Par RITIMO, 12 mars 2013
La CISPM (Coalition internationale des Sans-papiers et Migrants)
appelle tous les mouvements et collectifs de Sans-papiers et Migrants
d’Europe, ainsi que les associations de migrants subsahariens arrivés ou
installés au Maghreb, à réaliser ensemble leur participation active au
FSM (Forum Social Mondial) de Tunis, qui se tiendra du 26 au 30 mars
2013. Pour cet évènement, une Caravane sera formée, qui partira de
Berlin, à laquelle se joindront, au fur et à mesure de son passage, les
diverses délégations, allemande, belge, française, suisse, italienne,
espagnole, pour arriver à Tunis après la traversée de la Méditerranée en
bateau.
De leur côté, des représentants de l’Association Diel (Droits ici et
Là-bas) partiront du Mali, de la Côte d’Ivoire et de Mauritanie pour
converger par avion vers Tunis. En 2011, le Ministère de la
régularisation de tous les Sans-papiers a participé au FSM de Dakar,
consacré en particulier à la Charte Mondiale de Migrants. En 2013 à
Tunis, le thème fédérateur du FSM est la DIGNITE. Il va de soi que nous
sommes vivement concernés. Et c’est pourquoi, si nous voulons rejoindre
le FSM de Tunis par bateau, c’est parce que cette traversée des
frontières maritimes sera pour nous tout un symbole. Elle sera le moyen
de dénoncer les drames affreux auxquels ont conduit les politiques de
collaboration des Etats européens et subméditerranéens dans leur chasse
aux migrants : entre 1993 et 2012, de Gibraltar jusqu’aux rivages grecs,
près de 12 000 morts par noyade. Faire le parcours inverse, de l’Europe
vers la Tunisie sera le moment d’affirmer haut et fort ce qu’exige la
reconnaissance de la dignité de chaque être humain, sans aucune
distinction : le respect de sa liberté (en l’occurrence ici son pouvoir
de circuler librement) et de sa sécurité (le droit de s’installer dans
le pays de son choix). Cette traversée sera une nouvelle étape pour
manifester notre solidarité internationale à tou-te-s tous les
migran-te-s, forcés à l’exil par la mondialisation au péril de leur vie,
et dans cette épreuve aussitôt poursuivis comme délinquants au mépris
de leur humanité.
En entreprenant notre participation au FSM de Tunis, s’ouvre une
nouvelle étape d’une longue Marche des Sans-papiers et migrants pour
leur émancipation, qui a commencé, pour l’Europe en 1996
à Paris, à St Bernard, lorsque les Sans-papiers ont décidé de prendre
leurs affaires en main, sont sortis de la peur et de la clandestinité
pour réclamer leurs droits fondamentaux. Longue marche au quotidien
ponctuée ces dernières années par des moments forts.
Mai 2010 : Paris-Nice à pied pour interpeller la Françafrique.
Février 2011 :
Caravane au FSM de Dakar, pour inscrire la problématique des
Sans-papiers en bonne place dans la liste des injustices à combattre
avec la plus farouche détermination.
Juin 2012, Marche
européenne des Sans-papiers et des Migrants, afin de se réapproprier
concrètement en traversant 9 frontières la liberté de circulation et
d’installation, pourtant proclamée comme un droit fondamental de l’homme
dans la Déclaration universelle des droits de 1948, et porter cette
revendication auprès du Parlement européen. Nul doute que l’hospitalité
accordée au FSM par la Tunisie, en ce moment opportun de son invention
démocratique, donnera force et audace aux réflexions, débats et
décisions de ce Forum mondial.
Les thématiques retenues par le Forum font pratiquement toutes écho
de manière précise aux préoccupations des Sans-papiers et Migrants. De
toute évidence, parmi les 11 axes de recherche proposés, nous nous
devons d’être très présents dans le travail portant sur l’axe 5 de ces
thématiques : « Pour la liberté de circulation et d’établissement de
toutes et de tous, plus particulièrement des migrants et chercheurs
d’asile, des personnes victimes du trafic humain, des réfugiés, des
peuples indigènes, originaires, autochtones, traditionnels et natifs,
des minorités, de peuples sous occupation, des peuples en situation de
guerre et conflits et pour le respect de leurs droits civils,
politiques, économiques, sociaux, culturels et environnementaux ».
Les
dix autres axes, plus généralistes sont tout aussi passionnants, et
devraient retenir toute notre attention. Cependant, nous pouvons penser
que notre apport sera précieux en expérience sur ce qui est pointé par
le FALDI (Forum des Associations des Luttes Démocratiques de
l’Immigration) qui prépare le rendez-vous de Tunis dans l’objectif de
montrer que « la question de l’immigration est un enjeu planétaire qui
bouscule les notions de frontières, de souveraineté et de citoyenneté et
doit être une des thématiques centrales du FSM-Tunis 2013 « . Même si
le Faldi semble vouloir s’intéresser en priorité aux conséquences de
cette mondialisation de l’émigration sur les pays du Maghreb, il
n’empêche que les ateliers proposés visent des questions qui nous sont
familières touchant à notre quotidien : racket des Sans-papiers, femmes
migrantes, vieux migrants, migrations et développement, racisme et
discriminations ici et là-bas, interculturalité. Nous nous efforcerons
d’y apporter l’expérience et l’expertise de la voix des Sans-papiers.
Surtout, nous voudrons rappeler, au cours de ces rencontres et de ces
ateliers, l’essentiel de nos analyses et de nos revendications qui,
selon nous, ont vocation à être présentées et discutées de manière
plénière, car même si elles sont issues d’une lutte qui se déroule en
France et en Europe, ses conditions et ses objectifs peuvent prétendre à
une certaine universalité pour l’amélioration de la condition globale
des Sans-papiers et des Migrants dans le monde. Il ne s’agit pas
seulement de décider de quelques mesures ici ou là, mais de changer
radicalement de vision du monde. Si nous nous en tenons aux grandes
lignes :
- nous déclarons la légitimité du droit à la libre circulation et à la libre installation
- nous dénonçons l’inhumanité des lieux d’enfermement pour les Sans-papiers et les demandeurs d’asile, et réclamerons leur fermeture
- nous réclamons l’arrêt des expulsions du pays d’accueil et des zones extraterritoriales destinées à l’externalisation des expulsions hors de l’Europe
- nous demandons, comme nous le faisons depuis de nombreuses années, la régularisation de tous les Sans-papiers dans un dispositif pérenne (la carte de 10 ans pour la réalisation d’une intégration réussie) et la réduction des taxes afférentes
- nous appelons à la promulgation du droit de vote et de l’éligibilité à toutes les élections pour les migrants régularisés
- nous exigeons le respect inconditionnel du droit d’asile nous affirmons l’égalité entre nationaux et migrants (accès au travail, à la santé, à l’éducation, à la culture. En particulier accès à tous les métiers selon les compétences, lutte contre la dé(dis)qualification professionnelle des migrants).
Ces 7 points représentent nos fondamentaux et nos raisons de lutter.
Le FSM de Tunis sera l’opportunité d’en affûter les arguments dans les
débats auxquels nous ne manquerons pas de participer, comme nous l’avons
fait en février 2011 à Dakar.
Par ailleurs, nous nous souvenons que lorsque, en juin de cette
année, au terme de la Marche européenne des Sans papiers et Migrants,
nous fûmes reçus à Strasbourg par les parlementaires européens, ils
évoquèrent le projet européen d’une refonte démocratique des conditions
de l’émigration entre les deux rives, dont la Tunisie, du fait de sa
récente révolution, serait le premier laboratoire, et dont les
résultats, s’ils sont satisfaisants, pourraient être étendus à une
nouvelle politique de voisinage et à une relance de l’union
méditerranéenne. Nous aurons ainsi à coeur, par le relais du FSM, de
demander au Parlement européen des nouvelles des avancées de ce projet
qui, à terme, pourrait concerner aussi bien toute la zone subsaharienne.
En pratique, notre Caravane pourrait se composer d’une cinquantaine
de personnes, en souhaitant qu’en plus des représentants des collectifs
déjà membres de la CISPM, nous rejoignent des délégués de nouveaux
adhérents, en particulier venus d’Espagne et de Grèce, deux pays aux
frontières de l’Espace Schengen, et en tant que tels, voués à
l’externalisation des procédures d’expulsion et à la rétention massive
des entrants.
Ce à quoi nous tenons le plus, c’est à la présence dans la Caravane de
Sans-papiers pour qui obtenir un visa pour se rendre au FSM de Tunis et
en revenir sera un défi pour notre mouvement : comme nous l’avons fait
lors de la Marche européenne, démontrer que les frontières ne sont « pas
des murs mais des ponts ».
Enfin nous voulons aussi contribuer à l’extension du FSM en appelant les
associations, les syndicats, les travailleurs, les retraités, les
étudiants, les mouvements sociaux, les partis, les indignés, tous les
citoyens à rejoindre et soutenir par tous les moyens possible les
préoccupations et interrogations du FSM durant la période de son
déroulement, du 26 au 30 mars 2013.
A Tunis, notre projet est de proposer la tenue d’une séance plénière
sur le thème de « la liberté de circulation et d’installation pour
tous » et de réaliser sur le même thème la première Manifestation
mondiale, le 29 mars 2013, sur un parcours tunisien qui reste à accorder
avec les organisateurs du FSM.
Tous ensemble à Tunis, d’une manière ou d’une autre !
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