- Par : Yassine Majdi, TelQuel, 3/3/2014
Crédit photo: DR
Crédit photo: DR |
Maitre Joseph Breham est, malgré lui, au cœur de
l’actualité marocaine. Cet avocat du barreau de Paris, est chargé de la
défense du militant sahraoui Naama Asfari et d’Adil Lamtalsi qui portent
plainte contre le Maroc pour torture. C’est suite à la plainte de
Lamtalsi qu’une demi-douzaine de policiers français a effectué une
descente à la résidence de l’ambassadeur de France au Maroc, Chakib
Benmoussa, afin de notifier le chef de la DGST, Abdellatif Hammouchi,
d’une demande d’audition de la justice française. Entretien avec l’un
des protagonistes de la crise entre le Maroc et la France.
Avez-vous déjà défendu des particuliers contre un Etat ?
J'ai déjà défendu des
clients dans des affaires contre des États. Étant avocat pénaliste, ce
type d'affaire constitue l'écrasante majorité de mon activité. J’ai
déjà traité des affaires au Maroc. En ce qui concerne les deux plaintes
pour torture, je représente Adil Lamtalsi et l’Action des Chrétiens
pour l’abolition de la torture (ACAT). Le droit français autorise les
associations de lutte contre la torture à se constituer comme partie
civile dans le cadre d’affaires comme celle-ci. Quant à Naama Asfari,
je le représente lui, sa femme et l’ACAT.
Les deux affaires sont-elles liées ?
Dans
ces deux affaires, mes clients accusent certains fonctionnaires
marocains de torture. Ces plaintes ne sont en aucun cas des attaques
dirigées contre le Maroc.
Que souhaitent-ils obtenir de ces plaintes ?
Nous
souhaitons que justice soit faite et que d'éventuelles condamnations
mettent un terme au système tortionnaire au Maroc que ce soit dans les
commissariats ou dans le centre secret de Temara. Je tiens à rappeler
que le Maroc a signé la convention contre la torture et par conséquent
s’est engagé à ne pas l’exercer et à poursuivre et à condamner les
tortionnaires.
Peut-on considérer ces deux affaires comme des procès politiques ?
Ces
deux affaires sont des dossiers de droit commun « classiques ». Dans
l’affaire Lamtalsi, une instruction a été ouverte suite au dépôt d’une
plainte en 2013 pour torture. C’est pour cette raison que la justice
française a demandé à Monsieur Hammouchi d’être auditionné. A ce sujet,
je ne comprends pas la réaction disproportionnée du Maroc. Dans
l’affaire Asfari, la plainte déposée le 20 février est toujours en cours
de traitement.
Pourtant, Naama Asfari est un militant
qui souhaite l’indépendance du Sahara. La part des choses a-t-elle été
faite ? Qu’en est-il des accusations portées à son encontre ?
La
condamnation de Naama Asfari, a été décidée par un tribunal militaire
marocain qui s’est basé sur des aveux que mon client nie avoir signés et
effectués sous la torture.
Quels sont les risques encourus par le Maroc et le chef de la DGST, Abdellatif Hammouchi ?
Le
Maroc en tant que pays ne risque absolument rien. Les tortionnaires et
Hammouchi, encourent en revanche des peines pouvant aller de quelques
mois à plusieurs années de prison.
Quelles preuves possède Adil Lamtalsi pour démontrer qu’il a été victime de torture ?
Je
ne suis pas en droit de les mentionner mais je peux vous dire que les
preuves étaient suffisamment fortes pour permettre à Adil Lamtalsi
d’obtenir une liberté conditionnelle. Néanmoins, si monsieur Hammouchi
vient témoigner en France, il pourra accéder au dossier.
Pensez-vous que l’état français soutient le Maroc dans ces deux affaires ?
A
la lecture des récents communiqués, il est clair que le ministère des
affaires étrangères se préoccupe plus des usages diplomatiques que des
procédures judiciaires en cours. En tout état de cause, la justice
française est indépendante et impartiale et l'issue des procédures en
cours ne sera pas affectée par les relations entre les deux pays.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire