Comment Marine Le Pen manipule les chiffres : cessons d’alimenter les peurs

Communiqué de presse de Marie-Christine Vergiat - députée européenne Front de Gauche - 7/3/2014

Marine Le Pen a affirmé sur une grande radio française que l'agence européenne Frontex a révélé une augmentation de "48% de l'immigration clandestine". 

 Remettons ce chiffre dans son contexte, car s’il est exact, il ne représente pas, comme Madame Le Pen l’affirme « l’immigration clandestine » qui,  par définition ne peut pas se comptabiliser, ou sinon avec d'importantes marges d'erreur.

Madame Le Pen ne précise pas qu'il s'agit de l'immigration aux frontières extérieures de l'UE et que ces chiffres représentent l'augmentation du nombre de migrants détectés en train de tenter de franchir les frontières de l'Union. Ainsi que le précise FRONTEX, cette augmentation est due principalement à l'augmentation des identifications aux frontières maritimes italiennes suite au drame de Lampedusa où 360 migrants sont morts à 600m des côtes italiennes, mais aussi à la situation humanitaire dramatique en Syrie.
L’Agence reconnaît que les chiffres de 2012 ont été bas. En 2011, quelques 140.000 migrants ont tentés de rejoindre l'UE en raison du printemps arabe. Ceci montre qu’une hausse de migrants et de demandeurs d’asile dans l’UE est liée à des conflits ou tensions dans un pays ou une région tiers.
Ces migrants sont en effet surtout des réfugiés syriens et érythréens, donc des personnes fuyant des zones de conflit ou de tension, pour trouver asile. Non, l’immigration clandestine n’a pas augmenté de 48%. Oui, des milliers de réfugiés tentent de faire valoir leur droit à une protection au sein de l’Union Européenne. Seulement 80.000 demandeurs d'asile syriens ont introduit une demande auprès des pays de l'UE qui traînent des pieds à quelques exceptions près pour leur accorder l'asile alors que le HCR a enregistré 2,4 millions de réfugiés syriens les pays voisins de la Syrie en accueillant plus de 2,2 millions, et la Turquie 500.000.
En 2011, Nicolas Sarkozy avait déjà tenté de nous faire croire que l’Union européenne allait être envahie par quelques 23 000 Tunisiens alors qu’à la même époque la Tunisie accueillait plus de 650 000 réfugié(e)s fuyant la guerre de Lybie. C’est la même manipulation des chiffres que tente aujourd’hui Marine Le Pen.
Ce que ces chiffres révèlent en réalité, ce sont l'édification par des Etats membres avec le soutien de l’UE aux quatre coins de l’Union européenne (Grèce, Espagne, Bulgarie, etc.) de barrières physiques et administratives pour empêcher ces personnes à la recherche d’une protection de parvenir sur le territoire européen. Ils n'hésitent pas à les refouler violemment, causant y compris la mort de certains d'entre eux, comme on l’a vu récemment en mer Egée et à Ceuta et Melilla, en violation flagrante de leurs obligations internationales. 25.000 migrants et demandeurs d'asile ayant tentés de rejoindre l'UE pour y trouver une vie meilleure sont morts en Méditerranée ces 20 dernières années selon les chiffres de l’OIM.
La manipulation des chiffres par Mme Le Pen n'est pas nouvelle. Elle ne fait qu'attiser des peurs et alimenter, le repli sur soi. Elle oublie ou fait semblant d’oublier que les Etats membres gardent largement le contrôle de leurs frontières et de l’accueil des immigré(e)s mais qu’ils ont aussi des obligations internationales notamment en termes de droit d’asile qu'ils doivent respecter.
Il est temps de dire la vérité aux Européens et de permettre aux immigrés (et à leurs descendants qui ont le plus souvent acquis la nationalité des pays dans lesquels ils vivent) qui ne représentent que 4 % de la population vivant sur le sol de l’Union européenne de vivre dignement dans nos pays.

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