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mercredi 18 septembre 2013

La Maroc / L'impunité système de valeur! 1

Par Mohammed Belmaïzi, 16/9/2013
Plus de cinq décennies, les violations des droits humains au Maroc n’ont cessé de provoquer l’opinion et d’indigner la conscience en torpillant l’avènement de l’Etat de Droit dont notre association l’AMDH exige vivement l’édification. Arrestations, torture, disparations et assassinats ont mis l’Etat marocain au ban des nations démocratiques et civilisées. Il a fallu que le scandale crève les yeux et érode significativement la façade cosmétique collée à la peau de l’autoritarisme de cet Etat, pour que l’étendue de l’horreur des violations éclate au grand jour. Parmi tant d’écrits et d’interventions, retenons le livre de Gille Perrault « Notre ami le roi » qui décrit les arcanes du pouvoir personnel d’Hassan II. L’Histoire retiendra de ce monarque de droit divin qu’il s’est ingénié à opprimer, à bannir et à ériger des bagnes clandestins contre ses opposants. C’est alors que sous la pression nationale et internationale, le régime a cédé. Et le monde a ouvert les yeux sur le désastre de Tazmamart et d’Agdz, entre autres mouroirs clandestins au Maroc.

Pour redorer son blason, le régime marocain, en se dépêchant de tourner cette hideuse page, exhibe sa ‘bonne volonté’ et crée le CCDH (Conseil Consultatif des Droits de l’Homme) en 1990. Il opta, huit ans plus tard, pour l’Alternance, un gouvernement dirigé par le socialiste Abderrahman el-Youssoufi  Celui-là même qui évoqua durant son exil, les délits attentatoires de l’Etat marocain comme inhérents aux « crimes contre l’humanité ». Mais pour effacer et passer sous silence cette macabre phase contre les droits humains, on s’est empressé de désigner un « ministre chargé des Droits de l’Homme » au sein de ce gouvernement. Signe d’un consensus irraisonné à tous les niveaux de l’Etat et de ses commis, anciens et nouveaux venus, pour arracher la défense des droits humains des mains des associations autonomes, telle que l’AMDH. C’est que l’Etat marocain excelle dans ses créations et remaniements d’organes étatiques pour la défense des Droits de l’Homme. Et c’est ainsi que le CCDH a été remplacé par le CNDH (Conseil National des Droits de l’Homme); étrange et subite reconversion d’un pouvoir nourri par la violence d’Etat. Chose fort curieuse et combien antagoniste avec la nature de ce régime qui recourt régulièrement à la coercition et aux descentes punitives contre manifestations et contestations populaires. On a enregistré tout récemment, dans le cadre du Mouvement du 20 février inscrit dans la foulée des Révolutions au Maghreb et au Proche-Orient, l’atteinte à la liberté de manifester des citoyens, habitants d’Abou Ayach, de Taza, de Safi,  d’Ifni… avec mort d’hommes, deuils et désarrois des familles brisées par nombre d’arrestations et d’emprisonnements arbitraires des jeunes.

Où trouve-t-on, alors les principes de « la protection des droits et libertés des citoyens et l’attachement du pays au respect de ses engagements internationaux en matière de protection et de promotion des droits de l’Homme », dont se gargarisent intellectuels et commis de l’Etat ? Accablant, à ce sujet, est le récent rapport de Juan Mendez, l’envoyé spécial des Nations Unis pour les Droits de l’Homme. Il note sans détour que « la torture et les mauvais traitements n’ont pas disparu » et révèle que « la pratique des traitements cruels persiste dans les affaires pénales de droit commun. » Il évoque « l’usage excessif de la force par la police pendant des manifestations à Rabat et dans plusieurs autres villes en février et en mars 2011 ». Il souligne les « événements du 15 mai 2012 à Rabat, à Fez, à Tanger et à Témara, localité où les manifestants réclamaient la fermeture du centre de détention ». Juan Mendez demande à l’Etat marocain de libérer Ali Arras de nationalité belgo-marocain, emprisonné arbitrairement sans preuves tangibles et irréfutables, à l’instar de l’ensemble des prisonniers du centre de détention de Témara, victimes de la vague liberticide qui voyait en chaque marocain un potentiel islamiste ou terroriste…

Même le CNDH, organe de l’Etat, reconnaît, en ‘transgression’ de ses accointances obligées, que les violations dans les prisons marocaines sont catastrophiques. La maltraitance des prisonniers se manifeste « par des coups portés aux moyens de bâtons et de tuyaux, la suspension sur des portes à l’aide de menottes, les coups administrés sur la plante des pieds (FALAQA), les gifles, les pincements à l’aide d’aiguilles, les brûlures, les coups de pied, le déshabillage forcé des détenus au vu et au su des autres prisonniers, les insultes et l’utilisation d’expressions malveillantes et dégradantes portant atteinte à la dignité humaine des détenus. Ces exactions ont été observées dans la plupart des prisons visitées avec une prévalence et une intensité qui diffèrent d’une prison à une autre… »

Comment en est-on arrivé à revivre les pratiques d’un passé immédiat qu’on fustigeait pourtant, pour tourner promptement la page ? La réponse est on ne peut plus limpide. Ce tableau fort pollué par la déliquescence de l’Etat marocain est inscrit dans les rouages de cet autre organe créé par le Maroc sous l’étiquette IER (Instance Equité et Réconciliation, son mandat allait du 7 Janvier 2004 au 30 Novembre 2005). Un spectacle bourré de manquements et de détournement du sens, puisque les victimes des années de plomb qui devaient décrire leurs drames, étaient sommées de ne point mentionner leurs bourreaux. Un procès amputé de sa partie essentielle qui sont les bourreaux. Ces bourreaux qui continuent, sans être inquiétés, à occuper les basses et hautes instances de l’Etat. Ce procès édulcoré par des invocations mensongères de la fameuse « justice transitionnelle » était prévisible, lorsqu’on sait que l’Etat se refuse obstinément à s’excuser des atrocités du passé devant la souveraineté du peuple marocain. Il est à noter en effet, que selon la constance de l’oppression et des violations des Droits Humains, décrites plus haut, le Maroc se refuse à promouvoir la « justice » et la « transition », à l’instar de ce qu’ont fait les Sud Africains lors de l’abolition de l’Apartheid. Un exemple pourtant si riche de leçons que l’Etat marocain appuyé par ses intellectuels et ses commis, ont lamentablement feint d’omettre.

Notre association l’AMDH l’a dit et répété : sans abolir l’impunité, aucune page ne peut être tournée pour accéder à la paix sociale, à la gouvernance éthique, à la démocratie et à la prospérité. L’impunité à tous les niveaux d’ailleurs, restera comme une écharde dans le pied purulent des dominants, voué à des métastases, contestées et contestables.

Alors, c’est pour quand une authentique démocratie et un Etat de Droit, pour bannir définitivement l’impunité, cette maladie dévastatrice ?

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