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lundi 22 juillet 2013

Psychanalyse de l’intégriste : La frustration sexuelle en cause


Que se passe t-il dans la tête des intégristes, qu’ils soient politiques, religieux ou philosophiques ? Quels sont leurs symptômes ? Quelle est leur problématique ?Les intégristes parlent beaucoup de sexualité et toujours de façon négative comme si le sexe était intrinséquement mauvais. Leur obsession, c’est le sexe. 
Et c’est logique dans la mesure où ce sont avant tout des êtres frustrés. Chez eux, la frustration, c’est le manque de puissance, plus exactement, le sentiment de manquer de virilité. Les intégristes ont un problème avec leur propre virilité. L’intégriste confond d’ailleurs virilité et brutalité. Il a besoin d’être brutal, c’est-à-dire de dominer, de mépriser l’Autre pour se sentir viril. Par un phénomène de surcompensation, ce mode de fonctionnement est le même chez tous ceux qui se sont installés dans des certitudes. Tous les idéologues ont la même représentation de l’histoire. Celle-ci est considérée comme un combat terrible qui grâce au Graal, qu’ils sont certains d’avoir trouvé, se termine par la victoire apocalyptique des bons sur les méchants. Chez les intégristes religieux, le Graal, c’est la foi. Tous les intégrismes partagent le même fantasme. Tous rêvent de rétablir un passé mythique. Tous adhèrent à une vérité déjà dite une fois pour toute, tous condamnent la modernité et la démocratie, tous voient dans chaque idée nouvelle une erreur à combattre et chez ceux qui les produisent un ennemi à détruire. Au fond tous les intégristes aspirent à retrouver l’état idyllique ou fusionnel qu’ils ont connu quand ils étaient dans le ventre de leur mère. Il est frappant de voir que tous les intégrismes notamment religieux honorent la Mère et détestent les femmes qui sont toujours leurs premières victimes.
Pourquoi tant de haine envers les femmes ? Tout se passe chez les puritains, comme si la différence sexuelle était une maladie honteuse, comme si la féminité recelait un mystérieux danger, auquel la mort serait mille fois préférable. Les intégristes purs et durs n’ont pas peur de la mort : ils ont peur de la Femme. Mais pourquoi des êtres si forts auraient-ils tant à craindre des êtres si “faibles” que sont supposées être les femmes. Et pourquoi ces hommes qui n’en finissent pas de réaffirmer leur puissance virile, en méprisant les femmes, en s’offrant en sacrifice, pourquoi se donnent-ils tant de mal pour que leur virilité soit bien visible. Auraient-ils un doute sur ce point ?
La crainte de perdre sa maîtrise virile est centrale dans la problématique masculine. C’est tout d’abord parce que l’érection n’est pas un acte volontaire. Ne pas pouvoir contrôler son érection cause une blessure narcissique. Plutôt que d’assumer son désir, l’intégriste verra chez les femmes des êtres doués du pouvoir occulte de le posséder. D’où le fameux mythe de la sorcière. La femme symbolise la séduction et la tentation, elle est celle qui fait sortir du chemin. C’est pourquoi le voilement des femmes correspond non seulement à un déni de la réalité mais à un évitement de la différence sexuelle, et finalement, de la sexualité masculine. 
La femme représente aussi l’absence de pénis. Elle est celle qui est castrée. Cette absence de pénis la disqualifie. C’est pourquoi, la faiblesse est assimilée à la femme. Par conséquent, sa place doit se cantonner à la maison. Et de l’exclusion à la diabolisation, il n’y a qu’un pas. Il faut à tout prix protéger la société de l’influence des femmes. C’est à cause de la Femme que l’homme a été banni de son paradis originel.
Tous les intégristes sont misogynes. Ils affirment tous qu’ils ont un grand respect de la femme et que tout ce qu’ils font pour elle est destiné à l’honorer. En fait la seule femme qu’ils respecte, c’est la Mère. Il est bien évident qu’imposer un voile aux femmes, exiger d’elles qu’elles soient soumises au père au mari ou au frère n’a rien à voir avec des sentiments amoureux ! Dans le système de représentation des intégristes, ces comportements trouvent pourtant des justifications, pour la plupart liées à la notion de pureté. Les femmes possèdent le pouvoir de porter les enfants. Il faut donc les surveiller pour garantir la pureté du groupe. Du fait que ce sont les femmes qui sont enceintes, un homme ne peut jamais être sûr que l’enfant est de lui, d’où la nécessité du contrôle de la sexualité des femmes. Les tchadors et burkas des musulmanes n’ont pas d’autre fonction. Cependant, les femmes sont toujours suspectées d’être des créatures impures, du fait même qu’elles perdent régulièrement du sang. Ainsi quoi qu’elles fassent elles sont coupables ! Le fantasme de la pureté est le fondement inconscient de toutes les idéologies totalitaires. Le mot d’ordre qui appelle aux massacres et à la barbarie est “la purification”.
Ce mythe de la purification a pour conséquence la haine de celui qui est différent : le juif, le franc-maçon, le libre-penseur, etc. Cette haine a pour origine la haine de soi, en effet il y a toujours un écart entre l’image de soi que l’on aimerait donner aux autres et ce que l’on est réellement et qui se manifeste qu’on le veuille ou non. Ce rejet de sa nature profonde peut aller jusqu’à l’autodestruction que les intégristes nomment le sacrifice. D’où l’utilité des guerres saintes !
L’intégriste est très souvent violent envers son prochain. En effet, les gens qui sont solidement installés dans leurs certitudes condamnent ceux qui ne les partagent pas. Assurés de leur bon droit et de leur vérité, ils cèdent à la tentation d’imposer leur foi par la violence. Si un homme refuse de se convertir, l’Amour du Bien commande alors de le contraindre. L’alibi c’est : je le combats pour son bien. La violence est ainsi légitimée, et c’est une raison supplémentaire de considérer que la guerre puisse être sainte ! C’est grâce à ces “bonnes” intentions que l’on passe du désir de paradis à l’enfer qui lui n’a rien de virtuel comme le montre l’histoire humaine.
Les intégristes ont peur de la sexualité. Il est toujours question chez eux de ce doute sur la virilité. Pour lutter contre sa propre angoisse, le fanatique évite autant qu’il lui est possible de jouir. Et qui s’interdit de jouir ne supporte pas logiquement que l’autre jouisse. L’objectif alors devient évident : la répression du désir. Cela donne quoi ? Des hommes culpabilisés et par conséquent soumis, mais aussi des fous furieux, des meurtriers. De toutes les idéologies, les religions sont les armes les plus terribles, parce qu’elles peuvent transformer un être humain en guerrier voire en kamikaze. On ne peut en déduire pour autant que les religions sont dangereuses. Le message divin est ambivalent, il est à la fois guerrier et pacifique. “De vos socs, forgez des épées !” lit-on dans le prophète Joël. Mais dans Isaïe il est aussi écrit , ” De vos épées, forgez des socs ! “. La Bible dit tout et son contraire. Il en est de même pour le Coran. A la sourate 2, la guerre tuant tous les adversaires est permise face à l’agression, et à la sourate 8, il faut cesser les hostilités si l’ennemi le désire. Comme les textes sacrés sont souvent des compilations de maximes orales mises bout à bout , on y trouve à la fois la guerre et la paix. Si nous considérons la religion comme uniquement dangereuse nous tombons dans l’intégrisme athée. Les religions ne sont-elles d’ailleurs pas elles aussi en droit de vilipender les athéismes, quand on voit les horreurs commises par Hitler, Staline, Mao et plus récemment Pol Pot. Voyons plutôt à quel désir Dieu correspond. Le Dieu des intégristes est à leur image : cruel, sanglant, revanchard, sadique. Mais le vrai danger ne vient pas de la religion, il réside plutôt dans notre rapport à nos propres désirs. Devient intégriste celui qui refuse de regarder son désir en face, celui qui refuse de l’assumer, qui cherche à le contrôler en le niant et non à le maîtriser.
L’intégriste idolâtre le chef. Celui-ci est l’homme sans peur et sans reproche, un père imaginaire tout-puissant. L’intégriste n’a pas besoin de Dieu, mais il lui faut un gourou à la perpétuelle érection. Les dictateurs symbolisent le Phallus qui fascine. Le tyran est seul capable d’échapper au pouvoir maléfique de la féminité, il est crédité d’un contrôle total sur ses pulsions, donc sur ses désirs. L’intégriste en choisissant un chef aura par personne interposée l’impression “d’en avoir”. Son idolâtrie calme son angoisse de castration.
Ainsi, liée à une intense frustration sexuelle, la peur des femmes n’est pas seulement le symptôme d’une maladie appelée intégrisme , mais son ressort inconscient. Un fanatique ne discute pas car il dispose d’une arme absolue : la certitude d’avoir raison. L’intégriste est d’abord un homme qui est gonflé d’orgueil par son omniscience, au point qu’il trouve légitime d’imposer sa vérité à tous, fût-ce par la force. Il a la prétention de posséder la Vérité, et ce privilège le rend invincible. Et puisqu’il la possède, il peut s’en servir comme d’une arme, d’autant plus que cette vérité contient une promesse messianique qu’il lui appartient de réaliser. A lui de faire advenir le Paradis sur la terre ! La vérité ainsi conçue est unique et immuable. Or l’existence même de la féminité, parce qu’elle incarne la différence, remet en question la réalisation du fantasme d’une société parfaite. Voilà comment se fait la différence entre ceux qui croient savoir et ceux qui s’autorisent à douter. Entre ceux qui haranguent et ceux qui essaient de dialoguer. Entre une logique totalitaire, fondée sur le narcissisme, et une logique démocratique, fondée sur la reconnaissance de l’altérité.
Les intégristes sont incapables de passer du narcissisme à l’altruisme obsédés et tétanisés qu’ils sont par leur propre désir.
http://www.fairelejour.org
François PERROT
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1 commentaire:

  1. "Partout les gens supplient des dieux (et des prophètes) ou des esprits pour obtenir une guérison, un succès en amour ou sur le champ de bataille, ou le beau temps. La religion est une mesure désespérée à laquelle on recourt quand les enjeux sont élevés et qu'on a épuisé les techniques qui réussissent habituellement - les médicaments -, l'approche amoureuse, les stratégies et, pour le temps, rien".
    Steven Pinker dans : Comment fonctionne l'esprit, p. 584. Ed. Odile Jacob, 2000

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