Par Lucile Daumas, 16/9/2013
Relire :Les anciens prisonniers politiques victimes de la répression estiment que la réponse du CNDH n'est pas satisfaisante
De
larges banderoles barrent la place des Martyrs, devant le siège du CNDH (Conseil
National des Droits de l’Homme). Une fois encore (le premier sit-in a eu lieu en
2006) les anciens prisonniers, victimes de la répression hassanienne, occupent
les lieux pour tenter d’obtenir la mise en œuvre de décisions, qui pour un
certain nombre d’entre eux, ont déjà été actées.
Ils
sont une bonne quarantaine à camper sur le béton inconfortable de la place,
représentant des centaines, voire des milliers de cas de victimes de la
répression dont le dossier, ouvert par l’Instance Équité et Réconciliation,
n’est toujours pas réglé. Ils ont amené leurs marmites et leurs bouteilles de
gaz pour préparer leur repas et quelques minces matelas pour les protéger du
froid émanant du sol.
Ils
sont là depuis le 22 août, presque un mois déjà et aucun dialogue n’a pu être
établi pour l’instant avec les hautes autorités du CNDH, Driss Yazami et Mohamed
Sebbar, considérés encore il y a peu comme des militants actifs du mouvement des
droits de l’homme. Mais pour l’heure ils
n’ont pas même un regard pour leurs anciens camarades venus réclamer leurs
droits.
Il
y a parmi eux des anciens lycéens du mouvement de Casablanca de mars 1965, des
prisonniers des nombreux groupes qui se sont succédé dans les années 70 et 80.
Il
y a parmi eux un groupe auquel on oppose le fait qu’ils auraient demandé
réparation « hors délai », comme s’ils étaient au guichet des paquets
recommandés. Les autres ont déjà eu gain de cause, indemnités, réintégration
dans la fonction publique, affectation sur des postes du privé ou du public,
tout cela a déjà été acté.... mais rien n’a été mis en place. Ils vieillissent
et la plupart sont arrivés à l’âge de la retraite, mais il n’y a rien ou alors
une misère.
Deux
cas ont retenu particulièrement mon attention. Celui de Bikari, qui a passé onze
ans en hôpital psychiatrique – la torture et l’enfermement cela laisse des
traces- pour lequel les recommandations déjà décidées n’ont pas encore été
appliquées.
Celui
de Mustapha. Difficile de deviner sous ses cheveux blancs et son visage buriné
le lycéen qu’il a été. C’est pourtant à 17 ans qu’il a été arrêté, lors des
émeutes de Casablanca. Les violences ont laissé des traces : la police lui a
crevé un œil, plaie toujours béante qu’il cache plus ou moins sous une casquette
et derrière ses lunettes. Il attend toujours que les décisions déjà prises à son
sujet soient suivies d’effet.
Ils
ont donc repris une nouvelle fois leur campement devant le CNDH. Le froid et
l’humidité des nuits rbaties n’arrangeront sans doute pas ces corps usés par les
souffrances. Mais il y a encore une chose qui les a remis sur le sentier de la
guerre. Une rumeur circule, on dit qu’il est question que ce dossier soit
définitivement clos... sans l’avoir mené à son terme. Il n’en est pas question,
affirment-ils avec fermeté.
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