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samedi 30 mars 2013

Hassan, 26 ans, un prisonnier politique sahraoui parmi d'autres, condamné à 30 ans de détention lors du procès de Gdeim Izik.

« La torture, c’était il y a 20 ou 30 ans… »  Abdelillah Benkirane, chef du gouvernement marocain

Par M-J F Solidmar, 27/3/2013

 Né le 18 janvier 1987 à El Aaiun au Sahara Occidental Hassan Dah est un militant de droits de l'Homme  pour le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui. Ce n’est pas la première fois qu’il se fait arrêter, torturer et jeter en prison. A partir de 18 ans il est souvent victime de répression. Voici quelques unes de ses arrestations :
 - En 2007 il a été enlevé chez lui  par la police, pendant son sommeil. Avec d’autres militants ils sont torturés à l’électricité, les yeux bandés et laissés sans habits sur le sol par la police qui verse de temps à autre de l’eau sur eux. Ils sont contraints de signer le procès verbal sans pouvoir connaitre ce qui est écris dessus, sous menace de viol. Ils refusent de répondre aux questions du juge sans présence de leur défense, ce qui a obligé le juge de les faire retourner à la prison.

Le 15 septembre 2009, Hassan est avec un groupe d’amis membres de l’Observatoire des droits de l’Homme, un groupe de policiers descend de voiture et se jette  sur eux, en les battant sans raison ni explication. Les yeux bandés ils sont emmenés en voiture, puis encore frappés violemment pendant une demi-heure. A la Willaya de sécurité un autre groupe de policiers, sous les coups et les insultes, les  interroge sur leur affiliation à l’Observatoire Sahraoui des droits de l’homme et leurs plans futurs, puis ils sont isolés chacun dans une pièce. Un autre agent de sécurité demande qui est l’organisateur de la manifestation de quartier Maatallah et si Hassan est  impliqué. Cet interrogatoire a duré plus de 2 heures. La nuit se passe entre le couloir et la salle d’interrogatoire, sans couverture. Les gardiens les empêchent de dormir en leur donnant régulièrement des coups de pieds. Le 16 à 19 h du même jour, l’officier Anouch revient les informer qu’ils vont être libérés tout de suite, « mais il nous a d’abord interdit de publier quoi que ce soit sur Internet en nous menaçant. »

-Le 19 juillet 2010 au matin, Hassan est arrêté par les autorités marocaines. De nombreux citoyens sahraouis avaient l’intention d’assister à la réception donnée en l’honneur des onze militants sahraouis des droits de l’homme de retour d’une visite aux camps de réfugiés sahraouis en Algérie. Ordre a été donné aux forces de sécurité et aux forces auxiliaires d’intervenir contre eux. La police marocaine fait usage d’insultes et des coups de matraque et autres violences. Hassan fait partie des nombreux blessés.
 .

- Le 03 août 2010 Hassan témoigne :

« Nous venions de Casablanca, après un vol en provenance d’Alger. L’avion dans lequel nous étions, a atterri à 20h à l’aéroport de l’El-Aaiun, au Sahara occidental..
L’aéroport était rempli d’hommes des renseignements généraux et de policiers en civil. Ils ont accéléré les procédures avec le reste des passagers. Tout a duré très longtemps pour nous.
Ils nous ont isolés un par un, fait déshabiller et fouillé, y compris dans nos chaussures. J’avais acheté des chaussures neuves en Algérie, et ils ont été très intéressés. Ils m’ont demandé si c’était Mohamed Abdelaziz (ndt : président de la république arabe sahraouie démocratique) qui me les avaient données. C’était comme des questions qui n’étaient pas dans la réalité.
En sortant vers 23h, nous avons trouvé devant l’aéroport les militants Brahim Sabar, Hassana Alouat et Mohammed Rashid N’dour. Ils devaient nous conduire dans leurs voitures vers le lieu de réception. Quand nous sommes arrivés, nous avons fait le signe de la victoire en descendant de voiture.
Les forces de police ont considéré ça comme une provocation, et ils nous ont attaqués. J’ai été la première cible, accompagné de Mme Khaddjto. Elle a été frappée à la tête et a perdu connaissance. J’ai été roué de coups par sept personnes et j’ai perdu connaissance aussi.
Je me suis réveillé dans ma maison, il y avait des cris et des hurlements, et des pierres pénétraient par les fenêtres. C’est la police qui les jetait. La pression est montée quand la rumeur a circulé qu’un policier avait été poignardé par une personne présente dans la maison.
Vers 3h du matin, j’ai décidé de partir en compagnie de Mohammed Manolo. Quand je suis sorti de la maison, et j’ai été entouré par un grand nombre de policiers en civil. Quatre d’entre eux me prenaient en photos.
J’ai été menotté, et on m’a bandé les yeux avec un chiffon qui sentait l’urine. Puis ils m’ont forcé à monter dans une voiture de police, et sans parler ils ont commencé à me frapper, gifler, coups de pied, avant de m’amener à la préfecture de police. J’ai su que j’étais au siège de la préfecture parce que j’ai vu le sol et les escaliers en baissant les yeux sous le tissu.
Ils m’ont emmené dans une pièce, et j’ai senti qu’il y avait beaucoup d’hommes avant qu’ils commencent à me poser des questions. Ils m’ont demandé si c’est moi qui avais donné le coup de couteau au policier, puis qui avait donné un coup de couteau au policier, et combien le front Polisario a payé pour faire ça ? J’ai été surpris par les questions que j’ai trouvées étrange, alors que c’est moi qui recevais des coups sans raison.
Ils m’ont menacé de me forcer à m’asseoir sur une bouteille en verre, ensuite ils ont ligoté mes mains devant mes tibias. Ils ont passé un bâton sous mes genoux pliés et par-dessus mes bras.
Ils m’ont suspendu en hauteur. J’avais la tête en bas (les policiers appellent ça « poulet rôti »). Ils m’ont frappé pendant qu’ils répétaient les mêmes questions : qui a poignardé le policier ?
Ils ont dit qu’ils avaient des preuves photographiques que c’était moi. Je leur ai dit que s’ils avaient des preuves qu’ils les donnent.
Ensuite ils ont versé de l’eau sale sur moi. Ça a coulé jusqu’à ma bouche et mon nez, jusqu’à ce que je me sente étouffer. La torture a duré deux heures, je pense. A ce moment, j’ai dit « arrêtez, arrêtez, je vais dire la vérité ». Un chef a donné l’ordre de me changer de position et ils m’ont descendu sur le sol. J’ai demandé qu’ils enlèvent le bandeau de mes yeux.
Ils l’ont fait et j’ai vu qu’il y avait une vingtaine d’officiers. J’ai désigné du doigt un homme parmi eux et j’ai dit « c’est lui. C’est lui qui a poignardé le policier ». Ils ont été énervés, et ils ont remis le bandeau sur mes yeux et ont menotté mes mains dans mon dos.
Je suis resté dans cette position, de 6 heures du matin jusqu’à 1 heure de l’après midi. Toutes les dix minutes les policiers me frappaient pour m’empêcher de dormir. Je leur ai demandé un peu d’eau et à manger parce que j’avais faim et soif. Ils m’ont dit qu’il n’y a pas d’eau, ni à manger pour les Polisarios.
Puis l’un d’entre eux est venu pour m’accompagner dans un bureau. Ils voulaient que je signe le procès verbal sans le lire. J’ai refusé. Ils ont retiré le bandeau de sur mes yeux. J’ai lu le procès verbal et je l’ai signé parce que j’étais d’accord avec la façon dont ils avaient écrit mes déclarations. Ils m’ont fait signer 17 fois.
J’ai ensuite été accompagné dans une autre pièce, dans les mêmes conditions qu’avant. Sur le sol, menotté et les yeux bandés. Ils m’ont libéré et dit de partir vers 21h.
Sources : Documents de l’ ASVDH et Agoravox (le témoignage)

Pourquoi ces lourdes peines ?
Début octobre  2010, quelques jeunes Sahraouis, exaspérés par leur vie de sous-citoyens sans cesse réprimés par le colonisateur marocain, ont monté les premières tentes à Gdeim Izik, à une trentaine de km d’El Aaiun, en territoire occupé, en signe de protestation. D’autres Sahraouis se sont joints à eux et c’est bientôt un énorme campement de plus de 4000 tentes et de plus de 20 000 personnes, hommes, femmes enfants, bébés, qui s’étend à perte de vue dans cette partie du désert. Un formidable espoir gagne la population sahraouie. Un camp tour à tour appelé camp de protestation, camp de l’espoir, puis camp de la liberté et de l’indépendance…
Mais le 8 novembre au milieu de la nuit, l’armée et toutes les forces de police marocaine démantèlent  le camp avec une violence inouïe : gaz lacrymogènes, aspersion à l’eau chaude, sirènes, hélicoptères sèment la panique…. On apprend que des militaires ont été tués. 24 Sahraouis sont arrêtés, pour la plupart des militants des droits de l’Homme, présents ou pas au moment des évènements.
 Pas des tueurs. Hassan en fait partie.
Ils restent plus de 2 ans en détention préventive à Salé, fréquemment torturés pour arracher des aveux de crimes qu’ils n’ont pas commis. Jugés  sous juridiction  militaire. Le verdict, préparé d’avance, sans rapport avec les plaidoiries qui affirment le manque total de preuves, tombe comme une bombe. De lourdes peines allant de 20 ans de prison à perpétuité. Hassan est condamné à 30 ans de prison.
Le 17 novembre 2012  l’ASDHOM   lance  une campagne de parrainages de prisonniers politiques. 67 prisonniers sont maintenant parrainés (sur 177 à parrainer) C’est ainsi que je suis devenue « marraine » de Hassan Dah. Je lui ai écrit plusieurs fois, j’ai eu la chance de recevoir une réponse, grâce à un réseau d’amis : il se dit« inébranlable en dépit de la condamnation injuste et des honteuses exactions que nous recevons ici.»... Il « remercie une fois de plus pour le message encourageant » 
J'encourage tous les militants des droits de l'Homme à prendre contact avec l'ASDHOM pour demander à parrainer un des ces jeunes hommes pour leur envoyer des bouffées d'espoir et d'amitié.

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