Chers amis lecteurs de solidmar,

Solidmar est fatigué ! Trop nourri ! En 8 ans d’existence il s’est goinfré de près de 14 000 articles et n’arrive plus à publier correctement les actualités. RDV sur son jumeau solidmar !

Pages

dimanche 18 août 2013

Les tenants et les aboutissants de l'affaire DanielGate


  • Affaire DanielGate (Texte intégral)par Ali idrissi, 16/8/2013

    1 Maintenant que les esprits se sont plus ou moins calmés après quelques jours de réactions et de contre-réactions à chaud, je crois qu’il est grand temps qu’on réfléchisse sur les tenants et les aboutissants d’une affaire qui, non seulement a défié la chronique, mais a permis pour la première fois au Maroc, que des citoyens et citoyennes libres osent défier « la sacralité » d’une décision royale, dans la rue et plus seulement dans des communiqués ou lettres ouvertes… Ce qui pourrait constituer une grosse faille dans le système makhzénien, qui considère les citoyens marocains comme « des sujets de Sa Majesté » et voudrait imposer la compromission et le mutisme concernant toutes les ordonnances et décrets d’un Suzerain qui règne sur terre au nom et à la place de Dieu…

    Mais d’abord et avant de tenter une analyse hasardeuse malgré le manque terrible d’éléments qui pourraient l’appuyer, revenons un peu à ces journées d’espoir et de rêve trop longtemps refoulés !

    Dans ce cadre, il est à souligner avec un maximum de fierté les nombreux points positifs engendrés par une décision qui, pour le moins, semble totalement ignorer la grande sensibilité des Marocains à la pédophilie, parmi lesquels cette formidable mobilisation qui a mis en relief :

    Le rôle prépondérant de la Toile et l’excellence de la gestion de ladite affaire de la part d’hommes et de femmes mus par le même désir de liberté, de dignité et de justice.

    La campagne tout azimut de sensibilisation, animée par de bonnes volontés n’attendant, ni ordre d’un Bureau politique, ni feu vert de chefs et de sous-chefs.

    La couverture médiatique au niveau mondial, rarement réalisée concernant les affaires marocaines où des lobbies s’activent d’habitude assez rapidement afin de l’étouffer dans l’œuf.

    L’absence de visée idéologique ou de désir d’instrumentalisation d’un dossier où les victimes pourraient être nos enfants, ainsi que le caractère de solidarité humaine et d’action humanitaire de l’action.

    La présence remarquée d’artistes, d’acteurs et de bon nombre de cadres de la société civile, qui le 2 août 2013, ont bien défié la horde de flics venus taper dans le tas.

    • Le fait que cette fois, l’action revêt un caractère qui touche la dignité de l’ensemble des familles marocaines et pourrait –si on gère bien les actions à venir-, réaliser un consensus national.

    • La participation de sensibilités différentes, en grande parties comme individus conscients de la gravité d’une décision criminalisée par toute l’opinion nationale et internationale.

    Le formidable héroïsme des uns et des autres, ainsi que la ténacité dans la rue face à la répression.

    L’incroyable courage de Nabila Mounib et la position sans équivoque de l’AMDH, ainsi que de quelques autres associations.

    • Et enfin, l’absence de peur de fouler aux pieds une sacralité séculaire : un héritage figé de générations de Marocains forcés à considérer que toutes les décisions royales étaient et demeureraient jusqu’à la Fin des Temps, inviolables.

    D’un autre côté, ce dossier a mis à nu :

    La démission et la défaillance caractéristique de certaines associations dont l’unique souci est de préserver les intérêts personnels de leurs responsables, notamment celles dont l’article 1 de leurs statuts, est : la protection de l’enfance !

    Le silence assourdissant de l’opposition parlementaire et de ses ténors qui ont l’art et l’habitude de défrayer la chronique. Celui des islamistes (toutes tendances confondues), dont les affaires de « morale » seraient leur chasse gardée et qui ont cette fois, ont préféré avaler leurs langues que de défier un Roi utilisant d’autres islamistes de service. Et enfin l’absence totale de réaction de la part des partis de la majorité gouvernementale, occupée exclusivement à discuter de postes gouvernementaux dans le gouvernement revu et corrigé de Benkirane.

    La grave compromission du ministre de la justice qui a préféré se défiler derrière « l’intérêt national », ainsi que de Bassima Hakkaoui et du chef du gouvernement qui n’ont fait aucune déclaration à propos de cette affaire. Quand au PJD, sachant qu’il est dans le collimateur de certains « modernistes » du Palais, il a lui aussi préféré garder le mutisme afin de préserver ses intérêts et la majorité de ses postes au gouvernement.

    • La seule réaction d’un parti politique marocain (ce qui est pour le moins étrange !), était celle du PAM qui demande la constitution d’une commission d’enquête et se solidarise avec les victimes. Position qui serait de nature à nous édifier sur « la solution définitive » du problème (créé par cette mesure de grâce inique), qui est certainement entrain d’être mijotée à l’intérieur du Palais royal, ou du moins sur l’état du débat que certaines sources imputent à des membres du cabinet.

    La scandaleuse absence des médias makhzéniens (télévisions « publiques »), ainsi que des radios qualifiées de « libres ».


    2 - Mais d’abord, qui est cet homme dont la libération a provoqué une indignation générale à l’intérieur du Maroc et promet de faire tomber plusieurs tête d’un côté comme de l’autre du détroit de Gibraltar ?

    Officiellement, Daniel Galvan Viña, est un citoyen-lambda surnommé le «violeur de Kénitra», un Espagnol de 64 ans déclarant qu’il était un « professeur universitaire » à la retraite. Arrêté en 2010 pour pornographie et abus sexuels sur 11 enfants âgés entre 3 et 15 ans, celui-ci sera condamné en septembre 2011 par la Cour d’Appel de Kénitra (la ville où il sévissait impunément jusque-là), à 30 années de prison ferme et à 50.000 dirhams à verser à ses victimes (verdict confirmé par la Cour suprême et largement applaudi par l’avocat de la famille, ainsi que par différents observateurs)... Le jour anniversaire de l’intronisation de Mohamed 6, celui-ci (alors qu’il n’avait purgé qu’environ 2 années sur les 30 pour lesquelles il avait été condamné !), sortira de prison après avoir bénéficié d’une grâce royale en compagnie de 47 autres espagnols.

    Officieusement (et là le voile se lève petit à petit sur l’identité réelle ou probable de cet énergumène), selon un article qui a l’effet d’une bombe à retardement signé par Ignacio Cembrero dans le journal espagnol El Pais, le concerné serait né à Bassorah en 1950, qu’il est donc d’origine irakienne et qu’il aurait travaillé en tant qu’espion pour le compte de l’Espagne durant une dizaine d’années. D’autre part, Cembrero ajoute que « Daniel » n’était qu’un surnom octroyé par les services espagnols afin de cacher l’identité de celui-ci et que même sa fonction de « professeur universitaire » retraité résidant à Murcia, n’avait été confirmée par aucun site officiel de la direction de l’enseignement en Espagne. Ajoutant de l’huile sur le feu, Ignacio croit que c’est en contrepartie des louables services d’espionnage que « Daniel » a présentés durant des années, que les services espagnols avaient « multiplié les efforts » afin de le libérer de sa prison marocaine…

    L’essentiel maintenant, avec toute l’objectivité requise dans ce genre d’affaires et afin d’essayer d’y voir plus clair et de dénouer les fils entremêlés d’une grâce scandaleuse à plus d’un titre, il semblerait que dans les deux cas de figure, le dossier du dénommé « Daniel », a bien dû avoir la part du lion du contrôle de la part des services chargés de dresser les listes des Espagnols appelées à bénéficier de la grâce :

    1. Si c’est un simple pédophile, sachant que la société civile marocaine était de plus en plus vigilante concernant ce problème et que cet individu n’avait pas fait une seule victime, mais ONZE dont des enfants en bas âge qui seront marqués à jamais, la raison et la lucidité auraient dicté qu’un tel cas devait être écarté de la liste.

    2. Si c’est un véritable espion de l’Espagne (jadis dans l’Irak de Saddam et pourquoi pas ailleurs aujourd’hui), un Maroc sachant défendre ses propres intérêts nationaux, devait le garder comme carte de pression dans des affaires de la plus haute importance, comme le Sahara ou Sebta et Melilia et ne pas le relâcher aussi facilement et alors qu’il n’avait même pas encore purgé la moitié de sa peine (comme c’est le cas pour de nombreuses grâces royales)… D’ailleurs, avec une peine aussi lourde, on a bien affaire à « un gros calibre » et pas à du menu-fretin !


    3- Et comme on devait s’y attendre, cette libération a bien eu un effet boule de neige et serait devenue une vague géante qui, si le Palais avait davantage tardé à publier son communiqué (qui n’est sorti qu’après la rédaction des 2 premières parties de la présente analyse), aurait déferlé sur le Maroc faisant d’énormes dégâts, tant au sein de l’Etat que dans la société et au niveau des relations diplomatiques entre les deux pays concernés !

    Dans ce cadre, remontons un peu dans le temps et suivant un ordre chronologique et ce afin d’essayer de saisir le pourquoi et le comment de la plus grande crise qu’ait connue la propre personne du monarque marocain depuis son intronisation (à ne pas comparer avec l’impact des actions du mouvement du 20 février qui est une autre paire de manches). Une véritable tourmente durant à peine quelques journées où n’importe quel observateur aurait pu constater le chaos monstre où se trouvèrent les preneurs de décision concernant cette affaire, ainsi que ceux et celles qui gravitent autour du pouvoir, assumant à leur tour et en grande partie la pérennité de l’autocratie, des passe-droits, du bon-vouloir, du clientélisme exacerbé et de la grande humiliation du peuple marocain. Quelques jours où bien des masques sont tombés, où un véritable tri entre démocrates et pourritures a eu lieu de la façon la plus claire qui soit, où les grandes gueules se sont bouclées, les politiciens véreux se sont rangés, les grands intellectuels ont joué à l’autruche et où les journaux partisans ont montré patte blanche…

    Pendant ce temps, dans une déclaration tonitruante qui revêt un caractère historique et pourrait même secouer le cœur d’une personne morte et enterrée, faire entendre un sourd de naissance ou faire pleurer le Diable : « Nous avons été violés deux fois » !

    Ainsi s’est exprimée la mère de l’une des victimes de l’ignoble « Daniel » ! La mère de « Omar » qui, dès que celui-ci appris la nouvelle de la grâce accordée au monstre, a tenté de se suicider, comme rapporté par différentes sources concordantes !...

    Et toujours pendant que les responsables étatiques ne savaient plus à quel saint se vouer, on apprend la démission d’un conseiller communal dans la région de Tétouan, ainsi que celle du président de la section de l’association « Touche pas à mon enfant » à Kénitra, qui claque la porte de la présidente et épouse du Pacha (qui avait fait une déclaration reçue avec une vague d’indignation générale de la part des réseaux sociaux et de la société civile). D’autre part et toujours par protestation contre la mesure de grâce, une citoyenne marocaine résidant aux Pays-Bas et bénéficiant de la double nationalité, adresse une lettre ouverte au ministre de la justice et des libertés (je n’ose même pas imaginer de quelles « libertés » il s’agit !), l’incitant à annuler sa nationalité initiale, un citoyen qui aurait brulé sa carte d’identité à Fès, une femme qui a déclaré « ma waldinch » (nous n’enfanterons plus), ainsi que toute cette créativité et toute cette liberté retrouvées sur la Toile, etc.

    A sa sortie de prison, la première chose qu’aurait entreprise le dénommé « Daniel » (selon l’avocat Hamid Krayri dans une déclaration à Lakome), était de saisir le parquet de sa libération afin d’obtenir une main levée sur ses biens à Kénitra (une façon de nous narguer davantage et de s’absoudre de tout dédommagement qu’il devait verser aux victimes de son acte barbare !). Ensuite, nul ne sait exactement et dans quelles conditions ce criminel notoire à pu quitter le territoire marocain avec un passeport périmé (alors même que certains autres bénéficiaires de la fameuse mesure de grâce royale n’ont pas pu le faire jusqu’à présent !!!). L’a-t-il fait par avion et avec le feu vert des ministères de la justice et de l’intérieur ? Ou avec un laissez-passer des services consulaires espagnols et à travers le poste frontalier de Sebta, comme certaines sources le confirment ? En tous cas, le doute subsiste sur cette affaire en raison du manque terrible de transparence et du mutisme des responsables à tous les niveaux… Le fait est qu’on ait cru « se débarrasser » de cette lourde créature abjecte, avant que les victimes et l’ensemble de la population de Kénitra et du reste du Maroc, ne prennent le relai d’une justice aveugle et totalement absente !

    Mais là où la couche de brume s’épaissit, c’est quand les responsables de l’Etat marocain entrent dans une valse de déclarations mitigées et contradictoires frôlant parfois la caricature et ouvrant résolument la voie à une solution du problème hors des frontières marocaines, dans un pays (l’Espagne) où la vigilance de l’opinion et la transparence sont de mise !

    Dans ce cadre, voici quelques exemples de l’extraordinaire chaos qui caractérise les centres de décision au Maroc :

    • Au début, une information a filtré comme quoi le dangereux criminel gracié avait le cancer (ce qui aurait dicté cette mesure magnanime).

    • Ensuite, le porte-parole du gouvernement déclare qu’il n’était pas au courant de la mesure de grâce concernant le pédophile, mais qu’on avait obligé celui-ci à quitter le territoire marocain. Ce qui ne peut que provoquer une crise aigüe d’hilarité générale, tellement la contradiction est flagrante entre « To Be » au courant des responsabilités gouvernementales, ou « Not To Be » au courant !

    • Après ça (les langues semblent se dénouer), Mustapha Ramid, ministre de la Justice, déclare au quotidien Akhbar Al Yaoum que « Daniel » avait été extradé vers l’Espagne et était définitivement interdit d’entrer au Maroc. Mais que gracier Daniel était « une décision souveraine » et que si le Roi avait accordé sa grâce, qu’il devait certainement « avoir ses raisons", affirmant enfin que cette situation le dépassait (A rappeler que la commission qui a la responsabilité juridique de dresser les listes des bénéficiaires de la grâce avant de la soumettre au Roi, est composée notamment du ministre de la justice ou de son remplaçant et que les dates de ses réunions et à part certaines occasions mentionnées par le légiste, « sont décidées » par le ministre de la justice). Un communiqué publié par le ministère de la justice expliquera que la mesure de grâce royale entrait « dans le cadre des relations stratégiques qui lient les deux pays amis». La grâce aurait donc été décidée dans le cadre de la défense de « l’intérêt national » (rien que ça ?)!!!

    Du côté espagnol et comme on devait s’y attendre dans une monarchie où le Roi est parfois obligé de présenter des comptes au peuple souverain, les médias ibériques n’ont pas tardé à récupérer l’affaire malgré un calme précaire lors des 2 premiers jours qui succédèrent à la mesure controversée de la grâce : le roi espagnol ne serait intervenu qu’en faveur d’un seul détenu sur les 48 et qui en tous cas n’est pas le concerné par le scandale ; le gouvernement espagnol dément l’histoire de « l’intérêt national commun à Rabat et Madrid » comme prétexte à gracier « Daniel » ; au cours d’une certaine communication téléphonique, l’Espagne refuse catégoriquement que les autorités marocaines impliquent le nom de Juan Carlos dans cette affaire, etc. Une affaire qui, reprise dans un pays européen où les questions de pédophilie sont largement dénoncées et où il n’est permis à quiconque de jouer avec la dignité des contribuables, allait grossir à vue d’œil !

    • Le pire, c’est ce qui va suivre dans les prochains jours ! Selon une dépêche du site du PSOE traduite par Zineb El Rhazoui sur son mur du Face, « le Parti Socialiste Espagnol PSOE à travers Mme Elena Valenciano vice secrétaire-générale et porte parole de sa commission chargée des affaires extérieures du groupe parlementaire socialiste, exhorte son gouvernement à donner des explications urgentes au sujet des concertations avec le Maroc qui ont abouti au choix des graciés, et qui est responsable de l’introduction du nom de Daniel Galva Vineyard dans la liste, ce qu'elle considère comme un fait grave qui a créé une énorme vague d'indignation au Maroc comme en Espagne.

    Le ministre des affaires extérieures sera appelé à s'expliquer durant le congrès des députés programmé le Lundi 5 août 2013.

    Elena Valenciano a préparé plusieurs questions écrites dont: "Quel ministre a suggéré le pardon pour ce criminel?"

    Valenciano, qui considère très grave le fait qu'une personne qui a été condamné à 30 ans pour avoir abusé de 11 enfants a été graciée! Et de ce fait la nécessité d'une explication immédiate et à agir en urgence pour réparer cette erreur ».

    4 - Et pour ceux et celles qui ont la mémoire courte, ce n’est ni la première, ni la dernière bourde du pouvoir marocain dans ses relations avec l’Espagne ! La première grosse bévue avait bien été l’affaire de l’ilot « Laïla », déclenchée par l’Espagne coloniale à l’occasion du mariage du Roi du Maroc et alors qu’on parlait beaucoup de l’axe Madrid-Washington lors de la guerre du Golf. Ilot occupé par un commando espagnol après l’intervention marocaine et dont on ignore jusqu’à présent le sort (du moins officiellement), en raison du grand mutisme autour de cette affaire !

    Et pour les grands défenseurs de la marocanité du Sahara, La seconde « insanité » commise dans les relations maroco-espagnoles, est la gestion de l’affaire de « Aminatou Haydar » et toute la publicité gratuite dont elle a bénéficié de la part des autorités marocaines… Ceci sans oublier le cumul des erreurs du Maroc concernant la drogue, les villes occupées, la nécessaire ouverture à la société civile et aux médias espagnols, etc.

    Pour un observateur averti, la diplomatie marocaine donne continuellement l’impression qu’elle est prise en otage de la part de certaines forces obscures, qu’elle ploie facilement sous le poids de sa consœur espagnole qui chaque fois qu’il le faut, sait employer les grands moyens afin de mobiliser les lobbies et l’opinion publique espagnols contre les intérêts du Maroc. Un véritable blocage dont la seule explication possible était et demeure toujours malgré certaines prérogatives accordées au gouvernement par l’actuelle constitution marocaine, que celle-ci fait partie du domaine de « souveraineté » (je ne sais ce que ça veut dire dans une véritable démocratie !)... Comme si un seul homme –royalement servi par ce « gouvernement de l’ombre » qui détient les véritables pouvoirs-, pouvait régler tous les problèmes de politique extérieure du Maroc !

    Un pouvoir démesuré que certains acceptent sans rechigner et qui ne peut que conduire à une série de bévues et de scandales sans fin, si celui-ci n’est pas géré démocratiquement de la part d’un gouvernement représentant le peuple, ou écarté par ce même peuple à la moindre défaillance !

    D’ailleurs, en parlant de pouvoir qui n’est pas géré dans le cadre d’un Etat de justice et de Droit, Robespierre n’avait-il pas déclaré : « Celui qui dit qu’un homme a le droit de s’opposer à la loi, dit que la volonté d’un seul est au-dessus de la volonté de tous ». Le problème, est que cette personne, quand elle est seule à décider de la vie et de la mort de tout un peuple, risque un jour de se retrouver SEULE face à la tornade… le gouvernement n’ayant qu’un rôle de subalterne et les partis politiques ayant peur de se griller dans une affaire de morale défendue par l’ensemble des familles marocaines. Résultat : pour la première fois de sa vie et depuis son intronisation, le Roi du Maroc a du souffrir d’un isolement total durant les 4 premiers jours de la crise déclenchée par la mesure de grâce royale !

    Aujourd’hui au Maroc, comme dans la plupart des autres pays au sud de la méditerranée, le peuple est sorti dans la rue pour la fin des autocraties régnantes, pour la dignité, la liberté et la justice sociale. Et en raison de décennies d’asphyxie de ces sociétés, le réveil tant attendu a parfois engendré d’innombrables dégâts. Vus le degré de conscience des Marocains et la vigilance de la société civile, je suis sûr que le corps du Maroc demeure sain et peut échapper à la gangrène généralisée et au virus mortel ! Encore faut-il et avant qu’il ne soit trop tard et que les armées de l’ombre et les fous de dieu ne veuillent casser la baraque, que la monarchie marocaine prenne conscience qu’il est désormais impossible de ramer à contre-courant de l’Histoire et que le peuple mérite que Sa Souveraineté lui soit rendue !

    Et dans ce cas, ni le retour en force de la répression et le matraquage des citoyens dans la rue pour le seul et unique « délit » d’avoir voulu défendre la dignité de leurs enfants, ni le quadrillage des champs politique et médiatique, ni l’humiliation quotidienne dans les différentes administrations, ni l’oppression des voix libres et seules garantes de l’avenir de la stabilité, n’arriveront à calmer la furie d’un peuple tenu en esclavage !

    Suite aux premières manifs du 20 février, il aura fallu environ 20 jours pour que le Roi prononce son discours sur le changement de la constitution. Cette fois, en raison de la vague de protestations provoquée par la dernière mesure de grâce, ainsi que de la bonne gestion de cette affaire de la part des réseaux sociaux et de certains acteurs de la société civile, cette durée a bien été divisée par 5 pour que la réaction du Palais soit publiée à travers un communiqué du cabinet royal (suivi de beaucoup d’autres dont le nombre dépassera probablement le chiffre 3 actuel)! Ce qui est un véritable exploit qu’il faudrait approfondir d’un côté comme de l’autre (tant du côté du peuple qui devrait demeurer vigilant, que de la part du Roi qui sera obligé de tirer les leçons de l’affaire DanielGate et être continuellement à l’écoute des citoyens et citoyennes dignes et non plus de l’armée des vassaux. Un amas d’opportunistes qui ne pourraient que lui nuire étant donné qu’ils ne défendent que de propres intérêts qu’ils voudraient préserver éternellement et qu’ils ne peuvent jamais se permettre de critiquer ouvertement les moindres actes et lui éviter ainsi de tomber dans le piège de décisions dont il ne pourra, tôt ou tard, qu’en assumer l’entière responsabilité!

    5 - Ainsi jamais, au grand jamais, le Roi n’avait à justifier ses actes comme il le fit cette fois, tant à travers des communiqués de son cabinet, que par sa réception des familles des victimes de Daniel, que par cette pauvre mesure d’écartement de l’un des piliers de son régime!

    Et en général, l’Affaire DanielGate a révélé :

    Un grave dysfonctionnement au sein du Palais et l’absence d’un mécanisme institutionnel de contrôle des actes du Monarque, ainsi que l’urgence d’un débat profond sur une refonte totale de la constitution vers une véritable démocratie parlementaire où le Roi (qui a reconnu signer n’importe quoi et qu’il pouvait donc faire preuve d’irresponsabilité !), n’aura aucun pouvoir exécutif.

    L’absence totale du gouvernement et de son chef qui, depuis qu’il est là et dans l’affaire Daniel en particulier, persiste et signe à ne pas appliquer l’actuelle constitution, donnant l’impression d’être un simple clown de service et « un Grand Vizir » de l’époque des Sultans omnipotents et omniprésents sur la scène nationale et internationale.

    La dramatique démission des grands partis politiques tant dans la majorité que dans l’opposition (ce qui est assez grave pour la stabilité du Maroc !).

    L’éveil de la société civile qui, plus que jamais, mérite son rôle de contre-pouvoir.

    La possibilité d’une forte mobilisation de l’opinion autour d’affaires qui touchent directement la dignité de l’ensemble des familles marocaines et non plus pour des questions nécessairement politiques et stratégiques.

    L’effet (à retardement) des actions du mouvement du 20 février, tant sur la mobilisation de l’opinion publique, que sur les mécanismes de prise de décision. Occasion en or pour que le peuple se réconcilie avec ce mouvement qui avait été taxé de tous les noms (outil de propagande de Justice et Bienfaisance ou d’Annahj, jeunes débauchés, etc.), à condition que le 20 février fasse preuve de maturité et sache désormais choisir les batailles judicieuses et les slogans largement fédérateurs.

    L’intégrité de certains partis politiques (PSU en tête), qui méritent qu’on se mobilise autour d’eux et qu’on renforce leurs rangs dans l’espoir de préparer une alternance démocratique, tant aux islamistes de fin de la civilisation et de l’enterrement des rêves d’émancipation des peuples, qu’aux partis largement compromis du mouvement national et de l’administration Hassan II-Basri

    La force de l’AMDH qui, pour la première fois de son existence et afin de calmer sa furie dans l’affaire Daniel, reçoit (indirectement) un cadeau de la part du Palais royal (l’écartement de Benhachem qui faisait partie de sa liste de responsables d’atteintes grave aux droits humains sous Hassan II)

    La naissance enfin d’une opinion nationale au Maroc suivant les critères universels ! Le peuple marocain, ayant crié haut et fort face à un monde qui désormais n’éprouvera que du respect pour lui, que bien que ses responsables gouvernementaux fussent pitoyables, qu’il était capable de s'assumer et de défendre son honneur et sa dignité. LE POUVOIR AYANT COMPRIS QU’IL AVAIT DES COMPTES A LUI RENDRE !

    Et comme l’a noté Malika Filali, une amie de ce monde virtuel qui était très présent dans la DanielGate, l’Affaire qui nous intéresse aura créé « une chose encore improbable il y a peu », « une chose qui ouvre des horizons au peuple marocain ». Ce rêve jusque-là impossible qu’on est des CITOYEN(NE)S et que, comme tous les peuples de la terre, on MERITE BIEN LA DEMOCRATIE !

    En tous cas, dans les prochaines années, les étudiants des grandes facultés de Droit dans le monde, auront à débattre d’un cas qui est désormais entré dans les annales de l’Histoire : la DanielGate !

    • Comment et pourquoi un pédophile notoire, avait-il été gracié, alors qu’il n’avait passé qu’une infime partie de la durée de sa condamnation ?

    • Avait-il bénéficié de cette mesure en tant que pédophile ou en tant qu’espion à la solde de l’Espagne (et peut-être aussi des Etats-Unis comme évoqué dans le quotidien marocain « Al Massae ») ?

    • La mesure de grâce, pouvait-elle être révocable et l’était-elle vraiment dans la réalité, ou n’avait-elle aucune consistance et aucun fondement juridique et était-ce simplement une mesure prise à la hâte dans l’espoir de calmer les esprits ?

    • Les Marocains, pouvaient-ils la résilier autrement (peut-être en ayant recours à une jurisprudence extra-Etatique) ?

    • Les Espagnols, ont-ils le droit de remettre Daniel aux autorités marocaines, alors qu’aucun accord bilatéral ne le permette et vu que ce criminel avait bénéficié d’une grâce ?

    • Daniel, pouvait-il vraiment purger le reste de sa peine dans une prison ibérique, alors qu’il n’avait jamais été condamné pour un délit commis sur le territoire espagnol ?

    • Et enfin, il sera demandé aux étudiants des grandes écoles de Droit dans le monde, de donner l’exemple d’un cas similaire de casse-tête chinois, d’un imbroglio juridique sur lequel (j’en suis sûr !) les plus grands spécialistes se penchent à l’heure qu’il est, tâchant de trouver une issue à une situation, dont la seule responsabilité incombe aux pouvoirs colossaux dont dispose le Roi du Maroc !
    FIN

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire