Par Antton ROUGET, 27/9/2013
C’est un sacré camouflet pour la “patrie des droits de l’homme”.
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a une nouvelle fois
condamné l’État français pour ses délais “déraisonnables” dans le cadre
de la détention provisoire de prisonniers basques. Dans deux arrêts
publiés hier, la Cour a considéré, à l’unanimité de ses membres, qu’en
prolongeant à près de six ans l’attente d’un procès pour deux détenus,
la France a violé la Convention européenne des droits de l’homme. L’État
doit verser 5 000 euros à chaque requérant et 2 000 euros au titre des
frais.
Cinq ans, onze mois et vingt-trois jours. C’est le temps que Patxi
Abad a passé derrière les barreaux de la maison d’arrêt de
Fleury-Mérogis avant d’être jugé devant la cour d’assises spéciale de
Paris, le 26 novembre 2009. Un délai en décalage avec les règles du
droit pénal français et contraire aux dispositions de l’article 5 de la
Convention européenne : “Toute personne arrêtée ou détenue [...] a le
droit d’être jugée dans un délai raisonnable.”
Interpellé le 4 décembre 2003, l’homme de 27 ans est rapidement
présenté comme le “responsable d’une cellule de recrutement de l’ETA” et
incarcéré. S’en suivront des années d’attente et une interminable
succession de recours.
Une première demande de remise en liberté, le 2 avril 2007 est
rejetée dix jours plus tard. Une seconde requête arrive sur le bureau du
juge d’instruction le 5 août 2007, elle est aussi refusée. Troisième
demande (toujours rejetée) le 10 mars 2008, alors que l’instruction est
close depuis le 6 décembre 2007. Nouvelles requêtes le 22 juillet 2009
et le 28 septembre 2009 : la défense se heurte à chaque fois au refus de
la chambre de l’instruction.
Devant la Cour européenne, la défense du gouvernement expose la
“complexité de l’affaire” et prétexte que la juridiction antiterroriste
est débordée : “Le gouvernement reconnaît que le délai d’audiencement
devant la cour d’assises spécialement composée fut très important, mais
l’explique par la lourde charge de cette juridiction d’exception qui a
vocation à connaître toutes les affaires criminelles à caractère
terroriste.” La ficelle est un peu grosse pour les juges de Strasbourg :
“Un tel délai ne peut être justifié par l’encombrement de la cour
d’assises. [...] Il appartient aux États d’agencer leur système
judiciaire de manière à permettre à leurs tribunaux de répondre aux
exigences de l’article 5 de la Convention”.
L’enchaînement des recours est tout aussi impressionnant dans le
dossier de Mikel Almandoz : pas moins de neuf prolongations de la
détention provisoire par la chambre de l’instruction et deux requêtes de
remise en liberté.
Interpellé cinq jours après Patxi Abad, le 9 décembre 2003, il est
jugé en même temps que lui. Soit une période de cinq ans, onze mois et
dix-huit jours de détention provisoire, là aussi bien loin du “délai
raisonnable” préconisé par la Convention européenne des droits de
l’homme. Le gouvernement réitère sa défense. Toujours avec si peu de
réussite.
Condamnés à cette pratique ?
Contactée par téléphone hier, Amaia Recarte, avocate des deux
militants basques, ne cachait pas sa satisfaction de voir la Cour,
saisie le 30 juillet 2010 dans les deux cas, condamner la France pour
une “pratique régulière et maintes fois dénoncée”. D’autant plus que ces
deux décisions ne font que renforcer une jurisprudence déjà marquée par
cinq condamnations en 2012 pour les mêmes motifs. “Reste à savoir
maintenant si Paris préfère être condamné plutôt que de changer ses
pratiques”, prévient Amaia Recarte.
http://www.lejpb.com/paperezkoa/20130927/424609/fr/La-France-condamnee-pour-violation-Convention-europeenne-des-droits-l%27homme
http://www.lejpb.com/paperezkoa/20130927/424609/fr/La-France-condamnee-pour-violation-Convention-europeenne-des-droits-l%27homme
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