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vendredi 6 décembre 2013

Sommet de l'Élysée : La Françafrique consolide ses positions

7/12/2013


Sommet de l'Élysée : La Françafrique consolide ses positions

par Ali Idrissa (ROTAB, Publiez Ce Que Vous Payez - Niger), Gustave Massiah (Cedetim), Mireille Fanon Mendès-France (Fondation Frantz Fanon), Makaila Nguebla (journaliste tchadien), Issa N'Diaye (ancien ministre malien), Ramatou Soli (GREN Niger), Fabrice Tarrit (Président de Survie).
Tribune publiée par L'Humanité du 5/12/2013 
Décidé et convoqué par François Hollande, le « Sommet de l’Élysée pour la paix et la sécurité en Afrique » se tiendra les 6-7 décembre à Paris, rassemblant la plupart des chefs d’État africains, y compris les plus infréquentables. 
Si au fil des années des efforts ont été déployés pour masquer la dimension néocoloniale des sommets « France-Afrique », désormais dénommés « Afrique-France » et ouverts à des organisations internationales, l’intitulé de ce « Sommet de l’Elysée » ne cherche même pas à masquer le poids toujours aussi prépondérant de l’exécutif français dans la conduite de certains dossiers africains.
Malgré des écrans de fumée (organisation d’un événement sur le développement durable,  d'une réunion des « Premières dames d'Afrique » sur les violences faites aux femmes), le but de cette séquence diplomatique, ouverte    le 4 décembre à Bercy, par un Forum sur le modèle économique de partenariat entre l’Afrique et la France et conclue par un « mini-sommet sur la Centrafrique » est bien de consolider la puissance économique, diplomatique et militaire de la France sur le continent.
Ce rôle de « gendarme de l'Afrique » est contesté par une part croissante de l’opinion et par des représentants de la société civile française et africaine qui ont pris l’habitude d’organiser en contre-point des sommets France-Afrique des temps d’échange et de revendication. Il y a 15 ans, en 1998, alors que le Sommet du Louvre avait « la sécurité » comme thème principal, un contre-sommet avait été organisé, dénonçant l' « insécurité à la base » provoquée par les dérives de la Françafrique. Quinze ans plus tard, la plupart des despotes de l’époque sont toujours aux responsabilités (Idriss Déby, Denis Sassou Nguesso, Blaise Compaoré, Paul Biya) ou ont été remplacés par leurs fils (Ali Bongo, Faure Gnassingbé). Tout en en prétextant vouloir renforcer les capacités des troupes africaines, dans l’esprit du dispositif RECAMP inauguré en grande pompe lors du Sommet du Louvre, la France poursuit ses interventions unilatérales en Afrique en les faisant cautionner par les institutions multilatérales (ONU, UA). Elle mobilise au passage des armées supplétives africaines comme l'armée tchadienne, dont l'intervention au Mali a redonné une stature diplomatique favorable au président Déby, pourtant impliqué dans la déstabilisation et la crise humanitaire dramatique que connaît aujourd'hui la Centrafrique. La faiblesse des organisations sous-régionales et internationales dans le règlement de telles situations entraîne ce  cruel paradoxe qui voit les forces françaises et tchadiennes apparaître à beaucoup comme le seul recours efficace, quand bien même ces dernières ont une responsabilité écrasante dans l'aggravation de certaines situations humanitaires, qui ont toujours des racines politiques.
Ce positionnement en première ligne de la France dans des interventions menées  « au nom des droits de l’Homme » ou du « devoir de protection des populations » en Libye, en Côte d’Ivoire, au Mali et aujourd’hui en Centrafrique, camoufle ainsi les conséquences néfastes de plus de 50 années de soutien à des dictateurs africains et d’interventions armées généralement menées à leur profit ou à celui des intérêts stratégiques français, qui ont largement contribué à l’instabilité de certaines zones du continent. Le bilan de ces interventions n’a jamais été dressé, sinon par les militaires eux-mêmes qui ont opportunément saisi le prétexte de l’intervention au Mali pour convaincre le Parlement français de maintenir leurs crédits et renforcer le pré-positionnement de forces françaises en Afrique. Ils sont soutenus dans cette stratégie par des travaux parlementaires publiés opportunément à quelques jours du Sommet et du vote de la nouvelle Loi de programmation militaire. On a même pu voir dans ces travaux des élus, tels l'ancien Ministre de la coopération Jean-Marie Bockel et l'ancien conseiller Afrique de François Mitterrand Jeanny Lorgeoux, réclamer le retour d'une cellule africaine à l’Élysée et la création de nouvelles bases militaires en Afrique.
http://www.leparisien.fr/images/2013/12/06/3382907_ide-centrafrique.jpg
http://www.masalamag.us/wp-content/themes/wpnewspaper/timthumb.php?src=http%3A%2F%2Fwww.masalamag.us%2Fwp-content%2Fuploads%2F2013%2F11%2Ffrance_afrique.jpg&q=90&w=458&zc=1A l’heure où une nouvelle intervention française en Afrique a été décidée en dehors de tout contrôle parlementaire et débat public,  la mobilisation de la société civile reste plus que jamais nécessaire. Le retour en grâce de l’idéologie légitimant les interventions françaises en Afrique peut et doit être combattu, à condition que le contre-discours citoyen tentant d'éclairer les zones d'ombres dans le jeu des puissants et des cyniques puisse être entendu, ce qui n'a quasiment pas été possible depuis le début de la guerre au Mali. Il n'y a pas qu'en Afrique que le poids de l'influence des militaires sur les institutions et le débat public présente une menace pour la démocratie.

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