De Stockholm à Laayoune, au Sahara occidental, la distance est
moins grande qu'il n'y paraît sur une carte. La direction des fonds de
pension publics suédois, AP-Fonden, a annoncé lundi 30 septembre avoir
mis deux sociétés sur sa liste noire d'entreprises "non éthiques",
au motif que ces entreprises industrielles du secteur de la chimie,
l'australien Incitec Pivot et le canadien Potash, achètent du phosphate
extrait au Sahara occidental par une compagnie minière marocaine.
"Le conseil d'éthique discute avec les deux groupes depuis 2010
afin qu'ils cessent leur approvisionnement en phosphate depuis le Sahara
occidental ou qu'ils prouvent que le processus d'extraction est
conforme aux intérêts du peuple sahraoui", explique AP-Fonden dans
un communiqué cité par l'AFP. Quatre fonds de pension suédois ont, dans
la foulée, vendu leurs actions d'Incitec Pivot et Potash.
Un courant pro-Sahraoui particulier en Suède ?
"Le Sahara occidental est sous occupation marocaine depuis 1975
et est sur la liste des Nations unies de territoires non autonomes qui
relèvent de la décolonisation, justifie AP-Fonden, en exhumant pour
l'occasion un avis juridique du Conseil de sécurité de l'ONU qui avait
estimé, en 2002, que "l'exploitation des ressources minières au
Sahara occidental sans accord local enfreindrait le Pacte international
relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international
relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels". Le conseiller auteur de cet avis, à l'époque, était le Suédois Hans Corell.
En décembre 2012, c'était au tour du Parlement suédois de prendre
position dans un dossier aussi sensible et conflictuel que celui de
l'ancienne colonie espagnole qui oppose depuis des années le Maroc aux
indépendantistes sahraouis, et dans lequel les autres capitales
européennes se gardent bien d'intervenir. Une motion avait été adoptée
par plusieurs groupes d'opposition, de la gauche à l'extrême droite,
demandant au gouvernement suédois, sans succès, de reconnaître sans plus
tarder la "République arabe sahraouie démocratique comme Etat libre et indépendant". D'où cette question : existe-t-il un courant pro-Sahraoui particulier en Suède ?
Lobbying de plusieurs collectifs de soutien
La réponse tient sans doute à la présence depuis longtemps d'une
représentation sahraouie à Stockholm et au lobbying de plusieurs
collectifs de soutien, dont celui, en particulier, de Western Sahara
Resource Watch (WSRW). Depuis 2004, cette organisation, implantée en
Scandinavie, ainsi qu'en Hollande et au Royaume-Uni, milite activement
contre l'exploitation des ressources naturelles du Sahara occidental par
le Maroc, considéré comme un occupant et un exploitant illégal de ces
richesses.
Les actions de ses militants déterminés ont conduit plusieurs
compagnies étrangères à renoncer à des projets d'exploitation, comme les
entreprises norvégiennes TGS-Nopec (pétrole) en 2002, ou R-Bulk
(transport de phosphates) en 2008. "Les pays nordiques sont très branchés droits humains",
se réjouit Jean-Paul Le Marec, secrétaire de la plate-forme de
solidarité avec le peuple sahraoui en France. Or, les phosphates
représentent une rentrée en devises très importantes pour le Maroc,
troisième exportateur mondial, qui possède, après la Chine, les
deuxièmes plus grandes réserves de la planète, dont une partie se trouve
au Sahara occidental.
Sur place, la décision des fonds de pension suédois n'a été jusqu'ici
que très peu commentée. Mais Rabat, qui bénéficie du soutien de
plusieurs pays à commencer par celui de la France, pour son plan
d'autonomie au Sahara occidental, en lieu et place d'un référendum
d'auto-détermination, s'inquiète de plus en plus de l'influence
sahraouie en Europe du Nord. La prochaine bataille nord-sud pourrait se
jouer autour de la présentation, fin octobre, au Parlement de
Strasbourg, du rapport du Britannique Charles Tannock, sur les droits de
l'homme au Sahel et au Sahara occidental.
http://maghreb.blog.lemonde.fr/2013/10/01/des-fonds-de-pension-suedois-au-secours-du-sahara-occidental/
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