Le
rappeur marocain, qui a déjà purgé deux peines de prison, dont un an
pour une chanson sur la police, prépare un nouvel album dont le titre
phare, Doigt d'honneur au système, est déjà sorti. Pour lui, la détention du journaliste de Lakome, Ali Anouzla, prouve qu'au Maroc « rien n’a fondamentalement changé ».
Correspondance au Maroc
Doigt d’honneur au système : c’est le nouveau titre de Mouad Belghouate, surnommé L7a9ed (Lhaqed), rappeur militant, libéré au printemps dernier après avoir passé un an en prison pour un rap, Kleb Dawla (Les Chiens de l’État), dans lequel il dénonçait la corruption au sein de la police marocaine. Condamné à quatre mois de prison pour « coups et blessures » suite à la plainte d'un jeune royaliste, il avait ensuite été poursuivi par la direction générale de la sûreté nationale (DGSN) et avait écopé d’un an ferme pour « outrage à la police » et « atteinte à un corps constitué ».
Lhaqed était considéré comme prisonnier d’opinion par la presse indépendante et plusieurs ONG, dont Human Rights Watch (HRW), qui a dénoncé son incarcération. D’après ses soutiens, nombreux dans la sphère militante et son quartier, Hay El Wifaq (surnommé Oukacha, en référence à la célèbre prison de la périphérie de Casablanca, où il sera d’ailleurs emprisonné), il a été victime à deux reprises de procès fabriqués.
Symbole d’une génération qui a perdu foi en la classe politique, Lhaqed s’est engagé dans le Mouvement du 20 Février. Ce mouvement, né en 2011, réclame des réformes profondes et dénonce la corruption de politiques marocains. Il a débuté le rap il y a près de dix ans avec ses copains de quartier, mais sa participation à ce mouvement contestataire a nettement accru sa popularité. Sa capacité de mobilisation dans son quartier lors des manifestations dérangeait fortement les autorités locales.
À la suite de ses procès, surréalistes, se tenant dans des salles d’audience combles, souvent précédés de sit-in de protestation contre sa détention, sa popularité ne cessera de croître, à tel point que certains diront que le pouvoir a fait de lui une star. Lors de son second procès, on lui reprochera d’avoir publié avec la chanson Kleb Dawla une vidéo où un policier est affublé d’une tête d’âne. Il niera l’avoir réalisée et postée et répondra que la vidéo est une « insulte envers l’âne ».
Depuis sa libération, il s’est montré plus discret, même s’il a
participé à quelques manifestations du Mouvement du 20 Février. Il y a
quelques jours, il se joignait à un rassemblement appelant à la
libération du journaliste Ali Anouzla, incarcéré depuis un mois pour
avoir partagé un lien vers un blog où se trouvait une vidéo d’Al-Qaïda.
Ses séjours en prison l’ont-ils rendu plus frileux ? Les fameuses lignes rouges, qu’il prenait plaisir à ignorer, ont-elles bougé ? Le Maroc a-t-il réellement changé depuis la vague de protestation initiée par le Mouvement du 20 Février ? Lhaqed a accepté de répondre aux questions de Mediapart.
Continuez-vous à manifester avec le Mouvement du 20 Février ?
actuellement sur mon album. Je ne veux pas m’éparpiller. Mais je sors manifester pour des sujets qui me tiennent à cœur, pour soutenir Ali Anouzla ou lors du Danielgate (le scandale suscité par la grâce royale d’un pédophile espagnol – ndlr).
Le journaliste Ali Anouzla est incarcéré depuis maintenant près d’un mois. Avez-vous été surpris par son incarcération ?
Non. Je m’y attendais. Je l’ai rencontré deux jours avant son arrestation et il subissait beaucoup de pressions. Anouzla, c’est le seul journaliste qui a osé parler de la monarchie. Ils l’ont emprisonné pour faire taire l’un des derniers journalistes libres au Maroc.
Vous avez passé quatre mois, puis un an en détention. Comment vous êtes-vous retrouvé en prison ?
Je suis allé en prison parce qu’on m’a jugé pour mes chansons, pour ma critique du système, de la police, du roi, de la liberté que nous n’avons pas. La liberté d’expression est dans la Constitution, mais dans la réalité, elle n’existe pas. Il y a des lignes rouges. Je m’exprime sur ce qu’on vit au Maroc. C’est ça le rap, dans le monde entier. Ça parle de ce qu’on vit, de notre réalité. Peut-être que nos enfants auront un peu de liberté…
Vous venez de sortir un nouveau rap, 9allizou l’système (Doigt d’honneur au système). Vous ne vous êtes toujours pas assagi ?
9alizou est une chanson destinée aux gens qui se demandaient si Mouad a eu peur, si l’État a réussi à lui faire peur. Des journalistes, des chanteurs, critiquaient ce que je faisais, les thèmes abordés dans mes chansons. Je n’ai pas de problème avec la critique, mais parfois, les gens m’insultent. Il a fallu que je leur réponde, que je rappe encore et que je travaille sur mon album.
Lire aussi
http://www.mediapart.fr/journal/international/181013/le-rappeur-l7a9ed-non-les-marocains-ne-se-sont-pas-reveilles
Doigt d’honneur au système : c’est le nouveau titre de Mouad Belghouate, surnommé L7a9ed (Lhaqed), rappeur militant, libéré au printemps dernier après avoir passé un an en prison pour un rap, Kleb Dawla (Les Chiens de l’État), dans lequel il dénonçait la corruption au sein de la police marocaine. Condamné à quatre mois de prison pour « coups et blessures » suite à la plainte d'un jeune royaliste, il avait ensuite été poursuivi par la direction générale de la sûreté nationale (DGSN) et avait écopé d’un an ferme pour « outrage à la police » et « atteinte à un corps constitué ».
Lhaqed était considéré comme prisonnier d’opinion par la presse indépendante et plusieurs ONG, dont Human Rights Watch (HRW), qui a dénoncé son incarcération. D’après ses soutiens, nombreux dans la sphère militante et son quartier, Hay El Wifaq (surnommé Oukacha, en référence à la célèbre prison de la périphérie de Casablanca, où il sera d’ailleurs emprisonné), il a été victime à deux reprises de procès fabriqués.
Symbole d’une génération qui a perdu foi en la classe politique, Lhaqed s’est engagé dans le Mouvement du 20 Février. Ce mouvement, né en 2011, réclame des réformes profondes et dénonce la corruption de politiques marocains. Il a débuté le rap il y a près de dix ans avec ses copains de quartier, mais sa participation à ce mouvement contestataire a nettement accru sa popularité. Sa capacité de mobilisation dans son quartier lors des manifestations dérangeait fortement les autorités locales.
L7a9ed, le jour de sa libération.
Ses textes ont bousculé de nombreux tabous. Il détourne la devise du Maroc « Allah, Al Watan, Al Malik » (« Dieu, la patrie, le roi ») et chante « Allah, Al Watan, Al Hourrya » (« Dieu, la patrie, la liberté »). Il est aussi le premier rappeur à avoir ouvertement critiqué le roi.À la suite de ses procès, surréalistes, se tenant dans des salles d’audience combles, souvent précédés de sit-in de protestation contre sa détention, sa popularité ne cessera de croître, à tel point que certains diront que le pouvoir a fait de lui une star. Lors de son second procès, on lui reprochera d’avoir publié avec la chanson Kleb Dawla une vidéo où un policier est affublé d’une tête d’âne. Il niera l’avoir réalisée et postée et répondra que la vidéo est une « insulte envers l’âne ».
Ses séjours en prison l’ont-ils rendu plus frileux ? Les fameuses lignes rouges, qu’il prenait plaisir à ignorer, ont-elles bougé ? Le Maroc a-t-il réellement changé depuis la vague de protestation initiée par le Mouvement du 20 Février ? Lhaqed a accepté de répondre aux questions de Mediapart.
Continuez-vous à manifester avec le Mouvement du 20 Février ?
L7a9ed lors d'une manifestation contre la libération d'un pédophile espagnol, le Danielgate.
Je
travailleactuellement sur mon album. Je ne veux pas m’éparpiller. Mais je sors manifester pour des sujets qui me tiennent à cœur, pour soutenir Ali Anouzla ou lors du Danielgate (le scandale suscité par la grâce royale d’un pédophile espagnol – ndlr).
Le journaliste Ali Anouzla est incarcéré depuis maintenant près d’un mois. Avez-vous été surpris par son incarcération ?
Non. Je m’y attendais. Je l’ai rencontré deux jours avant son arrestation et il subissait beaucoup de pressions. Anouzla, c’est le seul journaliste qui a osé parler de la monarchie. Ils l’ont emprisonné pour faire taire l’un des derniers journalistes libres au Maroc.
Vous avez passé quatre mois, puis un an en détention. Comment vous êtes-vous retrouvé en prison ?
Je suis allé en prison parce qu’on m’a jugé pour mes chansons, pour ma critique du système, de la police, du roi, de la liberté que nous n’avons pas. La liberté d’expression est dans la Constitution, mais dans la réalité, elle n’existe pas. Il y a des lignes rouges. Je m’exprime sur ce qu’on vit au Maroc. C’est ça le rap, dans le monde entier. Ça parle de ce qu’on vit, de notre réalité. Peut-être que nos enfants auront un peu de liberté…
Vous venez de sortir un nouveau rap, 9allizou l’système (Doigt d’honneur au système). Vous ne vous êtes toujours pas assagi ?
9alizou est une chanson destinée aux gens qui se demandaient si Mouad a eu peur, si l’État a réussi à lui faire peur. Des journalistes, des chanteurs, critiquaient ce que je faisais, les thèmes abordés dans mes chansons. Je n’ai pas de problème avec la critique, mais parfois, les gens m’insultent. Il a fallu que je leur réponde, que je rappe encore et que je travaille sur mon album.
Lire aussi
http://www.mediapart.fr/journal/international/181013/le-rappeur-l7a9ed-non-les-marocains-ne-se-sont-pas-reveilles
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