par Mohammed Belmaïzi (Articles), 15/6/ 2013
Sur
la toile du Net et du Facebook on voit se déployer un discours frelaté
contre les Femen. Frelaté, parce que l’acharnement sur ce mouvement de
contestation, surgit de tous les lieux. On y trouve des pudiques qui,
simplement, demandent qu’on cache ce sein qu’ils ne sauraient voir. On y
trouve des gauchistes trop préoccupés par la blessure des humbles
croyants au contact de cette nudité qui agresse leur piété. On y trouve
également des gardiens du temple de la vertu, engagés résolument à
voiler et embourker la femme pour la fin des temps, et logiquement à les
faire disparaître de la surface de la terre.
A
ces lieux, il faut ajouter les médias et certaines organisations
féministes qui estiment que les Femen marchent sur leurs plates bandes
et éclaboussent leur vision tranquille du combat politiquement correct
qu’elles mènent. Et là la critique est acerbe pour neutraliser une
concurrence qui les dépasse de loin. On évoque, pour cela, le doute sur
leur financement impérialiste et tant d’arguments qui, pour le moment
sont tirés par les cheveux sans preuves tangibles. D’aucuns reprochent
aux Femen leur vide idéologique, sans programme. Mais depuis quand un
mouvement contestataire, qui n’est pas une formation politique aspirée
par le pouvoir, est ligoté par un programme ?
Les
médias, eux, faiseurs de l’opinion, ne savent plus comment couvrir ce
mouvement qui casse leur certitude et la routine où ils opèrent sans
trop de chamboulement. Leur objectif alors est de tout faire pour nous
embrigader dans une opinion hostile et nous planter définitivement dans
« le bon sens », la doxa ! Doxa, mot qui veut dire « ensemble des
opinions communes aux membres d’une société et qui sont relatives à un
comportement social ». Husserl la définit comme un « ensemble des
croyances et des idées non objectives ».
Pourtant
les Femen qui sortent des grilles de la lecture conventionnelle,
peuvent évoquer cet autre mouvement de femmes qu’on appelle « les saris roses
(hindi: Gulâbî Gang). Femmes en rose, couleur d’une féminité troublante
s'imposant au monde patriarcal pour le dévêtir de son arrogance
phallique et le plier à sa propre féminité. Qui sait ? Un jour ces
Gulâbi Gang se convertiront à la nudité comme arme… et ce sera peut-être
la faute infâme des Femen et de leur influence? C’est que déjà on parle
de ce mouvement comme « néo-colonial ». Le journal Le Monde vient de
nous donner la preuve par l’écrit attribué à une femme voilée doctorante
au Pays-Bas, de ce « néocolonialisme » dévastateur.
Pourtant
la nudité des Femen s’exerce déjà en Afrique, sans que ces dernières
n’y soient impliquées ou responsables. Au Togo, par exemple des fesses
bien dodues et maternelles qui dandinent mollement en signe de
protestation; avec des seins nus aussi juteux comme jadis du temps où il
nous fallait grandir, sont exhibés face aux forces de l’ordre pour leur
rappeler que les femmes sont l’origine du monde. Qui osera parler du « néocolonialisme », sans courir le risque de manipuler et de tromper?
Et
puis tout autour de nous, bien chez nous au Maroc, qui n’a jamais été
témoins de scène de femme en colère qui soulève sa jupe pour monter ses
fesses nues et dire « haaak aaa ma tasswa / tassway » : voilà ce que tu
vaux et ce que tu mérites… ? Combien de fois, on a vu des hommes tenant
leurs organes génitaux dans la main et défiant contradicteurs ou
ennemis? C’est dans l’air du temps, serait-on tenté de dire… Et
si Aliaa, l’Egyptienne a posé nue dans son blog avant même de connaître
les Femen, ou Amina la tunisienne aux seins contestataires, c’est que
la tentation est toujours grande d’abandonner la feuille de vigne pour
crier très haut à travers sa propre nudité, et sa fragilité…
Dans
ce sens, cette nudité prend un tournant pratiquement naturel. Et nous
ne pouvons que constater sa portée universelle. Phénomène donc à
appréhender avec rationalité et humanisme. Sans jugement moral, ni
insultes, ni dénigrement.
Si
les Femen disparaissent, elles mourront de leur propre mort. Mais on ne
peut biffer cette façon de contester qui est un cri profond du corps
émouvant, à la fois désiré et maudit selon le formatage de notre vision
du monde qui, d’ailleurs, ne cesse de se transformer, qu’on le veuille
ou non.
Les détracteurs
des Femen parmi les démocrates et les gens de gauche, seraient-ils
heureux et satisfaits que trois des militantes aux seins nus, ont écopé
de 4 mois en Tunisie ? Se rangerait-ils du côté du pouvoir qui réprime
et emprisonne? Un examen de conscience est urgent à ce sujet.
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