Amnesty : la partialité du Code pénal marocain met les femmes et les jeunes filles en danger
Des militantes manifestent à Rabat pendant la Journée internationale de la Femme en 2008 © www.resistingwomen.net/
Suite à la mort tragique d’Amina
Filali en mars 2012 et l’indignation qu’elle a suscitée dans la société
marocaine, les autorités ont modifié l’article 475 du Code pénal qui
permettait aux violeurs d’échapper aux poursuites s’ils épousent leur
victime. Mais de nombreux autres articles du Code pénal portent atteinte
aux droits des femmes et doivent être modifiés.
En mars 2012, Amina Filali, une jeune Marocaine de 16 ans, s’est
suicidée en avalant de la mort-aux-rats après avoir été forcée à se
marier avec un homme qui l’avait selon elle violée.
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L’histoire bouleversante d’Amina n’a rien de rare au Maroc, où
l’article 475 du Code pénal permet aux violeurs d’échapper aux
poursuites s’ils épousent leur victime.
Toutefois, la mort
tragique de cette jeune fille a trouvé un écho au sein de la société
marocaine, et la vive émotion qu’elle a suscitée a poussé les autorités à
proposer une modification de cet article de loi honteux en janvier
2013.
Les organisations de défense des droits humains telles
qu’Amnesty International se sont réjouies de cette initiative mais ont
signalé que de nombreux autres articles du Code pénal devaient subir le
même traitement afin que les femmes et les jeunes filles puissent être
protégées contre la violence et la discrimination.
Atteintes aux « mœurs »
L'article 486 figure parmi les dispositions du Code pénal marocain
contre lesquelles s’élèvent les organisations de défense des droits
humains.
Sous la section dédiée aux « Attentats aux mœurs », il
définit le viol comme un acte « par lequel un homme a des relations
sexuelles avec une femme contre le gré de celle-ci », passible de cinq à
10 ans d’emprisonnement.
Si la victime est une jeune fille
mineure, une personne handicapée ou une femme enceinte, l’auteur encourt
une peine de dix à vingt ans d’emprisonnement.
Les châtiments
varient par ailleurs en fonction de la situation familiale de la victime
ou du fait qu’elle soit vierge ou non ; l’article 488 prévoit ainsi des
peines plus lourdes si une femme perd sa virginité lors d’un viol ou
d’un « attentat à la pudeur ».
Dans le cas d’un viol, la peine
prévue est alors de 10 à 20 ans de prison, contre cinq à 10 ans si la
victime n’était déjà plus vierge.
Les militants estiment que la
définition du viol doit être modifiée de sorte à omettre la référence au
genre, et que la coercition inhérente à certaines circonstances, qui ne
supposent pas forcément un recours à la violence physique, soit prise
en considération.
Le viol conjugal doit également être reconnu comme une infraction spécifique.
Le
fait que le viol relève de la section consacrée aux " attentats aux
mœurs " met en avant la notion de moralité et la situation familiale
plutôt que l'atteinte à l'intégrité de la victime. Nous craignons que la
modification proposée pour l’article 475 ne maintienne la distinction
entre les femmes qui sont vierges et celles qui ne le sont pas, ce qui
est discriminatoire et dégradant.
Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.
Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.
L’autonomie des femmes
D’autres articles du Code pénal doivent également être modifiés afin d’aider à protéger les femmes victimes de violences.
L’article
496, par exemple, dispose que cacher une femme mariée « qui se dérobe à
l'autorité à laquelle elle est légalement soumise » est passible d’une
peine d’une à cinq années d’emprisonnement et d’une amende.
Ce
type de dispositions signifie que les centres accueillant des femmes
fuyant la violence domestique pourraient être sanctionnés par la
justice. Elles mettent l’accent sur le fait que les femmes sont
susceptibles d’être soustraites à l'autorité de quelqu’un d’autre
Hassiba Hadj Sahraoui.
Hassiba Hadj Sahraoui.
L’article 490 érige en infraction les relations sexuelles consenties
entre personnes n'étant pas unies par les liens du mariage, acte pouvant
être puni d’un mois à un an d'emprisonnement.
Ériger en
infraction les relations sexuelles entre adultes consentants – quelle
que soit la situation familiale de ceux-ci – porte atteinte au droit à
la vie privée et à la liberté d’expression. Cette disposition dissuade
par ailleurs les victimes de viol de porter plainte, parce qu’elles
pourraient elles-mêmes être poursuivies pour avoir eu des relations
sexuelles en-dehors du mariage.
Protection intégrale pour les femmes
En juillet 2011, le Maroc a adopté une nouvelle Constitution garantissant l’égalité hommes-femmes.
Les
experts d’Amnesty International estiment cependant que même ces
dispositions juridiques ne suffisent pas à protéger les femmes et les
jeunes filles de la violence et de la discrimination.
Les
réformes législatives visant à mettre le droit marocain en conformité
avec les normes internationales relatives aux droits humains sont
essentielles à la protection des droits des femmes, mais modifier la loi
ne suffit pas dans une société où les femmes ne bénéficient pas du même
statut que les hommes. Cela est non seulement inscrit dans la loi mais
également profondément ancré dans les mentalités, ce qui mène à la
discrimination.
Parmi les mesures qu’il convient
d’adopter en priorité doivent figurer une formation destinée aux
policiers et aux personnels judiciaires visant à leur apprendre à faire
preuve de tact lorsqu’ils recueillent et traitent les plaintes relatives
aux violences perpétrées contre des femmes et des jeunes filles, et à
protéger les victimes elles-mêmes, pas ce qu’ils considèrent être leur
honneur ou leur moralité.
Allez plus loin :
Lire le rapport (en anglais) “Morocco/Western Sahara: Comprehensive reforms to end violence against women long overdue”
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