Par Hania A., 10/3/2013
La condamnation à de très lourdes peines des 24 indépendantistes
sahraouis et l´expulsion mercredi de Casablanca des quatre eurodéputés
qui voulaient se rendre à Al Ayoune pour se solidariser avec leur cause
donnent lieu, régulièrement en Espagne, à des témoignages sur la
tragédie que vit le peuple sahraoui depuis l´occupation de son
territoire par le Maroc.
L´un de ces témoins est le lieutenant-colonel à la retraite, Tòfol
Fuster, actuellement âgé de 71 ans. Il a effectué entre 1965 et 1970 une
mission d´information à Mahbes, la «Mer intérieure» du Sahara
occidental, non loin de la frontière avec l´Algérie, le Maroc et la
Mauritanie. C´est la plus belle page de la vie de cet ancien officier
supérieur qui était le seul Européen du contingent de méharis qu´il
commandait. Des liens puissants sont nés avec la société nomade
sahraouie.
Il se souvient que son affectation dans l´ancienne colonie espagnole
avait pour objectif de surveiller cette partie de la province espagnole
de l´époque, peu de temps après «l´invasion, en 1963, de Tindouf et
Béchar», par l´armée marocaine, deux villes de l´extrême sud-ouest de
l´Algérie qui venait à peine d´accéder à son indépendance. «Il y avait
un cessez-le-feu, mais les incidents étaient fréquents dans la zone»,
dit-il, ce qui avait conduit l´Espagne à renforcer sa vigilance dans sa
colonie.
Il raconte à la presse des Baléares comment s´est déroulée, à partir de
1976, l´occupation militaire par le Maroc de l´ancienne colonie
espagnole, et les violations des droits de l´homme qui s´en sont suivies
à ce jour. «Le Front Polisario avait été créé en 1973 pour réclamer
l´indépendance du Sahara occidental vis-à-vis de l´Espagne. Au moins 28
attaques avaient été enregistrées entre 1973 et 1976 contre des
intérêts de l´Espagne dans la zone, notamment ses activités de pêche»,
dit-il. Mais la vraie tragédie du peuple sahraoui est à venir. «Après la
mort du général Franco, le gouvernement de Navarro Arías a cédé la
colonie espagnole au Maroc sous la pression du puissant lobby économique
marocain.
Les Sahraouis ont commencé alors à fuir massivement leur territoire
envahi militairement après la «Marche Verte». Il se souvient : «Les
enfants, les femmes et les vieillards qui se dirigeaient vers Tindouf
ont été bombardés au napalm, alors que l´Espagne regardait de l´autre
côté.»
«J´ai très mal vécu la situation de ces 170 000 Sahraouis qui étaient
encore des citoyens espagnols. Ce fut pour mois (et pour tous les
Espagnols, un choc très fort.» Depuis, cet ancien officier supérieur
s´était converti en sympathisant et activiste pro-sahraoui. «Un peuple
avec lequel j´ai vécu des moments extraordinaires qui me donnaient le
sentiment que je vivais dans la peau de ‘ ‘Laurence d´Arabie’’.»
Ses souvenirs ont été ravivés par le dernier film «Enfants du Désert»
qui vient d´obtenir le prix Goya, produit par le double Oscar du cinéma
Javier Bardem, un autre militant de la cause sahraouie, comme lui et
comme l´eurodéputé Willy Meyer qui vient d´être expulsé par les
autorités marocaines.
Hania A.
Le Temps d'Algérie, 10/03/2013
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