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samedi 30 novembre 2013

Torture au Maroc : Lettre ouverte au président Barack Obama


A l’Attention de Monsieur Le Président Obama
President Barack Obama
 The White House 
1600 Pennsylvania Avenue NW Washington, DC 20500
 U.S.A. 

Monsieur Le Président,
Je me permets de vous envoyer ce courrier avant votre entretien avec le roi du Maroc, Mohammed VI. Je souhaite en effet évoquer l’injustice extrêmement grave dont j’ai été la victime au Maroc de la part du Palais royal.
Je m’appelle Zakaria Moumni, j’ai 33 ans, je suis Marocain et sportif professionnel: champion du monde de Boxe Thai’landaise lors des Championnats WKA (World Kick Boxing Association) à Malte en 1999. Nous vivons à Paris avec mon épouse depuis plusieurs années.

Le 27 septembre 2010, ma vie a basculé. Ce jour-là, en arrivant à I’aéroport de Rabat venant de Paris, avant même le passage de la douane, j’ai été emmené par des policiers dans un bureau où ils m’ont expliqué que je suis sous surveillance pour « atteinte à la personne sacrée du roi ». J’ai été ensuite emmené par d’autres policiers en civil (la police secrète de la DGED Direction Generale des Etudes et de la Documentation et la Direction de la Surveillance du Tenitoire) dans une voiture banalisée qui m’attendait sur le tarmac de I’aéroport de Rabat. Ils m’ont bandé les yeux, ligoté les mains, m’ont couché à I’arrière de la voiture et m’ont recouvert d’une veste. J’ai été conduit dans un endroit secret, qui s’est avéré être le centre de détention secret de Temara, où j’ai été séquestré et où j’ai subi 4 jours de tortures.
A mon arrivée, ils m’ont mis nu, m’ont ligoté les pieds et les mains. Toujours les yeux bandés, j’ai été électrocuté, suspendu et tabassé avec des barres de fer, selon un procédé qu’ils appellent « l’hélicoptère ». Puis ils m’ont jeté à terre et m’ont frappé sous les pieds pendant de longs moments.
Pendant ces quatre jours, j’ai été privé de nourriture, d’eau et de sommeil . Quand je tombais de fatigue, ils me ligotaient pieds et mains aux barreaux d’une chaise. Je devais leur raconter durant des heures ma vie. En fait, ils voulaient me contraindre par la torture à oublier ma rencontre avec le roi et son secrétaire particulier, M. Mounir Majidi, ainsi que les démarches que j’avais entreprises auprès d’eux pour obtenir ce à quoi a droit tout champion du monde marocain. Ainsi, chaque fois que je parlais du roi, ils cognaient plus fort en me disant « Ce chapitre là, il faut que tu le rayes de ta mémoire ».
Tout au long de ces quatre jours de tortures, ils n’ont cessé de me répéter : « Ici, c’est l’abattoir de Sa Majesté et, nous, on ne dépend ni du ministère de l’Intérieur, ni du ministère de la Justice. Nous, on travaille directement avec le roi. Et ça, c’est les ordres du roi. Ici, on va te découper faire de toi de la viande hachée et tu sortiras dans des boîtes de conserve, les années de plomb, ce n’est pas fini. Tu as beau remuer ciel et terre, tu ne sortiras pas d’ici vivant (...) et comme ça, ça t’apprendra à aller manifester devant chez le roi ».
Au terme de ces terribles quatre journées, j’ai été emmené dans un bureau par 13 policiers en civil. On m’a fait subir un procès expéditif, seul, sans avocat pour me défendre et sans me dire ce qui m’était reproché.
Je me suis donc retrouvé le jeudi 30 septembre dans la nuit en prison. Ni ma famille au Maroc, ni mon épouse à Paris, n’ont su où j’étais durant 4 jours.
Ce n’est que le vendredi 1er octobre qu’un avocat est venu me rendre visite à la prison, Maître Abderrahim JAMAI, avocat saisi pour me retrouver depuis ma disparition (ténor du barreau au Maroc, avocat spécialisé dans la Défense des Droits de l’Homme).
Le lundi 4 octobre, j’ai été condamné à une peine de trois ans de prison ferme pour « escroquerie » après un simulacre de procès sans victimes et des « aveux » que j’ai dû signer sous la torture et les yeux bandés.
Au total, j’ai passé 18 mois en prison suite à une procédure judiciaire arbitraire et un procès inique.
Ces pratiques ont été condamnées unanimement par Human Rights Watch (HRIY), Amnesty International, la Fédération Internationale des Ligues des Droits de I’Homme (FIDH) et des associations marocaines de défense des Droits de I’Homme ainsi que par le Parlement Européen. J’ai eu également le soutien de plusieurs hommes et femmes politiques français et députés de plusieurs pays. La FIDH a envoyé le 1er décembre 2011 une Lettre ouverte au roi du Maroc.
En réalité, le pouvoir marocain – le Palais royal pour être plus précis – m’a fait payer chèrement le fait d’avoir exprimé publiquement mes revendications et mes griefs à l’égard du Palais royal qui n’a pas respecté les engagements pris envers les sportifs de haut niveau (déSI9tJSELn »l194-66) en date du 9 mars 1967 qui ouvre le droit à chaque sportif de haut niveau titré champion du monde d’obtenir un poste de conseiller sportif au sein du Ministère de la Jeunesse et des Sports, poste qui ne m’a jamais été accordé depuis 1999).
Durant ma détention, j’ai été emmené dans la prison de Roumanni, à 100 km de Rabat, où j’ai vécu dans des conditions inhumaines comme mes camarades de cellule : hygiène catastrophique, entassés à 50 prisonniers dans une cellule de 40 mètres carré, saleté, promiscuité, cafards partout. 2 toilettes dans la cellule pour 50 personnes. Une heure d’eau par jour seulement. Menaces et intimidations de la part de hauts fonctionnaires. Maladies, racket, prostitution, viols…

Mon cas est symbolique de pratiques scandaleuses dans mon pays alors que le roi a affirmé à plusieurs reprises son engagement pour le respect des Droits de I’Homme en signant plusieurs conventions internationales.

En janvier 2012, après que mon épouse eut informé les autorités françaises et européennes et que plusieurs ONG soient intervenues, une personne mandatée par le roi est venue me voir en prison, pour me dire que Mohammed VI n’était pas content de ce qui m’était arrivé et qu’il allait me gracier le jour de mon anniversaire. Et cette personne m’a également demandé de dire à mon épouse de cesser d’alerter les médias et les associations de défense des droits de I’homme. Cette personne s’est même déplacée à Paris pour rencontrer mon épouse et lui expliquer que le roi allait me gracier et me rendre justice.

J’ai donc été gracié le 04 février 2012.
Après ma libération et mon retour à Paris, j’ai demandé audience publiquement au roi pour lui dire ce qui se passe dans son royaume. J’ai alors été contacté par le ministre de I’Intérieur. Après un an et demi d’échanges, on m’a clairement expliqué que le Maroc ne pouvait pas me rendre justice. Pour une raison simple à mes yeux : les seules personnes responsables de l’injustice que j’ai subie sont le roi et son secrétaire particulier Majidi et elles sont intouchables !

Je me sens trahi par mon pays que j’ai toujours aimé et voulu servir. Le Maroc mérite mieux que cette justice-là. J’aime mon pays mais je ne peux fermer les yeux sur ces méthodes d’un autre temps. Et surtout je ne tolère pas que le roi ose dire au peuple marocain que les Droits de I’Homme sont respectés dans son royaume alors qu’il est lui-même à I’origine des tortures qu’un citoyen de son pays a subi et qu’il ferme les yeux sur mille autres pratiques détestables.
Je ne veux pas qu’un autre citoyen Marocain subisse ce que j’ai subi pour avoir osé s’exprimer et pour défendre ses droits légitimes.
J’ai toute confiance en vous Monsieur le Président et dans l’engagement très fort de votre administration en faveur du respect des droits de I’Homme.
Je souhaite votre aide et soutien dans mon combat pour que l′on me rende justice.
Vous remerciant par avance de prêter une bienveillante attention à la présente requête je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l’assurance de ma haute considération.
Taline & Zakaria Moumni
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