Par Salah Elayoubi, 7/12/2013
C’est la mort qui aura finalement eu raison de « Madiba », le matricule 46664 de Robben Island. Le géant a choisi de s’éteindre, dans la nuit de jeudi, à l’âge de 95 ans, alors même que le film « Mandela: un long chemin vers la liberté », retraçant sa vie était projeté en avant-première à Londres, en présence du Prince William et de ses deux plus jeunes filles Zindzi et Zenani.
Les sud-africains sont venus en masse pleurer devant la modeste demeure du père de la nation. Ils dansent, aussi, car tout, dans ce coin d’Afrique commence et tout finit par une danse. Qu’il s’agisse de guerre ou de paix, de joie ou de peine, de naissance ou de deuil.
Ce 6 décembre 2013, de ce pas saccadé qui fit se soulever la poussière et trembler l’apartheid, hommes et femmes, petits et grands ont esquissé une dernière chorégraphie pour le héros qui venait de s’endormir à tout jamais. Comme pour rappeler qu’après la liberté, si durement acquise, il reste encore tant de combats à mener, pour la justice, pour l’égalité et pour la fraternité. Ils seront certainement plus faciles à mener en Afrique du Sud, grâce à Mandela et sans doute beaucoup plus ardus ailleurs, où sévissent encore de bien sombres dictatures.
« Au pays où tout se danse », ce fut Nelson qui mena le bal, cinquante ans durant, malgré la toute puissance de ces blancs venus d’ailleurs, leur arrogance coupable et leurs exactions criminelles. Et lorsque ses juges le condamnèrent à casser des pierres, ils ignoraient que chaque caillou que le bagnard allait produire, participerait du compte à rebours qui mettrait un jour, fin à la tyrannie.
Je me souviens de ce jour de 1994, et de cette légitime émotion qui vous étreint, chaque fois que triomphe enfin le bon droit et la vérité. Mandela venait d’être élu Président dans un pays qui avait, jusque là, érigé l’ostracisme et l’assassinat des gens de couleur, en système politique.
L’homme dansait sur une estrade devant des centaines de milliers de ses compatriotes. Et pour mieux équilibrer son mouvement, il balançait ses bras alternativement d’avant en arrière, dans une gestuelle parfaite qui le faisait chalouper. Un sourire inextinguible éclairait son doux visage.
Il était magnifique, souverain et d’une élégance de seigneur, dans sa chemise bigarrée, à l’image du pays qu’il s’était promis de bâtir, sans haine, avec les ennemis d’hier.
- « Lorsque ma dernière heure sera venue, j’aimerai qu’on se souvienne de moi comme celui qui a fait son devoir envers son pays, son peuple et l’humanité. », se plaisait-il à répéter.
Mandela a fait bien plus que cela. Il fut tel un Christ des temps modernes, rachetant de vingt-sept années de travaux forcés, la rédemption des bourreaux du peuple sud africain. Rendre la dignité aux siens ne suffisait pas à ce héros d’un autre temps, il lui fallait encore restituer leur honneur aux ennemis de la veille, histoire d’extirper définitivement son pays des risques de la perdition qui le guettait.
Nelson Mandela s’est éteint, à l’heure où s’ouvrait à Paris, le sommet franco-africain. Un ultime pas de danse, en solo, de celui qui sortit son pays des ténèbres de la dictature, pour le conduire vers la lumière de la fraternité. Peu ou prou de ceux qui se trouvent réunis dans la capitale française, aujourd’hui, pourrait en dire autant.
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