Rapport
annuel
sur la
situation des droits humains au Maroc en 2012
INTRODUCTION
La situation des droits humains au
Maroc durant l’année 2012, telle qu’elle a été suivie par le bureau central et
les sections de l’AMDH, est caractérisée par une nette régression et une
persistance des violations. Concernant le droit le plus sacré, le droit à la
vie, la confusion plane toujours sur la vérité des décès des activistes du
Mouvement du 20 février pendant 2011 ; à cela s’ajoutent deux cas de décès
observés dans le rapport de 2012. Pour ce qui est du droit à l’intégrité
physique, à la sécurité personnelle et l’abus du pouvoir, les pratiques les
enfreignant sont monnaies courantes par la violence des autorités publiques à
l’encontre des manifestants et des passants, ou par la torture lors des
interrogatoires dans les postes de police. Si la violence exercée par les forces
de police à l’encontre des activistes de l’Association Marocaines des Droits
Humains est courante, en 2012 les activistes d’Amnesty International ont été
sujets, à leur tour, de la répression, de la provocation et du harcèlement par
des agents de sécurité lors d’un sit-in devant le Parlement.
Quant au dossier de la détention
politique, il reste toujours ouvert ; en dépit de la libération de quelques
détenus politiques, leur situation n’a toujours pas été réglée ; en outre, de
nombreux détenus politiques ont été incarcérés, et notamment les activistes du
Mouvement du 20 février, les étudiants militant au sein de l’Union Nationale des
Etudiants du Maroc (UNEM), les détenus en rapport avec le dossier de « la lutte
anti-terroriste », les activistes sahraouis… Le plus grave, c’est que ces
détenus sont poursuivis par des chefs d’accusation de droit commun et ce afin de
dissimuler la nature politique des procès qui tiennent compte des procès-verbaux
de la police judiciaire sans vérifier la véracité des accusations que les
détenus rejettent.
En outre, cette année, trois cas
d’enlèvement ont été enregistrés sans que les auteurs de ces enlèvements ne
répondent de leurs actes et ne sont pas poursuivis pour la torture subie par les
activistes du Mouvement du 20 février à Casablanca et dans d’autres villes en
2012, par les militants de l’UNEM à Kénitra et dans d’autres villes et pour la
violence exercée lors de nombreux sit-in pacifiques dans différentes régions
telles Taza, Aït Bouayache, Chlihate et dans d’autres villes. Lors de sa visite
au Maroc, le rapporteur spécial onusien chargé de la torture au Maroc a confirmé
ces pratiques.
Concernant la situation dans les
prisons, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle est inquiétante, voir
catastrophique ; le rapport a enregistré des taux de surnombre dans 34
établissements pénitentiaires qui vont de 4% à 168,14%. Une situation aggravée
par l’absence des conditions de l’hygiène personnelle, la mauvaise alimentation
et l’insuffisante de médication ; ce qui entraîne la propagation des maladies et
les décès. Mais, ce qui dramatise plus la situation, c’est la torture des
détenus ; l’Association Marocaines des Droits Humains a reçu des plaintes de la
part des détenus et de leurs familles sur la torture physique et
psychique.
De même, la situation des libertés
publiques a régressé durant l’année que couvre ce rapport ; ainsi,
l’interdiction a concerné les activités de différentes instances dont l’une
assume la présidence du Gouvernement (la Jeunesse du Parti Justice et
Développement), les activités des instances des droits humains (trois activités
organisées par l’Association Marocaine des Droits Humains), la réunion du
Conseil national du parti Badil Hadari ; des journalistes ont été sujets
d’agressions physiques, de poursuites et l’un d’eux a été condamné à la prison
avec sursis ; d’autres journalistes ont subi des interrogatoires, ou se sont vus
retirer l’accréditation, interdits de photographier des émissions, privés de la
carte d’accréditation ; en plus, la maison d’Ali Lamrabet a été attaquée à
Tétouan. L’interdiction a aussi concerné plusieurs manifestations dispersées par
la répression comme c’est le cas des protestations sociales ; les libertés
syndicales ont connu de nombreuses violations.
De nombreux procès ont connu des
violations pour être qualifiés inéquitables ; les cas notoires sont le procès
d’El Haked, artiste du Mouvement du 20 février, du résistant Ibrahim Nouhi, des
poursuivis suite à l’appel au boycott des élections, des détenus dudit Salafiyya
Jihadiyya, des syndicalistes, des militants de l’UNEM et des détenus de Gdim
Izik.
Pour ce qui est de la peine de mort
dont l’abolition prend de plus en plus d’envergure à l’échelle internationale,
le rapport a enregistré la prononciation de six nouvelles condamnations en 2012.
Cependant, ce que le rapport relève de plus important, c’est l’abstention du
Maroc de voter le projet de la recommandation onusienne préconisant l’arrêt de
l’exécution de la peine de mort.
L’augmentation des protestations a
eu des répercussions négatives sur la situation des défenseurs des droits
humains qui ont été souvent sujets aux violations de leur intégrité physique,
leur sécurité personnelle et la restriction de leurs mouvements dans de
nombreuses régions et particulièrement à Ifni où des responsables du bureau de
la section de l’Association Marocaine des Droits Humains ont écopé jusqu’à dix
mois de prison ferme et 500 dirhams d’amende.
Les droits économiques, sociaux et
culturels n’ont pas dérogé à la règle cette année ; le chômage parmi les
diplômés s’est accru ; de nombreux secteurs économiques et sociaux ont connu des
grèves ; les codes de travail ont été violés dans tous les secteurs et surtout
l’ampleur acquise par le phénomène de l’emploi des enfants. Quant au logement,
il a enregistré une diminution ayant atteint 10,1 pour cent par rapport à 2011
alors que le nombre des familles résidant dans les bidonvilles a augmenté de 29
pour cent par rapport à 2004. Les anciens quartiers de Casablanca ont connu
aussi des démolitions ayant causé la mort de huit citoyens ; des décès ont eu
lieu dans d’autres villes à cause du recours à l’usage de la force pour évacuer
des citoyens de maisons menaçant ruine ou de logements bâtis sans autorisation.
L’application du droit à la santé n’est pas encore de mise pour plusieurs
raisons parmi lesquelles celles relevées dans ce rapport et notamment, la
faiblesse du financement public de la santé, l’augmentation de la part des
dépenses personnelles réservées à la santé et qui représente 58 pour cent de
leurs dépenses totales, l’échec du régime d’assistance médicale pour les
personnes à revenu limité (RAMED), en plus de la faiblesse de l’infrastructure
et son insuffisance par rapport à la croissance des besoins en soins des
citoyens, le déficit épouvantable dans les ressources humaines avec un médecin
pour 1630 citoyens et un infirmier pour 1109 citoyens. Ce qui rend la situation
plus tendue, c’est la mauvaise gouvernance et la mauvaise gestion des ressources
disponibles.
La situation dans le secteur de
l’éducation n’est pas meilleure ; l’échec du plan d’urgence est officiellement
reconnu et l’enregistrement d’un manque important concernant les cadres
administratifs et éducatifs ; le surnombre des élèves et les revendications
matérielles et morales de la famille de l’enseignement n’ont pas été
satisfaites.
Pour leur part, les droits
linguistiques et culturels amazighs ont souffert du retard de
l’opérationnalisation de leur reconnaissance constitutionnelle, le refus des
noms amazighs, la prohibition de l’usage de la langue amazighe au sein de
l’enceinte du Parlement, la discrimination dont souffre la chaîne amazighe par
rapport aux autres chaînes, la langue amazighe n’est plus enseignée dans de
nombreux établissements et ne constitue qu’une matière facultative, non
généralisée et non sanctionnée par une note à l’examen.
La situation de la femme n’a pas
connu de progrès significatifs par rapport à l’année précédente ; 41098 demandes
concernant le mariage de filles mineures ont été accordées ce qui constitue 92,9
pour cent de l’ensemble des demandes. Les femmes meurent toujours lors de
l’accouchement à cause de la négligence et certaines d’entre elles se refusent
même l’accès à l’hôpital et accouchent dans la voie publique ; les salariées
souffrent aussi de la discrimination quant aux salaires et aux heures de
travail.
Concernant la situation des droits
de l’enfant, ce qui a le plus caractérisé l’année 2012, c’est le non-respect de
l’Etat marocain de ses promesses en matière des droits de l’enfant ; les
intérêts suprêmes de l’enfant ne sont pas tenus en compte lors de l’élaboration
des politiques publiques, l’exclusion de la société civile lors de la
formulation de plans et de programmes pour la promotion de la situation de
l’enfance ; en parallèle, des violations graves ont retenti touchant le droit à
la vie, à un nom, à l’éducation, à la santé, ainsi que la torture, les mauvais
traitements et les agressions sexuelles.
Ce rapport a aussi relevé la
persistance des violations des droits environnementaux des citoyens ce qui se
répercute sur l’état des ressources environnementales d’une part et sur la vie
des citoyens de l’autre ; il soulève aussi les souffrances et les violations
dont sont victimes les migrants africains subsahariens et leur privation de
leurs droits tels le droit à la santé, à l’eau et l’alimentation, au logement, à
l’éducation, au travail … Les sections de l’AMDH ont suivi et relevé à ce sujet
des actes racistes, des violences policières et des refoulements hors des
frontières marocaines, contrairement aux engagements du Maroc en matière des
droits humains en général et des droits des migrants en particulier.
En émettant ce rapport annuel sur
la situation des droits humains au Maroc en 2012, l’Association Marocaine des
Droits Humains s’est fixée comme objectifs de donner une image sur la situation
de ces droits, formuler des recommandations en vue de leur protection et leur
promotion, dévoiler les violations afin qu’un terme soit mis à leur répétition
et pour que les parties les violant assument leur responsabilité dans leur
persistance.
--
Salutations militantes,
Hasnae CHAMI
Pour le bureau de l'AMDH-Paris/IDF------------------------------------------------------------------------------------------------------------
L'AMDH dévoile son rapport annuel 2012 : une "nette régression" des droits humains au Maroc
par Lakome, 23/7/2013
Le bureau central de l'AMDH a présenté son rapport annuel
2012 ce mardi à Rabat. L'association détaille les violations survenues
l'année dernières et estime qu'en «dépit de ses engagements nationaux et
internationaux, l’État manque de volonté politique effective pour le
respect des droits et des libertés».
Dans son rapport 2012 l'AMDH affirme que la situation des droits humains au Maroc durant l'année 2012, «telle
qu'elle a été suivie par le bureau central st les sections de l'AMDH,
est caractérisée par une nette régression et une persistance des
violations. Concernant le droit le plus sacré, le droit à la vie, la
confusion plane toujours sur la vérité des décès des activistes du
Mouvement du 20 février pendant 2011 ; à cela s'ajoutent deux cas de
décès observés dans le rapport de 2012».
L'association dénonce également les détentions politiques, les cas de
torture et de disparitions forcées, la répression de manifestations
pacifiques, l'interdiction illégale d'associations et de partis
politiques.
Droit des travailleurs et libertés syndicales
Sur le volet des droits sociaux, l'AMDH souligne que les principaux indicateurs n'ont connu «aucune amélioration sensible». Avec les diplômés chômeurs, «l'État use tantôt du dialogue et souvent de la répression sévère et recourt de plus en plus aux arrestations et aux procès».
L'association constate par ailleurs que l'Etat n'a toujours pas
ratifié les conventions internationales sur les libertés syndicales et
que le code du travail n'est toujours pas respecté. «Les droits de
travail les plus élémentaires ne sont toujours pas garantis (la carte de
travail et de paie, l'adhésion à la Caisse nationale de sécurité
sociale, la détermination des heures de travail, les congés
hebdomadaires et annuels ...). Les licenciements arbitraires des
ouvriers et collectifs et les fermetures illégales des établissements de
production continuent et l'exercice des droits et des libertés
syndicales est incriminé et particulièrement dans le secteur privé».
Le constat de l'association est similaire dans les secteurs de la
santé et de l'éducation. Le rapport souligne par ailleurs les violations
liées aux droits de la femme, de l'enfant, des personnes handicapées ou
encore des migrants et demandeurs d'asile.
«Essence despotique» de la constitution
Sur le plan législatif, l'AMDH estime d'une part que la nouvelle
constitution, de par ses dispositions floues et contradictoires, ne
garantit pas la primauté du droit international, ni l'égalité
homme-femme ni une réelle séparation des pouvoirs. «Son essence despotique est préservé et reste loin des composantes d'une constitution démocratique», note le rapport.
D'autre part, l'association estime que les quelques nouveautés
apportées par la constitution n'ont toujours pas été mises en œuvre,
notamment en ce qui concerne la reconnaissance constitutionnelle de
l'amazigh.
En conclusion, l'AMDH indique que «les violations relevées dans
ce rapport sont suffisantes pour juger l'orientation générale
caractérisant la politique publique en la matière et reflètent qu'en
dépit de ses engagements nationaux et internationaux, l'État manque de
volonté politique effective pour le respect des droits et des libertés».
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