Rappelons qu’en quelques mois, nous avons emprisonné un artiste,
un journaliste, deux amoureux, libéré un pédophile, inventé un avion qui
ne vole pas et acheté un sous-marin.
Né en:1976 à Guercif.
Signe particulier :Marocain à tendance paranoïaque
Par Réda Allali , 25/10/2013
C’est un Zakaria Boualem circonspect qui vous accueille cette
semaine à l’extrémité de cet honorable magazine. Il vous fait grâce des
bienvenues et des bisous.
Surtout pas de bisous. Oui, parce que la
grande affaire de la semaine, vous le savez, c’est qu’on a estimé utile
d’emprisonner deux adolescents à Nador pour avoir posté sur Facebook une
photo de leurs bisous dans l’espace public. Précisons que cette
brillante initiative a été motivée par la plainte émanant d’une
association de défense des droits de l’homme. On ne sait pas exactement
de quel homme il s’agit, sans doute pas d’un jeune de Nador. Il y a une
prodigieuse charge de non-sens dans cette affaire, mais passons.
Les
gamins ont été libérés aussi soudainement qu’ils ont été emprisonnés.
N’essayez pas de comprendre, s’il vous plaît, vous risquez de vous
blesser le cerveau en essayant une torsion interdite ou quelque chose du
genre. Ne cherchez aucune logique, elle a foutu le camp depuis
longtemps, n’imaginez même pas de complots compliqués, on est juste en
roue libre. Faites plutôt comme notre héros, l’ombrageux Guercifi,
essayez de réfléchir aux questions suivantes.
Quelle place reste-t-il pour la fiction ?
Rappelons qu’en quelques mois, nous avons emprisonné un artiste, un
journaliste, deux amoureux, marié un violeur à sa victime qui s’est
suicidée, libéré un pédophile, planté lamentablement un changement
d’horaire, réclamé des Jeux Olympiques et une Coupe du Monde, inventé un
avion qui ne vole pas et acheté un sous-marin. Ceci est notre réalité.
Quel scénariste, quel romancier, quel créatif quelconque peut prétendre
rivaliser avec un foisonnement aussi prodigieux ? N’essayez même pas, la
réalité vous dépassera, personne ne peut imaginer pareil délire. Les
esprits grincheux se plaindront sans doute de cette production, Zakaria
Boualem préfère noter que notre système est un artiste. Il improvise,
c’est un feu d’artifice de créativité, oui nous sommes un pays jazz. Il
ne faut pas essayer de lutter contre la puissance de la réalité, encore
moins tenter de la comprendre, à la limite profiter du spectacle et la
commenter courageusement, ce qui nous amène à la seconde question.
Comment commenter sérieusement un truc aussi débile ?
Faut-il faire appel à la rationalité, proposer des arguments logiques,
guerroyer farouchement avec des gens qui trouvent tout cela normal ?
Comment gérer le risque de sombrer à son tour dans la folie ? C’est la
question de Kundera : comment répondre à quelqu’un qui vous explique
qu’il est un poisson ? Une association de défense des droits de l’homme
qui dénonce des gamins, comment qualifier cette chose ? Juste une étape
de plus dans ce pays qui produit aussi des communistes royalistes, des
dealers pieux, des rappeurs sécuritaires, etc. Comment lutter contre
tout ce monde, c’est impossible. Les standards de la logique sont donc à
mettre au placard. La vue de gens respectables commentant sans ricaner
un bisou est un spectacle lamentable. Mais ne pas le faire, c’est
risquer de laisser la chute s’accélérer. Zakaria Boualem n’a pas de
réponse à cette question, il oscille lui-même entre plusieurs attitudes,
il est comme tout le monde, un peu perdu.
Veulent-ils nous épuiser ?
C’est
une hypothèse parfaitement défendable. Dans ce cas, il faut alors
négocier. Se braquer, en faire une affaire d’honneur serait une terrible
erreur. Zakaria Boualem est donc prêt à plier bagages, abandonner ses
maigres biens, déguerpir à vive allure si on lui propose une alternative
acceptable – il n’est pas un homme difficile. En général, on est retenu
ici par la puissance de l’habitude et l’amour de ses proches. Il faut
donc tous partir d’un seul coup. Sans toutefois négliger le risque, si
on s’installe tous au même endroit, de reproduire notre bordel ailleurs
sur la planète. Encore une fois, il faut négocier. Voilà, vous êtes
prévenus. Il attend un signe de votre part, et merci.
http://www.telquel-online.com/content/zakaria-boualem-et-laffaire-des-adolescents-de-nador?fb_action_ids=671121106246000&fb_action_types=og.recommends&fb_source=other_multiline&action_object_map={%22671121106246000%22%3A306792866125541}&action_type_map={%22671121106246000%22%3A%22og.recommends%22}&action_ref_map=
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire