Chaque nuit, depuis plusieurs jours déjà, le rythme et les nombres
d’abattages clandestins de cèdres centenaires se sont multipliés.
L’impunité dans laquelle se font ces abattages a grandi. Les forestiers
les plus courageux et les plus déterminés quand à eux, réfléchissent à
deux fois avant de « s’interposer » pour essayer d’arrêter l’hémorragie.
Ces agents qui sont armés sans permissions de port d’armes, qui
risquent leurs vie à chaque intervention sans pour autant avoir
d’indemnités de risques, qui sont appelés à « réagir » de nuit comme de
jour alors qu’ils sont considérés comme de simples fonctionnaires, n’ont
plus la motivation pour risquer leurs vies comme avant.
Pas par peur, non. Ça n’a jamais été un problème. Pas par paresse,
non. On ne devient pas forestier quand on est paresseux. Mais plutôt par
crainte du déshonneur. Car aux risques du métier, au manque de moyens
et aux conditions difficiles s’est ajouté le risque…d’aller en prison.
c’est la goutte qui fait déborder le vase.
Depuis qu’on a mis leurs collègues au cachot
avec les criminels de droit commun, qu’on les a séparés pour les mettre
chacun dans une cellule, parfois même avec des proches du jeune qui est
mort lors de la nuit fatidique, depuis qu’on a sali leurs noms et
qu’on les a sacrifiés pour calmer une foule manipulée par les mafias de
cèdres et les opportunistes en tout genre, depuis ce moment là, les
choses ont changé. Et ce changement est loin de bénéficier à la
conservation du cèdre de l’atlas, qui lui, vient de rejoindre la liste rouge des espèces en danger.
Une
pétition circule, pour demander la libération des forestiers qui sont
en prison, au moins jusqu’à ce que leur « culpabilité » soit avérée.
Cette pétition a pu rassembler presque autant de signatures de
forestiers que de citoyens conscients des répercussions de pareil
incident sur le moral des troupes et par conséquent sur la protection de
la cédraie. On n’imaginera pas qu’elle puisse apporter des fruits et
des résultats tangibles, mais elle aura au moins eu le mérite de
solidariser les citoyens avec les protecteurs de la nature qui siègent
aux premières lignes du front.
Loin de tous, plus enclavés que quiconque, le plus souvent isolée
dans des endroits où même le réseau téléphonique est introuvable, ces
agents du terrain sont actuellement plus démoralisés que jamais.
En réponse à un mail de notre part, le HCEFLCD dira « qu’il œuvre
constamment pour la protection de notre patrimoine et ceux qui en ont la
charge et est parfaitement conscient des conditions difficiles dans
lesquelles travaillent les forestiers. Vous ne doutez pas un instant
qu’il fera tout ce qui est dans ses moyens pour leur assurer les
conditions appropriées de travail. »
On lui souhaitera bon courage pour sa quête. Car du courage il en
faudra pour pouvoir vraiment « assurer des conditions appropriées de
travail » à ses agents sur le terrain.
En attendant ça ne chôme pas chez les forestiers, loin de là. A Tounfit, un incendie de foret a fait des ravages dans la cédraie emportant des dizaines de cèdres sur son passage. Et le feu lui, on le craint pas. On risque autant de mourir, mais là au moins, face aux flammes on ne risque pas de prison.
La nuit, recommence une autre histoire. Celle de mafias qui « surfent » sur la misère des uns et du dilemme cornélien des autres pour couper, détruire, saccager et vendre au plus offrant…
SVP pensez-y la nuit avant de dormir. Pensez que toute la nuit
durant, des arbres centenaires sont coupés pour remplir les poches de
créatures sans vergognes. Et que les seuls à pouvoir arrêter le
massacre, ont été cloués au pilori.
O.A
- Sur le même thème, lire Reportage. Les résistants de la cédraie, par Zoé Deback, envoyée spéciale à Khénifra de TelQuel
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