L’EXCEPTION MAROCAINE (2): Tentative d’apagogie
Pourquoi avoir choisi ce titre, un
raisonnement par l’absurde ou apagogie permet de répondre à une
problématique n’admettant que deux réponses possibles. Vrai ou Faux. Ce
qui nous évite de rentrer dans une sorte de sophisme intellectuel
malveillant. Selon le dictionnaire Larousse, une exception est définie
ainsi: Ce qui est hors de la loi commune, qui paraît unique ou encore,
Personne qui ne ressemble à aucune autre, qui apparaît comme unique ou
rare. En raisonnant par l’absurde donc, il suffirait de démontrer qu’il
existe un autre pays qui soit mieux loti que nous, ou mieux encore qui
nous ressemble, pour réfuter cette thèse assez répandue chez les
détracteurs des mouvements populaires « 20 février en exemple ». Facile,
il en existe tellement à travers le monde.
D’ailleurs,
l’évocation de l’exception est une stratégie bien courante dans les pays
soi-disant en voie de développement, une stratégie visant à contenir la
grogne populaire, et à donner un semblant de suprématie vis-à-vis de
ses semblables. Demandez aux Tunisiens, Libyens, Egyptiens et autres
s’ils n’avaient pas droit au même discours.
Ayant dit cela, je vais quand même
essayer de déployer un semblant d’argumentaire afin de contrecarrer
cette aberration. En parlant d’exception, il est bien sous entendu que
nous nous comparons à un ensemble de pays. Je suppose à priori que les
pays de la région MENA (Meadle East & North Africa) constituent une
base de comparaison valable, vu l’historique de colonisation commun, le
rapprochement des dates d’indépendance et finalement la structure
sociale.
Bien que le développement de toute nation
puisse s’articuler sur plusieurs volets, il me semble intéressant
d’axer mon analyse sur l’un d’entre eux qui me paraît être primordial, à
savoir le volet Socio-économique. En effet, l’analyse est d’autant plus
difficile qu’il s’agisse d’un pays d’ « exception » tel que le Maroc.
Un pays ou l’interaction entre les multiples volets est rendue tellement
absurde par l’absence de séparation de pouvoir qu’il fini par produire
un modèle économique assez exceptionnel: une économie politique qui pullule. Un article de M. Reda Chraibi
illustre déjà très bien les trois volets économique, social et
politique de façon objective en présentant des indices et critères de
classement validés par la communauté internationale. Je n’aurais pas pu
faire mieux comme présentation, mais je vais essayer de présenter une
autre vision se basant sur ledit volet.
Je vais me concentrer sur trois axes
intéressants, et qui définissent le degré de progrès d’une nation :
L’éducation, la santé et le niveau de vie. Ces trois axes sont en
général englobés dans ce qu’on appelle l’Indice de Développement Humain
(IDH). Aussi contestable soit-il, cet indice est une base de comparaison
assez intéressante, le Maroc y est classé 130/182. D’ailleurs, en
parlant de contestation, le Maroc est bien sur l’un des rares
détracteurs de cet indice, en attendant qu’il nous développe un indice
plus robuste (C’est une idée que je soumets au Haut Commissariat au Plan
« HCP » de Mr Lahlimi, pourquoi ne pas mettre un chercheur sur le sujet
pendant 3 ans ou le temps qu’il faut pour développer un indice plus
robuste prenant en compte l’évolution dans le temps et autres variables
intéressantes). En attendant, les chercheurs à Oxford (qui nous veulent
du mal, bien sur) ont développé un modèle multidimensionnel de pauvreté
qui se rajoute à l’IDH, et qui nous accable encore plus. On y trouve
notre cher pays de l’exception entre le Djibouti et le Ghana avec 28,5 %
de pauvres, et très loin derrière l’Egypte, la Jordanie, la Tunisie et
autres pays de la même région. Le HCP nous avait présenté un taux de
pauvreté de moins de 10 %, il va falloir nous expliquer la procédure
adoptée. Analysons les facteurs qui contribuent le plus à la pauvreté au
Maroc (Ou en anglais deprivation plus exactement, puisque cet
indice part du principe que la pauvreté est un phénomène
multidimensionnel). On y trouve les deux autres facteurs associés, en
l’occurrence, l’éducation et la santé qui contribuent à peu prés de 70
%.
Cliquer sur l’image pour agrandir le graphique
C’est évident, bien sur diront certains.
Dans ce cas, que fait l’état pour pallier cette réalité bien connue ?
Réponse, il construit un TGV au lieu de construire des Ecoles descentes,
et des hôpitaux publics potables ou de promouvoir la recherche. Un TGV
qui profitera encore aux mêmes personnes, mêmes tranches pour faire
encore plus d’affaires et s’accaparer plus de richesses. Par la même,
élargir le gap entre les classes sociales. Et c’est encore le
contribuable Marocain qui remboursera des crédits à long terme (Avec
toutes les contraintes imposées en terme de programmes d’ajustement
structurels, de contraintes extérieures, etc…., je ne vais pas trop me
disperser quand même sinon nous déborderont sur l’indépendance et
autonomie des décisions économique au Maroc, les procédures
d’attributions des marchés publiques, la subordination économique et le
néocolonialisme).
Le graphe ci-dessus présente les dépenses
publiques du Maroc en % du PIB dans les secteurs de la santé (secteur
public) (Barres en vert) et de l’éducation (courbe en rouge). Stagnation
et décadence sont les mots d’ordre. Where is El Mandjra et ses idées
sur la valeur de la connaissance, ou en sommes nous de ses visions qui
ont profité à d’autres alors qu’on vocifère encore dans notre coin.
Certains me diront que les données ne sont pas complètes ou que la
méthode a des lacunes (comme toute méthode), mais jusqu’à présent tous
les indices convergent vers les mêmes conclusions, à savoir, une
négligence des politiques sociales y compris en matière d’éducation, de
santé et de promotion sociale au profit de projets économiques, certes
utiles, mais non durables à mon avis.
Cette vision de croissance économique me semble erronée et non durable pour deux raisons :
1- Politique visant le court terme,
et surtout basée sur les investissements étrangers, le tourisme, etc,
donc un système de subordination économique avéré.
2- Négligence de l’aspect humain (et
ce n’est pas l’INDH qui va nous contredire, car jusqu’à présent cette
initiative est un flop total qui a encore profité aux mêmes) et absence
de politique visant une vraie production industrielle et intellectuelle.
Il est primordial de rappeler ici que
c’est un long débat sur les modèles de développement social. Devrait-on
privilégier une croissance économique qui tirera vers le haut le
développement social, ou bien privilégier les projets d’ordre social
avec tout ce que cela inclut en termes de restructuration de
l’éducation, réformes en matière de santé, environnement, habitat et
vivre ensemble afin de recréer une société viable, enthousiaste et
capable de produire de la richesse (qu’elle soit substantielle ou
intellectuelle), et ainsi tirer la croissance économique vers le haut.
Certes, ce dernier modèle prends plus de
temps et est surtout un modèle durable à long terme, mais il est à mon
avis le plus valable pour plusieurs raisons. Les couts intangibles en
matière de manque d’éducation, de santé et d’habitat digne sont
aujourd’hui quantifiables et il s’avère qu’ils sont énormes en termes de
perte de productivité, perte d’années de vie au travail, de quotient
intellectuel, etc….En conséquence, pertes économiques.
Je donne un simple exemple pour
illustrer. Il est aujourd’hui établi que les conditions de vie (habitat,
exposition environnementale, etc….) affectent durablement le devenir de
la personne, notamment en termes de perte de productivité. Une perte
d’un point en termes de quotient intellectuel à l’enfance, coute à la
nation entre 520 000 et 881 000 dollars (Korfmacher, 1999) aux USA. Ce
chiffre résume juste l’apport de l’exposition environnementale (surtout
relative à l’exposition au plomb dans les logements). Si on y rajoute
les autres effets sur les comportements violents, la criminalité
(Wright, 2009) et autres. On se retrouve avec des couts exorbitants sur
l’économie du pays. Avec les couts de la non éducation, ca devient
insupportable pour n’importe quelle nation. Ceci est un petit exemple
d’illustration, on pourrait raisonner de la même manière sur d’autres
domaines. Donc les petits calculs à court terme nous mènent droit vers
le mur.
Une politique sociale digne, avec une
éducation restructurée, une feuille de route sur le logement social et
non économique feront le plus grand bien à ce pays. En tout cas surement
beaucoup plus que les politiques bétonnières adoptée. Je reprends une
phrase de l’article de Mr. Réda Chraibi : « le développement d’un pays ne se mesure pas uniquement à la quantité de béton coulé ».
Une vision globale, où l’humain est au
centre de la croissance, où le Marocain se développe tout en
développant, où tous le monde trouvera son compte est la clé d’une
croissance durable, viable et solidaire. Une vision citoyenne choisie
par le Marocain et non imposée par des intérêts individuels.
Pour en finir avec l’exception marocaine.
Au-delà du fait que nous ne sommes pas une exception (on est loin
derrière beaucoup de pays de la région MENA), je rêve de nous voir, nous
Marocains élever le seuil de nos comparaisons à l’échelle des
meilleures nations. Qu’ont-ils de plus que nous les Suédois,
Britanniques ou Danois. Otons de nous ces réflexions racistes. En PLUS,
ON a 1200 ANS D’HISTOIRE. WAW
02.03.2011 | Youssef Oulhote | Observatoire de la Transition Démocratique au Maroc
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