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mardi 26 mars 2013

On ne voit ça qu'au Maroc ! Un pantalon baissé empoisonne les relations algéro-marocaines


Pendant la deuxième semaine de février, deux gamins, en marge d’un événement sportif, se chamaillent. Par surprise, celui de 12 ans baisse le pantalon de celui de 14 ans, qui le prend mal et fait de même en retour.
Le plus jeune en parle à son père au téléphone, et évoque des attouchements. Normalement, une telle affaire devrait se terminer par une sérieuse explication avec les deux enfants.

Mais nous sommes au Maroc, à Agadir ; l’adolescent de 14 ans est algérien ; le père du plus jeune est un ancien officier des forces royales marocaines.
Ce dernier a porté plainte pour agression sexuelle. Le jeune Algérien, Islam K., a été arrêté le 11 février. Il a été jugé mardi dernier par un tribunal pour enfants. Il a écopé d’un an de prison ferme. Vous avez bien lu : un an de prison. Son père a fait appel.
Tous les ingrédients sont là pour réveiller les tensions entre les deux nations.

« C’était uniquement pour rigoler »

L’adolescent algérien était parti à Agadir pour participer à un stage de voile mettant en compétition les jeunes champions des deux pays. L’altercation avec le jeune Marocain a eu lieu dans une chambre de l’hôtel Marhaba, à quelques pas de la plage.
Voici comment le jeune prisonnier l’a racontée au quotidien tabloïd algérien Echorouk :
Des bateaux sur une plage d’Agadir au Maroc,
 (Picture Colour L/SUPERSTOCK/SIPA
« Ce jour-là, nous étions de retour de la mer après une baignade. Nous avions pris un bain mes amis et moi… Lorsque je me mettais à lacer mes chaussures, l’enfant marocain “F.” qui était entré dans notre chambre m’a baissé le pantalon.
C’est ce qui m’a poussé de lui rendre pareil [sic]. Mon compatriote [de 12 ans, qui n’a pas été condamné, ndlr] et moi avons baissé son pantalon. C’était uniquement pour rigoler, pas pour autre chose ».

Les médias algériens scandalisés

Les Algériens se mobilisent en faveur de l’adolescent, sur Facebook, depuis son arrestation. Le verdict du tribunal pour enfants a soulevé un tollé dans les journaux algériens. El Watan a publié un article intitulé : « Islam, 14 ans, ou le scandale d’un verdict », puis un autre pour critiquer l’attitude des autorités algériennes : « Affaire Islam K.  : les officiels algériens ont failli ». Mais les autorités du pays sont extrêmement discrètes sur cette affaire, se bornant à souhaiter un dénouement heureux, en appel, et à promettre une assistance consulaire.
Si les autorités algériennes se taisent, analysent les journaux, c’est parce qu’elles ne veulent pas aggraver les relations difficiles entre les deux pays, alors qu’une délicate tentative de résolution du conflit sur le Sahara occidental est en cours.

Victime collatérale de la situation au Sahel

Cette question empoisonne les relations entre les deux pays depuis des décennies. La crise au Mali – et la situation au Sahel en général – rend la recherche d’une solution plus urgente encore.
Le premier ministre marocain, Abdelilah Benkirane a récemment ulcéré l’Algérie en accusant cette dernière d’être responsable de l’impasse actuelle dans la région.
En 1984, le Maroc avait quitté l’Organisation de l’unité africaine (OUA) à la suite de la reconnaissance, par l’organisation, de la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Il n’est jamais retourné dans l’organisation, et vit très mal ce retrait. Il occupe 80% du territoire revendiqué par la RASD, et n’est disposé qu’à accorder un statut d’autonomie à ce qu’il considère comme ses « provinces du sud ».
L’ancien ambassadeur américain à Alger, Christopher Ross, est actuellement chargé d’une médiation par le secrétaire général des Nations unies pour le Sahara. Il estime que, compte tenu de la volatilité au Sahel, il est urgent de régler cette vieille querelle. Il rendra son rapport le 8 avril et le Conseil de sécurité des Nations unies se penchera sur la question le 22.
En attendant, mardi dernier, le jeune Islam, champion d’Afrique d’Optimist, a fêté son quinzième anniversaire derrière les barreaux, dans le centre de détention pour mineurs d’Agadir.
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Par Azzeddine Khoualed. Père d’Islam, l’enfant détenu au Maroc

«Les avocats ont prouvé que les faits reprochés à mon fils sont infondés»

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Par Salima Tlemçani,El Watan  25.03.13
- Vous avez assisté au procès de votre fils Islam, à Agadir, au Maroc. Pouvons-nous savoir ce qui s’est passé à l’audience ?

Ce procès avait été reporté de quelques jours avant qu’il ne se tienne, mercredi dernier, à huis clos. J’étais avec l’avocat constitué par la famille, maître Khaled Selam, ainsi que le bâtonnier marocain, maître Chahbi, auquel a fait appel notre consulat. A ce titre, je tiens à remercier nos diplomates ainsi que les membres de la Fédération de voile pour leurs efforts et leur soutien. Cela étant, la veille du procès, nous avions tenu une réunion pour préparer le dossier. Deux autres avocats avaient été constitués par le réseau Nada sans que j’en sois informé. Personne n’a demandé mon avis. L’un d’eux est venu la veille du procès et je lui ai bien expliqué que les seuls avocats habilités à défendre mon fils sont maîtres Selam et Chahbi. J’ai refusé qu’il plaide à leur place ou avec eux. Le lendemain matin, nous nous sommes retrouvés au tribunal.


- Etiez-vous confiant ?

Bien sûr. Le dossier était bien ficelé. Les avocats ont bien travaillé. Mon fils est arrivé avec la directrice du centre*. Le plaignant n’est pas venu, il était représenté par son père et sa mère ainsi que ses avocats. Le juge a commencé à poser des questions à mon fils. Celui-ci s’est bien défendu. Il a récusé les accusations en expliquant qu’il n’a fait que jouer avec le plaignant. Le procureur du roi a requis la peine maximale de 20 ans de prison ferme en précisant que la décision du tribunal devait être exemplaire.
Les avocats d’Islam ont bien plaidé. Se basant sur une enquête sociale, les très bons résultats scolaires obtenus par mon fils ainsi que les  récompenses qu’il a décrochées tout au long de sa scolarité, les avocats ont très bien plaidé. Ils ont démontré que les faits reprochés à Islam ne reposaient sur rien. Après un débat de deux heures, le juge a mis l’affaire en délibéré et nous a dit que sa décision allait être donnée en fin d’après-midi.
Nous avons quitté le tribunal. Mon fils est parti au centre accompagné par la directrice. Dans l’après-midi, à notre retour, celle-ci est venue, affolée, avec Islam et un autre garçon de son âge. Elle est montée voir le procureur.
C’est là que nous avons entendu parler d’une bagarre, sans pour autant avoir les détails. J’ai pris Islam à part et je lui ai demandé de me dire ce qui s’était passé. Il m’a raconté qu’à son retour au centre, il était assis et l’un de ses codétenus lui a jeté une pierre. Il a fait semblant de se lever pour le rattraper, l’agresseur en prenant la fuite a trébuché. La chute lui a causé une légère ouverture au menton. Je me suis approché du garçon, il avait un petit pansement au menton. Je l’ai questionné sur ce qui s’était passé, il m’a affirmé être tombé seul en courant. J’ai demandé à la directrice pourquoi elle avait fait autant de bruit autour d’une simple affaire. Elle m’a déclaré qu’elle était obligée d’informer les autorités judiciaires et de faire un rapport sur l’incident. Elle m’a avoué que le contenu du rapport qu’elle établira ne sera pas en défaveur d’Islam. J’ai entendu dire qu’effectivement, son rapport relatait la vérité.


- Mais alors, pourquoi une telle condamnation ?

Je ne peux pas dire si oui ou non cette condamnation est liée à l’incident. Ce qui est certain, c’est que la peine nous a terrassés. Nous ne nous attendions pas à une telle décision. Nous étions rassurés et confiants. Même les avocats ont été surpris. Nous avons fait appel et nous espérons que lors du prochain procès, dont la date sera fixée cette semaine, la décision sera plus clémente. Je me demande si les déclarations de certains responsables sur la justice marocaine ne sont pas derrière cette peine.

- De qui voulez-vous parler ?

Je vise les dirigeants du réseau Nada, qui se sont attaqués à la justice marocaine et au Maroc. De tels propos ont porté préjudice aux efforts consentis pour faire libérer Islam. J’ai lu leurs déclarations dans la presse.
Ils ont même affirmé avoir négocié avec le père du plaignant pour qu’il retire sa plainte. Or, ce dernier a non seulement nié, mais aussi affirmé qu’il tenait à son affaire. Il a déclaré publiquement qu’il faisait confiance à la justice de son pays. Avec du recul, je crois que ce sont ces déclarations qui sont à l’origine du revirement du juge. Ils ont dit que les avocats n’étaient pas à la hauteur. Et les avocats qu’ils ont dépêchés l’étaient-ils ? Notre défense a bien fait son travail et la décision revient au juge…

- Comment la presse locale a-t-elle traité le sujet ?

A part les premiers articles à travers lesquels mon fils a été présenté comme un violeur et un délinquant sexuel, il n’y a pas eu d’autre écrit jusqu’à l’incident dans l’enceinte du centre de détention. Ils ont parlé d’une nouvelle affaire contre Islam pour violence physique contre un détenu. Mais rien d’autre.


- Quelle a été la réaction d’Islam ?

Il est traumatisé. Je l’ai vu le lendemain. Il ne faisait que pleurer. Il a beaucoup maigri. Il s’est replié sur lui-même et les rares moments où il me parle, c’est pour me poser des questions sur son devenir, sa scolarité, sur ses camarades, s’ils ont passé leurs compositions, s’ils sont en vacances...
Il me parle aussi de sa mère et de ses frères et sœurs qui lui manquent terriblement. J’essaie de le réconforter, de lui remonter le moral, mais croyez-moi c’est difficile de faire comprendre à un enfant de 14 ans que sa présence en prison n’est qu’une question de temps. Cela fait un mois que j’ai abandonné mon travail, j’espère que cette histoire ne sera qu’un mauvais souvenir.
*centre de rétention pour mineurs

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