume. Il dénonçait notamment l'implication de certains élus et éléments des forces de sécurité locales. Il a été condamné à 3 ans de prison ferme et 750 000 DH d'amende.
Déclaré prisonnier d'opinion par Amnesty International, Chakib el Khyari a remporté du fond de sa cellule le Prix de l'intégrité 2010 de Transparency Maroc, décerné le 9 décembre 2010.
La cérémonie de remise du Prix sera toutefois interdite à quatre reprises par les autorités locales. Une interdiction arbitraire dénoncée à l'époque au Parlement par un député du PJD, Abdelkader Amara, aujourd'hui ministre du gouvernement Benkirane.

Libéré après le mouvement du 20 Février
La quatrième interdiction, en janvier 2011, au Club des avocats de Rabat, est le fait d'un arrêté d'interdiction pris par le wali de Rabat pour des «raisons de sécurité». «Auparavant, les autorités locales avaient entrepris une démarche infructueuse auprès du Barreau pour le dissuader de mettre sa salle à la disposition de l'association, sous prétexte que l'attribution de ce prix ne plaît pas "aux autorités supérieures" », avait affirmé Transparency Maroc dès le lendemain dans un communiqué.
Vient alors le mouvement de contestation du 20 Février, qui s'étend à travers le pays et que la monarchie tente de désamorcer. La cérémonie de remise du Prix est finalement autorisée sur décision de justice le 7 avril 2011, une semaine avant que Chakib El Khyari et d'autres détenus politiques ou d'opinion (les politiciens de l'affaire Belliraj, les activistes sahraouis Ali Salem Tamek, Brahim Dahane et Ahmed Naciri), ne bénéficient d'une grâce royale et soient libérés de prison.
Amnesty International espérait «que ces libérations annonçaient un assouplissement des «lignes rouges» que les défenseurs des droits humains ne sont généralement pas autorisés à franchir [...] et ne se résumaient pas à une simple mesure visant à calmer les manifestants qui réclament des réformes au Maroc et au Sahara occidental.»


¹ Le programme ACTION, lancé en septembre 2010, a été mis en œuvre par Transparency International et financé par l'agence américaine de développement (USAID)

Documents
-Rapport de Transparency International sur l'accès à l'information au Maroc (programme ACTION). Consultable ici
-Réponses de Transparency Maroc au projet de loi sur le droit à l'accès à l'information. Consultable ici 

https://fr.lakome.com/index.php/maroc/1421-rabat-interdiction-arbitraire-de-la-projection-publique-d-un-film-contre-la-corruption

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