La famille royale marocaine accueille le roi d'Espagne Juan-Carlos pour
un dîner privé à Rabat le 15 juillet 2013/AFP/HO/MAP.AFP
"Dignité
pour tous !" fut la revendication maîtresse du Mouvement du 20
février [mouvement de contestation lancé le 20 février 2011]. Elle signifiait,
et signifie encore, égalité de traitement pour les puissants comme pour les plus
faibles. A bientôt trois ans du fameux soulèvement populaire, je réalise combien
nous sommes encore éloignés de toute dignité. Ce qui était supposé rendre le
Maroc meilleur s'est révélé pure escroquerie.
Pour
s'en convaincre, il fallait se trouver le 11 novembre 2013 à la séance de la
commission des finances du Parlement marocain. Il s'agissait d'examiner le
projet de budget du palais royal. Une séance pour la forme. Clairsemée et
expéditive, elle raconte l'histoire indigne de douze députés qui, en moins de
dix minutes et sans coup férir, ont augmenté le budget d'un seul homme de 8 678
000 dirhams [774 455 euros], pour mettre à sa disposition 2 585 447 000 dirhams
[230 734 295 euros], quand des départements ministériels aussi sensibles que la
santé publique, l'éducation nationale, la jeunesse et les sports ou encore la
culture doivent se glisser dans le chas de l'aiguille pour faire passer des
budgets au demeurant dérisoires au vu de l'ampleur de la tâche qui leur
incombe.
L'omerta
et un halo de mystère
Si
l'énormité du budget ou plutôt du butin en question met à rude épreuve le mythe
du "roi des pauvres", soigneusement entretenu par un entourage royal véreux, la
disproportion de traitement entre le palais et les autres départements explique
en grande partie le train de vie surréaliste de la monarchie marocaine,
l'enrichissement exponentiel du roi et de sa famille, et la place qui est celle
de notre pays : à la traîne de tous les indices mondiaux du développement.
Et
c'est précisément parce que le diable se cache dans les détails que l'opacité,
l'omerta et un halo de mystère enveloppent un peu plus, d'une loi de finance à
l'autre, les dépenses du palais comme son budget de fonctionnement, qui équivaut
à celui de quatre ministères réunis : les Transports et l'Equipement, la
Jeunesse et les Sports, la Culture, et enfin l'Habitat et l'Urbanisme.
D'autres
détails trahissent encore le peu de scrupules que manifeste Mohammed VI à puiser
sans compter dans les deniers publics, comme cette ligne pompeusement surnommée
"Dotations de souveraineté". Rien de moins qu'une caisse noire mise à la
disposition du roi, qui représentera cette année 517 164 000 dirhams [46 153 517
euros] que l'intéressé s'acharnera sans aucun doute à consommer, comme de
coutume, en totalité, sans que personne ne vienne jamais s'enquérir de la façon
dont les fonds ont été épuisés.
La
façade démocratique du régime marocain
Et
que dire de ces frais de bouche qui engloutissent 2 % du budget de l'Etat, après
avoir fait l'objet d'une brutale augmentation de plus de 55 %, en 2001? A croire
que la disparition de Hassan II [en juillet 1999] et l'accession au trône de
Mohammed VI auraient déclenché chez ce dernier une fringale soudaine, confinant
à une boulimie pantagruélique.
Une
fois n'est pas coutume, une voix bien timide, celle du député du PJD [Parti de la justice
et du développement], Abdelaziz Aftati, s'est élevée, pour
réclamer que des administrateurs viennent s'expliquer sur le montant de
l'enveloppe pharaonique que le palais projetait de s'adjuger. Peine perdue, car
comme ces vieux singes à qui l'on n'apprend plus à grimacer, nos parlementaires
ont passé outre, ayant appris à discerner chez leurs pairs les gesticulations
pour la galerie. De simples faire-valoir, qui constituent la façade démocratique
du régime marocain.
Alors,
de tous ces chiffres astronomiques, je préfère n'en retenir qu'un seul : 200.
C'est le nombre de postes budgétaires que nos parlementaires d'un autre âge ont
octroyé au palais royal pour l'année 2014, alors que la crise bat son plein et
que tous les ministères en sont à contracter leurs effectifs et manquent
cruellement de moyens. Deux cents postes et des millions de dirhams qui
manqueront cruellement dans l'Atlas, où l'on continuera, sans doute, de mourir
de froid, d'inanition, d'enclavement et de misère, lorsque l'hiver sera
venu.
Deux
cents raisons de conclure, enfin, que le régime politique marocain s'est
structuré pour se mettre au service d'un seul homme, empruntant aux plus
sinistres mafias leurs coups de main, leurs brutalités, leur collecte de fonds,
leur loi du silence, au point qu'il n'a désormais plus rien à leur
envier.
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samedi 30 novembre 2013
Mohamed VI, le "roi des pauvres", dépense sans compter
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