05/12/2013 / MAROC
Des migrants portent le cadavre du jeune Camerounais. Photo prise par Yassine Yachiri pour Tanger24.
La journée de mercredi a été longue dans le quartier de Boukhalef, à
Tanger. Lors d’une opération de police, un migrant camerounais est mort
après avoir chuté du 4e étage de l’immeuble où il résidait. Les
habitants, migrants subsahariens pour la plupart, ont immédiatement crié
leur colère dans la rue pour dénoncer la brutalité des opérations de
police.
Des migrants portent le cadavre du jeune camerounais. Photo prise par Yassine Yachiri pour Tanger24.
En trois mois, c’est le troisième cas de décès de migrant
subsaharien au cours d’opération de police à Tanger. Le jeune homme
était un Camerounais en contact avec le Haut Commissariat aux réfugiés,
explique un témoin de la rafle à RFI. Alors que la police procédait, en
début d’après-midi, à une série d’arrestations dans l’immeuble où il
résidait, le jeune homme aurait tenté de résister. Quelques instants
plus tard, son corps sans vie gisait en bas de son immeuble.
Le cadavre du jeune camerounais. Photo prise par Yassine Yachiri pour Tanger24.
Révoltés, des dizaines d’habitants se sont rassemblés autour du
cadavre qu’ils ont voulu emmener eux-mêmes à la morgue, avant d’être
bloqués sur la route par les forces de l’ordre marocaines. Les heures
qui ont suivi ont été marquées par des affrontements sporadiques avec la
police. Après la médiation de responsables des droits de l’Homme, le
corps du migrant a finalement été restitué aux forces de l'ordre. En
échange, un groupe de dix migrants a obtenu de l’accompagner à la
morgue.
"On a voulu le porter nous même à la morgue pour montrer que nous sommes déterminés à connaître les circonstances de sa mort"
http://youtu.be/SAHH3Hc9gg4
Raphael est lui aussi camerounais et vit illégalement depuis huit mois à Tanger.
J’étais dans un immeuble à proximité quand les policiers sont
arrivés. C’était en fait la deuxième fois de la journée qu’ils venaient
procéder à des arrestations, ce qui est très rare, donc nous avons tous
été surpris. Évidemment, dans ces cas là, tout le monde essaie de sauver
sa peau. Ce n’est qu’après que des Marocains et des migrants m’ont
raconté que le jeune homme s’était retrouvé sur la dalle en haut de
l’immeuble où il pensait échapper à la police. Finalement il s’est fait
coincer et, selon eux, il a été poussé. [Une information que nous n’avons
pu confirmer de source indépendante].
Quand la police est partie, on est venus devant l'immeuble et son
corps était étendu sur le sol [une ambulance a été dépêchée, mais les
habitants ont refusé qu’elle prenne le corps]. Immédiatement, nous avons
choisi de nous mobiliser car ce n’est pas la première fois que ça
arrive. À chaque fois, le corps de la victime est embarqué et il n’y a
pas de suite. Cette fois-ci, on a voulu le porter nous-mêmes à la
morgue, dans le centre-ville, pour montrer que nous sommes déterminés à
connaître les circonstances de sa mort.
Depuis trois mois, des opérations d’arrestations ont lieu tous les
jours, avec la même brutalité. Il faut que les gens sachent comment nous
sommes traités ici. Ça ne peut pas continuer.
"J’ai passé la nuit à me demander si cet homme avait pu sauter de lui-même"
Amadé est guinéen. Il habite Casablanca, mais est actuellement, depuis plusieurs semaines, dans le quartier de Boukhalef.
Moi-même, qui ai des papiers, je me suis déjà fait embarqué par la
police. Ils prennent tout le monde, migrants illégaux, étudiants,
travailleurs légaux etc… et ce n’est qu’après qu’ils vérifient si vous
êtes ou non en infraction. Plusieurs fois ils m’ont arrêté à Tanger et
m’ont ramené à Casablanca où je réside la plupart du temps. C’est
insensé puisque mes papiers me permettent de circuler dans le pays.
Le quartier de Boukhalef est principalement habité par des
Africains subsahariens, notamment des Camerounais et des Sénégalais car
les prix des logements sont plus bas que dans le reste de la ville.
Quand la police les arrête, ils sont renvoyés dans le désert, à la
frontière algérienne. Mais de là, tous finissent par revenir à Oujda,
ville frontalière, puis à Tanger. J’ai passé la nuit à me demander si
cet homme avait pu sauter de lui-même. Je ne pense pas. Tous ici savent
que s’ils sont arrêtés, ils iront dans le désert et reviendront. Ils ont
intégré ces règles.
D’après le journal en ligne Tanja 24, les autorités ont nié toute
implication dans cet incident. Une enquête a été ouverte pour en
déterminer les circonstances.
À plusieurs reprises, l’Association marocaine des droits de l’Homme
a dénoncé des violences et mauvais traitements lors d’opérations
massives de reconduite de migrants subsahariens à la frontière.
Reconnaissant à demi-mot le malaise, en septembre 2013, le roi Mohammed
VI avait déclaré que ce dossier devait être approché "de manière globale
et humaniste" tout en niant qu’il y ait "usage systématique de
violence de la part des forces de l’ordre".
Actuellement, les migrants subsahariens seraient une vingtaine de
milliers à vivre dans le royaume, pour la plupart clandestinement.
Toutes les photos nous ont été transmises par Yassine Lachiri, journaliste à Tanger 24.
honteux, c'est révoltant
RépondreSupprimerje suis sur un "collectif local de soutien aux migrants et demandeurs d'asile" je partage votre lien