Ma mère et moi...
Par Mohammed Belmaïzi , 22/12/2013
Ma mère et moi
Ma mère
née grappe de vie
de désir simple
limpide et fauve
pieds nus insensibles
à la rocaille des rigoles
Née pour moissonner
mouliner à la pierre
traire en chantant
baratter en dansant
ramasser fagots et bouses
cuire au son des braises
laver et nettoyer
écharpiller et carder
filer laine et étoffes
coudre et rapiécer
l’itinéraire quotidien
s'arrêtait là
vide-tête assuré
destin de femme
jusqu’au soir
où le corps savoure
le délice des rêves
le repos intime
Mariée très jeune
à mon père
enceinte quatorze fois
et quelques
jumeaux deux fois
Et lorsque mon père
régnant sur sa tribu de croyants
saisi régulièrement
du diable prosélytique bruyant
« Levez-vous à la prière !
Faites que Dieu vous pardonne
Faites que le Paradis vous accueille
Ô vous, frivoles et inconscients
de la fin prochaine du monde
l’Heure va bientôt sonner…
debout à la prière ! »
Ma mère le regarde
main à la bouche
ne pouvant bâillonner
les mots qui déferlent
l'éconduit paisiblement
« Va, va va dans ta chambre
Avec tes prosternations infinies
Une fois chez Lui
Intercède en notre faveur
Allah t’écoutera ! »
C’est ainsi
Cousue à la terre païenne
peau lisse emperlée
le soleil la submergeait
ma mère cultivait répliques
et réparties mathématiques
Et l'autre registre où
ma mère avait une belle-fille
insolente qui la hait et la titille
« Tu n’as enfanté »
disait-elle à ma mère
« que des débiles,
femme acariâtre ! »
Ma mère
adepte de la litote
lui répond frugalement
« Eh bien, tu t’es mariée
avec le plus débile
d’entre eux »
Ma mère
connaissait bien
sa progéniture
Nous avions éclaté de rire
Et de rire elle avait éclaté
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