« La torture, c’était il y a 20 ou 30 ans… »
Abdelillah Benkirane, chef du gouvernement marocain
Par M-J F Solidmar, 27/3/2013
Par M-J F Solidmar, 27/3/2013
Né le 18
janvier 1987 à El Aaiun au Sahara Occidental Hassan Dah est un militant de droits de l'Homme pour le droit à
l’autodétermination du peuple sahraoui. Ce n’est pas la première fois qu’il se
fait arrêter, torturer et jeter en prison. A partir de 18 ans il est souvent
victime de répression. Voici quelques unes de ses arrestations
:
- En 2007 il a été enlevé chez lui par la police, pendant son sommeil. Avec d’autres militants ils sont torturés
à l’électricité, les yeux bandés et laissés sans habits sur le sol par
la police qui verse de temps à autre de l’eau sur eux. Ils sont
contraints de signer le procès verbal sans pouvoir connaitre ce qui est
écris dessus, sous menace de viol. Ils refusent de répondre aux
questions du juge sans présence de leur défense, ce qui a obligé le juge
de les faire retourner à la prison.
- Le 15 septembre 2009, Hassan est avec un groupe d’amis membres de l’Observatoire des droits de l’Homme, un groupe de policiers descend de voiture et se jette sur eux, en les battant sans raison ni explication. Les yeux bandés ils sont emmenés en voiture, puis encore frappés violemment pendant une demi-heure. A la Willaya de sécurité un autre groupe de policiers, sous les coups et les insultes, les interroge sur leur affiliation à l’Observatoire Sahraoui des droits de l’homme et leurs plans futurs, puis ils sont isolés chacun dans une pièce. Un autre agent de sécurité demande qui est l’organisateur de la manifestation de quartier Maatallah et si Hassan est impliqué. Cet interrogatoire a duré plus de 2 heures. La nuit se passe entre le couloir et la salle d’interrogatoire, sans couverture. Les gardiens les empêchent de dormir en leur donnant régulièrement des coups de pieds. Le 16 à 19 h du même jour, l’officier Anouch revient les informer qu’ils vont être libérés tout de suite, « mais il nous a d’abord interdit de publier quoi que ce soit sur Internet en nous menaçant. »
-Le 19 juillet 2010 au matin, Hassan est arrêté par les autorités marocaines. De nombreux citoyens sahraouis avaient l’intention d’assister à la réception donnée en l’honneur des onze militants sahraouis des droits de l’homme de retour d’une visite aux camps de réfugiés sahraouis en Algérie. Ordre a été donné aux forces de sécurité et aux forces auxiliaires d’intervenir contre eux. La police marocaine fait usage d’insultes et des coups de matraque et autres violences. Hassan fait partie des nombreux blessés.
.
- Le 03 août 2010 Hassan témoigne :
«
Nous venions de Casablanca, après un vol en provenance d’Alger. L’avion dans
lequel nous étions, a atterri à 20h à l’aéroport de l’El-Aaiun, au Sahara
occidental..
L’aéroport était rempli
d’hommes des renseignements généraux et de policiers en civil. Ils ont accéléré
les procédures avec le reste des passagers. Tout a duré très longtemps pour
nous.
Ils nous ont isolés un par
un, fait déshabiller et fouillé, y compris dans nos chaussures. J’avais acheté
des chaussures neuves en Algérie, et ils ont été très intéressés. Ils m’ont
demandé si c’était Mohamed Abdelaziz (ndt : président de la république arabe
sahraouie démocratique) qui me les avaient données. C’était comme des questions
qui n’étaient pas dans la réalité.
En sortant vers 23h, nous
avons trouvé devant l’aéroport les militants Brahim Sabar, Hassana Alouat et
Mohammed Rashid N’dour. Ils devaient nous conduire dans leurs voitures vers le
lieu de réception. Quand nous sommes arrivés, nous avons fait le signe de la
victoire en descendant de voiture.
Les forces de police ont
considéré ça comme une provocation, et ils nous ont attaqués. J’ai été la
première cible, accompagné de Mme Khaddjto. Elle a été frappée à la tête et a
perdu connaissance. J’ai été roué de coups par sept personnes et j’ai perdu
connaissance aussi.
Je me suis réveillé dans ma
maison, il y avait des cris et des hurlements, et des pierres pénétraient par
les fenêtres. C’est la police qui les jetait. La pression est montée quand la
rumeur a circulé qu’un policier avait été poignardé par une personne présente
dans la maison.
Vers 3h du matin, j’ai décidé
de partir en compagnie de Mohammed Manolo. Quand je suis sorti de la maison, et
j’ai été entouré par un grand nombre de policiers en civil. Quatre d’entre eux
me prenaient en photos.
J’ai été menotté, et on m’a
bandé les yeux avec un chiffon qui sentait l’urine. Puis ils m’ont forcé à
monter dans une voiture de police, et sans parler ils ont commencé à me frapper,
gifler, coups de pied, avant de m’amener à la préfecture de police. J’ai su que
j’étais au siège de la préfecture parce que j’ai vu le sol et les escaliers en
baissant les yeux sous le tissu.
Ils m’ont emmené dans une
pièce, et j’ai senti qu’il y avait beaucoup d’hommes avant qu’ils commencent à
me poser des questions. Ils m’ont demandé si c’est moi qui avais donné le coup
de couteau au policier, puis qui avait donné un coup de couteau au policier, et
combien le front Polisario a payé pour faire ça ? J’ai été surpris par les
questions que j’ai trouvées étrange, alors que c’est moi qui recevais des coups
sans raison.
Ils m’ont menacé de me forcer
à m’asseoir sur une bouteille en verre, ensuite ils ont ligoté mes mains devant
mes tibias. Ils ont passé un bâton sous mes genoux pliés et par-dessus mes
bras.
Ils m’ont suspendu en
hauteur. J’avais la tête en bas (les policiers appellent ça « poulet rôti »).
Ils m’ont frappé pendant qu’ils répétaient les mêmes questions : qui a poignardé
le policier ?
Ils ont dit qu’ils avaient
des preuves photographiques que c’était moi. Je leur ai dit que s’ils avaient
des preuves qu’ils les donnent.
Ensuite ils ont versé de
l’eau sale sur moi. Ça a coulé jusqu’à ma bouche et mon nez, jusqu’à ce que je
me sente étouffer. La torture a duré deux heures, je pense. A ce moment, j’ai
dit « arrêtez, arrêtez, je vais dire la vérité ». Un chef a donné l’ordre de me
changer de position et ils m’ont descendu sur le sol. J’ai demandé qu’ils
enlèvent le bandeau de mes yeux.
Ils l’ont fait et j’ai vu
qu’il y avait une vingtaine d’officiers. J’ai désigné du doigt un homme parmi
eux et j’ai dit « c’est lui. C’est lui qui a poignardé le policier ». Ils ont
été énervés, et ils ont remis le bandeau sur mes yeux et ont menotté mes mains
dans mon dos.
Je suis resté dans cette
position, de 6 heures du matin jusqu’à 1 heure de l’après midi. Toutes les dix
minutes les policiers me frappaient pour m’empêcher de dormir. Je leur ai
demandé un peu d’eau et à manger parce que j’avais faim et soif. Ils m’ont dit
qu’il n’y a pas d’eau, ni à manger pour les
Polisarios.
Puis l’un d’entre eux est
venu pour m’accompagner dans un bureau. Ils voulaient que je signe le procès
verbal sans le lire. J’ai refusé. Ils ont retiré le bandeau de sur mes yeux.
J’ai lu le procès verbal et je l’ai signé parce que j’étais d’accord avec la
façon dont ils avaient écrit mes déclarations. Ils m’ont fait signer 17
fois.
J’ai ensuite été accompagné
dans une autre pièce, dans les mêmes conditions qu’avant. Sur le sol, menotté et
les yeux bandés. Ils m’ont libéré et dit de partir vers
21h.
Sources : Documents de l’ ASVDH et Agoravox (le
témoignage)
Pourquoi ces lourdes peines ?
Début octobre 2010, quelques jeunes
Sahraouis, exaspérés par leur vie de sous-citoyens sans cesse réprimés par le
colonisateur marocain, ont monté les premières tentes à Gdeim Izik, à une
trentaine de km d’El Aaiun, en territoire occupé, en signe de protestation. D’autres Sahraouis se sont
joints à eux et c’est bientôt un énorme campement de plus de 4000 tentes et de
plus de 20 000 personnes, hommes, femmes enfants, bébés, qui
s’étend à perte de vue dans cette partie du désert. Un formidable espoir gagne
la population sahraouie. Un camp tour à tour appelé camp de protestation, camp
de l’espoir, puis camp de la liberté et de
l’indépendance…
Mais le 8 novembre au milieu de la nuit, l’armée et
toutes les forces de police marocaine démantèlent le camp avec une
violence inouïe : gaz lacrymogènes, aspersion à l’eau chaude, sirènes,
hélicoptères sèment la panique…. On apprend que des militaires ont été tués. 24
Sahraouis sont arrêtés, pour la plupart des militants des droits de l’Homme,
présents ou pas au moment des évènements.
Pas des
tueurs. Hassan en fait partie.
Ils restent plus de 2 ans en détention préventive à
Salé, fréquemment torturés pour arracher des aveux de crimes qu’ils n’ont pas
commis. Jugés sous juridiction militaire. Le verdict, préparé d’avance, sans
rapport avec les plaidoiries qui affirment le manque total de preuves, tombe
comme une bombe. De lourdes peines allant de 20 ans de prison à perpétuité.
Hassan est condamné à 30 ans de prison.
Le 17 novembre 2012 l’ASDHOM
lance une campagne de parrainages de prisonniers
politiques. 67 prisonniers sont maintenant parrainés (sur 177 à parrainer) C’est ainsi que
je suis devenue « marraine » de Hassan Dah. Je lui ai écrit plusieurs fois, j’ai
eu la chance de recevoir une réponse, grâce à un réseau d’amis : il se
dit« inébranlable en dépit de la condamnation injuste et des
honteuses exactions que nous recevons ici.»... Il « remercie une
fois de plus pour le message encourageant »
J'encourage
tous les militants des droits de l'Homme à prendre contact avec
l'ASDHOM pour demander à parrainer un des ces jeunes hommes pour leur
envoyer des bouffées d'espoir et d'amitié.
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