Point
hebdomadaire n°48 sur la campagne de parrainage des prisonniers d’opinion au
Maroc, 30/12/2013
Ce point est le dernier de l’année
2013 qui aura été marquée par une recrudescence des arrestations et des procès
d’opinion au Maroc, maquillés à l’évidence en procès de droit commun ou de
terrorisme. Rappelons-nous qu’au lancement de sa campagne internationale de
parrainage, l’ASDHOM avait recensé le 17 novembre 2012, lors de sa soirée de
solidarité annuelle, 172 prisonniers politiques ou d’opinion répartis sur
8 groupes (Etudiants-UNEM, Sahraouis, Mineurs-Ouarzazate,
Mineurs-Imider, Paysans-Chlihat, Mouvement social-Agadir, 20-Février et
Belliraj-Islamistes).
Au dernier bilan effectué il y a
une semaine, nous en sommes à 261
dont 183 effectuent leurs
peines.
Au cours de notre suivi
hebdomadaire, nous avons pu relever la libération en fin de peine de 105 détenus politiques ou d’opinion dont
5 femmes (Deux étudiantes à Fès,
une militante d’ATTAC à Agadir, une Sahraouie à Tantan et une islamiste du
groupe Belliraj). Cela veut dire, si on veut faire un différentiel entre les
libérations d’une part et les arrestations et les poursuites judiciaires d’autre
part, qu’il y a eu malheureusement en une année 194 nouvelles arrestations et poursuites
judiciaires. Celles-ci
concernent au moins 3 autres femmes
(L’étudiante Fatima Zahra El-Malkaoui de l’UNEM-Fès, la militante
Fatiha Haloui du 20-Février de Casablanca et Amina Mourad, coordinatrice du
mouvement des victimes des microcrédits à Ouarzazate). C’est énorme en un an. De
8 groupes, on est passé à 12. En plus des huit ci-dessus, nous avons
le groupe de l’ANDCM à Zayou, le
groupe Mouvement social à
Marrakech, le
groupe Liberté d’expression
qui regroupe les
journalistes, les syndicalistes et les avocats, ainsi que le groupe Liberté individuelle qui concerne les
victimes d’atteinte à la liberté de culte, comme ce citoyen, marchant ambulant
de son état à Taounate, qui s’est
converti au christianisme.
En 2014, nous n’aurons
malheureusement d’autres choix que de continuer à sensibiliser au parrainage de
toutes ces victimes de violations de droits et de faire de la solidarité avec
elles un devoir, comme l’avait si bien dit Gilles
Perrault lors du lancement de cette campagne dont il est le
parrain. Espérons tout de même que 2014 sera plus supportable pour ces victimes
de l’injustice.
Voici les dernières informations
les concernant.
Groupe
UNEM-Meknès : Le procès des cinq militants de
l’UNEM-Meknès (Soufiane Sghéri, Hassan
Ahamouch, Mohamed Eloualki, Hassan Koukou et Mounir Ait Khafou) qui
s’est ouvert le 23 décembre
dernier a été reporté au 27 janvier
2014. Les cinq détenus politiques se sont présentés à leur procès
dans un état physique très détérioré. Rappelons qu’ils observent une grève de la faim depuis le 5 novembre 2013
pour réclamer sinon leur libération, du moins l’amélioration de leurs conditions
de détention. Leurs familles, soutenues par les militants de l’UNEM, ont tenu un
sit-in ce jour-là devant le tribunal en solidarité avec eux et pour attirer
l’attention sur leur état de santé. Notons que Hassan Koukou a fait au même moment
plusieurs évanouissements accompagnés d’intenses vomissements et de perte
partielle de vue.
L’administration pénitentiaire de
la prison Toulal 2 a fini par accepter de
dialoguer avec le groupe et de le recevoir le 24 décembre. Elle a
accédé en partie à ses doléances dont notamment le suivi médical en dehors de la
prison. Le groupe a accepté de suspendre sa
grève de la faim et Hassan Koukou a pu même bénéficier le 26 décembre
d’un contrôle médical à l’hôpital Mohamed V de
Meknès.
Groupe Liberté
d’expression-Journalistes-Avocats : Le juge
d’instruction, Abdelkader
Chentouf, chargé des affaires de terrorisme près l’annexe de la Cour
d’appel à Salé, qui a convoqué le journaliste Ali Anouzla le 23 décembre, a décidé de
reporter au 18 février 2014 son
procès. Après 38 jours de détention provisoire, Ali Anouzla a été remis en
liberté, mais reste poursuivi pour « fourniture délibérée d’aide à qui veut
commettre des actes terroristes et de moyens d’exécution d’un crime terroriste »
ainsi que pour « l’apologie d’actes constituant un crime terroriste ». Le comité
national pour la libération d’Ali Anouzla a effectué dimanche 22 et lundi 23
décembre une caravane de solidarité dans les rues de Salé et Rabat et a appelé à
ce que cesse l’acharnement contre ce journaliste qui reste poursuivi dans
plusieurs affaires qui touchent à son droit d’expression (Déclarations qu’il
aurait tenues sur le rôle des services secrets marocains et l’affaire devant le
tribunal de la ville de Fès après avoir diffusé une information concernant des
troubles qui seraient passées dans la région de Fès). Le comité dénonce par
ailleurs le blocage des deux versions du site d’information électronique
Lakome.com en dehors de toute décision de justice.
Groupe
Amchad-Ksiba (nouveau) : 14 citoyens dont un mineur ont
été arrêtés le jeudi 26 décembre à Amchad, région de Béni Mellal, après avoir
été dispersés violemment par les forces de l’ordre. Ces dernières sont
intervenues en nombre pour mettre fin à une occupation organisée par les
habitants du quartier Dir-Ksiba d’Amchad qui refusent l’installation sur leur
terre d’une station de traitement d’eaux usées en mettant en avant les
conséquences sur leur santé et leurs activités agricoles. Les responsables
locaux de l’AMDH ont été empêchés de rejoindre les manifestants pour s’enquérir
de la situation. Parmi les 14 arrêtés (Yacine
Ourhou, Jaghrour Smail, Mohamed Rouissi, Houssa Bouahi, Bennacer Oubassou, Nabil
Chrou, Mimoun Belachdif, Mustapha Ait Rahou, Mohamed Bouhi, Said Bouhi, Mohamed
Amzel, Farhati Rahou, Mohamed Hamoujan et Idir Charqui), huit ont été
présentés au tribunal de première instance de Béni Mellal. Les habitants d’Amchad ont été
interdits de quitter leur village et tous les soutiens ont été tenus loin du
tribunal. Nous reviendrons sur le dossier dès qu’on a plus
d’éléments.
Groupe
20-Février à Tanger : Le détenu du 20-Février,
Said Ziani, a comparu le vendredi
27 décembre devant le tribunal de première instance de Tanger après avoir été
arrêté le 20 novembre dernier. Il a écopé de
4 mois de prison ferme pour « trafic de drogue » ou « vente illégale
de cigarettes au détail » selon les sources. Said Ziani a tenu à réaffirmer lors de sa
plaidoirie que les autorités marocaines, qui l’avaient déjà arrêté en 2011,
cherchent à lui faire payer son activité au sein du mouvement 20-Février et ses
positions critiques exprimées sur Internet à l’encontre des officiels
marocains.
Groupe
Sahraouis-Inzgane et Guelmim : Les deux mineurs sahraouis,
Nacer Kanir (16 ans) et El-Ghali Boulaghdiyan (17 ans),
arrêtés le 29 septembre dernier à
Assa et placés dans un centre de rééducation à Agadir, ont été présentés le 25 décembre 2013 devant le
juge d’instruction près la Cour d’appel
d’Agadir. Celui-ci a décidé de les placer à la prison locale
d’Inzgane pendant la durée de
l’enquête. Rappelons que ces deux jeunes sahraouis ont été arrêtés pour avoir
participé aux protestations populaires qu’a connues la ville d’Assa dans le sud
du Maroc après le démantèlement violent du campement Tizimi et l’utilisation
disproportionnée de la force qui a conduit à la mort , le 23 septembre, du jeune
sahraoui Rachid Chine.
Un autre jeune sahraoui a été
arrêté à Guelmim le 23 décembre
2013. Il s’agit de Mohamed Daoudi
dont le père Mbarek et les frères
(Brahim, Hassan, Ammar et Taha) se
trouvent déjà derrière les barreaux. Il a aussitôt été placé en détention
provisoire. Son arrestation est liée également aux mêmes événements de septembre
survenus à Assa (voir points
précédents).
Groupe
Imider-Mineurs : Le militant Hamid Berka, un des coordinateurs du
Mouvement sur la voie de 96 à Imider, a été agressé et enlevé le samedi 28 décembre par trois personnes inconnues.
Il a été emmené de force dans une voiture qui a pris la direction de Tinghir.
Rappelons que son Mouvement sur la voie de 96 organise depuis plusieurs années
maintenant une occupation populaire du mont
Alban pour protester contre les dangers et les conséquences néfastes
sur l’environnement de l’exploitation faite des mines d’argent par la société
SMI relevant du groupe royal MANAJEM.
Le groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire qui a
visité le Maroc du 9 au 18 décembre a dit travailler sur son rapport et les
recommandations à faire aux autorités marocaines en matière de détention
arbitraire. Celles-ci vont-elles les appliquer pour se conformer à leurs
engagements internationaux ? Rien n’est sûr.
Bonne année 2014 tout de
même !
Le bureau exécutif de
l’ASDHOM
Paris, le 30 décembre
2013