Par Ristel Edimo, 13/3/2013
Kacem El Ghazzali, 22 ans, est le premier bloggeur marocain
qui déclare ouvertement son athéisme. Devant le Conseil des droits de
l’Homme de l’ONU à Genève, il a plaidé en faveur des tous ceux qui comme
lui, réclament la liberté au Maroc.Conseil
« Je suis un athée. Pour avoir déclaré publiquement mon
athéisme, j’ai dû fuir mon pays natal le Maroc pour me réfugier en
Suisse ». C’est ainsi que Kacem El Ghazzali de 22 ans a introduit sa
déclaration au Conseil des droits de l’Homme aux Nations Unies à Genève.
Devant un parterre d’agents de l’ONU et d’associations de défense des
droits de l’Homme, le jeune homme a fait état des raisons qui l’ont
poussé à quitter son pays pour se réfugier dans une culture occidentale.
Il raconte qu’en 2010, il a été victime de menaces de mort, de
violences physiques et de discriminations de la part des agents de
l’Etat, suite à des articles postés sur son blog, dans lesquels Kacem
faisait état de son athéisme. A l’école, « les enseignants montraient
mes vidéos et mon blog aux élèves, leur faisant comprendre que je
devrais être punis conformément aux lois de l’islam, en d’autres mots,
je devais être tué », confie-t-il.
Lorsqu’il a tenté de porter plainte, la police l’a rejeté, lui
conseillant de fermer son blog et de présenter ses excuses. Dans le cas
contraire, une association islamique pourrait récupérer l’affaire contre
lui. « Ils ont ajouté que déclarer ouvertement mon athéisme était comme
critiquer ou insulter le roi. Et conformément la constitution, cela
pouvait être considéré comme un blasphème », indique le jeune homme.
Pourquoi on ne peut pas être athée au Maroc ?
Le blogueur marocain appelle le Conseil des droits de l’Homme de
l’ONU à réclamer au gouvernement marocain des explications concernant
les raisons pour lesquelles « la constitution marocaine ne considère pas
les athées comme des citoyens à part entière ».
Kacem El Ghazzali s’est également exprimé au Sommet des droits de
l’Homme de Genève en février dernier, réclamant le droit d’être un
Marocain et athée, ainsi que la liberté d'expression.
Très connu des médias internationaux, le jeune bloggeur fait sa première sortie médiatique sur France 24
en 2010. Par la suite, il a multiplié les unes de journaux en Suisse.
Il est l'auteur de l'un des blogs les plus controversés dans le monde
arabe (bahmut.blogspot.com). En mars 2012, il a lancé une pétition dans laquelle « des athées et agnostiques arabes appellent l'ONU à bannir la charia ».
« Je ne rentrerai que si le Maroc devient un état laïc »
Aujourd’hui, Kacem voudrait bien voyager « et même retourner vivre »
au Maroc. Mais cela n’est possible que « si mon pays m’accepte et ne
souhaite pas me priver de mon droit de vivre comme athée, [et] si le
Maroc respecte les droits humains universels et devient un état laïc »,
a-t-il déclaré dans une interview.
La déclaration de Kacem El Ghazzali devant le Conseil des droits de l'homme
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Source: Kacem
El Ghazzali, président de l’Association des ex-musulmans de Suisse, est
un réfugié de la charia. Il a fui le Maroc en raison des menaces reçues
après avoir ouvertement proclamé son athéisme sur son blogue Atheistica. Il est le promoteur de la pétition des athées et agnostiques arabes demandant à l’ONU de bannir la charia, qui les condamne à mort (je vous encourage à la signer en cliquant ICI).
Ci-dessous, une interview de Kacem par le magazine allemand Die Welt.
Il
y a deux ans, en février 2011, Kacem el-Ghazzali s’est réfugié en
Suisse. Il a dû quitter son pays natal, le Maroc, parce qu’il ne croyait
plus en l’islam et avait publiquement professé son athéisme. Il
continue toujours à recevoir des menaces de mort. L’exilé de 22 ans est
l’auteur de deux blogues ayant un lectorat mondial, l’un sur l’islam
politique et l’autre sur les droits humains.
Ses
textes suscitent énormément d’intérêt. Plus de 13.000 utilisateurs de
Facebook le suivent. Au Sommet de Genève sur les droits humains et la
démocratie cette année, il a livré une allocution sur son expérience
comme athée au Maroc. Dans cette interview, Kacem el-Ghazzali parle de
la vie dans un pays occidental, de sa critique de l’islam et de
l’abandon de sa patrie pour des raisons politiques.
DW: Peu de Marocains professent leur athéisme avec autant d’assurance que vous. Quand avez-vous décidé de renier votre religion ?
Kacem :
Pour l’essentiel, ce fut un processus plutôt qu’un moment précis. La
croyance est souvent le résultat d’une culture particulière. La religion
est au centre de nos pays, en termes clairs, elle est au cœur de cette
culture. Je me suis détourné de l’islam quand j’ai commencé à remettre
en question cette culture. C’est une culture qui contrôle toutes nos
relations personnelles, nos pensées, et même notre imagination et nos
rêves. Une culture qui ne nous permet pas d’être différent ou de penser
différemment. Une culture qui met son nez partout.
DW : Qu’est-ce que ces pensées signifient pour vous ?
Kacem : Quand
j’ai pris conscience de ce problème, j’ai conclu que la religion – et
pas seulement l’islam – est l’un des plus grands obstacles sur la voie
de la modernité. Autrement dit, cela n’a aucun sens d’appeler au respect
des droits humains tout en ayant des textes religieux qui appellent au
meurtre des infidèles, à l’intimidation des femmes et à l’oppression des
minorités.
DW : Quelle a été la réaction de votre famille ?
Kacem : Ce
fut un choc pour ma famille. Ils étaient tous inquiets. Ils ne
comprenaient pas vraiment ce qui se passait. Ils étaient tous du même
avis et personne ne m’a défendu. Pas même quand des manifestations de
protestation contre moi ont été organisées en face de ma maison. J’ai dû
quitter ma maison et ma ville et me cacher jusqu’à ce que j’obtienne
l’autorisation d’entrer en Suisse.
DW : Êtes-vous toujours en contact avec votre famille ?
Kacem : Oui,
nous sommes en contact. Les contacts sont-ils positifs ? Hélas non. Les
seules conversations positives sont celles que j’ai avec ma mère quand
je lui demande des recettes.
DW: Vous vivez en Suisse depuis deux ans. Avez-vous trouvé un emploi ? Avez-vous des amis ?
Kacem : Je
ne suis pas un réfugié économique. Trouver un emploi n’est pas une
priorité. Je veux faire des études. Je reçois un peu d’argent de l’Etat
suisse et c’est assez pour payer les livres, la nourriture et une
connexion Internet. Oui, travailler et gagner mon propre argent me
rendraient autonome. Mais je veux d’abord étudier. Je suis économe. Je
n’envisage pas d’acheter une voiture, de louer un grand appartement ou
d’envoyer de grosses sommes d’argent dans mon pays d’origine, comme le
font beaucoup de réfugiés.
DW : Pourriez-vous, ou aimeriez-vous, faire un voyage au Maroc ?
Kacem :
Je vais certainement voyager au Maroc si ce pays s’est guéri du cancer
de l’islamisme dont les partisans veulent me tuer. Et si mon pays
m’accepte et ne souhaite pas me priver de mon droit de vivre comme
athée. Si le Maroc respecte les droits humains universels et devient un
état laïque, j’envisagerai de faire un voyage là-bas et même de
retourner y vivre.
DW: Avez-vous un estimé du nombre de personnes dans les pays arabes qui partagent vos vues sur la religion ?
Kacem :
Comme l’athéisme est un grand tabou dans les pays arabes, il est
difficile d’évaluer le nombre d’athées. Parfois, les athées ne se
connaissent même pas entre eux. Tout le monde pense d’abord à sa vie et
sa sécurité avant d’admettre ouvertement son athéisme. Pourtant,
récemment, des voix ont été entendues. La plupart d’entre elles
utilisent les réseaux sociaux pour échanger des idées et parler
ouvertement de leur absence de foi et de leurs vues sur l’islam et les
religions en général. Cela envoie un signal positif à l’Occident, qui a
cru pendant des années que dans les pays arabes tout le monde se
ressemble et est satisfait. Les athées demeurent toutefois une société
parallèle qui doit rester dans la clandestinité à cause de la peur.
DW : Que pensez-vous du soi-disant «printemps arabe» ? Pouvez-vous discerner des changements positifs ?
Kacem : La
beauté du printemps vient de ses différentes couleurs. Les partisans du
printemps arabe ne connaissent malheureusement pas ces distinctions.
Ils veulent que tout le monde pense la même chose, s’habille de la même
manière et prie en même temps. La plupart des partisans du printemps
arabe ne croient pas aux droits humains tels qu’ils sont compris par
l’Occident. Pour eux, la démocratie est juste une échelle qui permet de
grimper vers le pouvoir. Puis ils attachent des couteaux aux barreaux
pour empêcher tout autre parti politique de gravir les échelons. Ce qui
se passe aujourd’hui dans le monde arabe est comparable à ce que
l’Europe a connu aux 17e et 18esiècles. La
différence est que cette époque a donné naissance à des philosophes et
des penseurs éclairés. Au Proche-Orient, en revanche, les partisans des
lois divines et les adeptes de l’islam ont pris le pouvoir.
DW: Est-ce que l’islam ne pourrait pas se réformer, comme cela s’est produit avec le christianisme ?
Kacem :
À mon avis, il ne peut y avoir de réforme ni de Lumières dans l’islam
sunnite ou chiite car il n’y a pas d’Église à réformer. Dans l’islam,
nous sommes soumis au pouvoir d’un livre sacré et aux instructions qu’il
donne. Notre identité et notre compréhension de nous-mêmes viennent du
coran. Si les musulmans pouvaient utiliser leur raison, sans les
instructions d’un livre qui est reconnu comme étant la Parole de Dieu,
alors nous pourrions parler des Lumières. Mais aujourd’hui, la plupart
des musulmans sont contre les idées du siècle des Lumières. Et ils ne
savent pas que les musulmans pourraient acquérir les mêmes droits que
les personnes vivant dans les pays occidentaux. Historiquement, il y a
eu plusieurs tentatives de réforme de l’islam, mais elles n’ont pas été
bien reçues. Tout musulman modéré qui voudrait réformer l’islam
doit d’abord reconnaître que le coran est la source de la terreur et de
la violence. L’horreur absolue. Mais aucun musulman ne peut admettre que
le coran est un livre politiquement et historiquement déterminé et non
pas la parole d’Allah.
DW : Quels sont vos projets pour l’avenir ?
Kacem :
J’espère et je rêve du jour où les pays arabes connaîtront la liberté
de religion et les droits humains. Je travaille pour cela. J’ai consacré
ma vie à cela. En attendant, je vais boire une ou deux bières par
semaine avec ma copine.
Source : « Wir Atheisten bilden eine Parallelgesellschaft », Die Welt, 25 février 2013. Version anglaise: Gates of Vienna. Traduction par Poste de veille de la version anglaise.
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