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mercredi 5 mars 2014

Nostalgique d’un soleil que je n’ai plus jamais connu.






Nostalgique d’un soleil que je n’ai plus jamais connu.
Elle me fait des crises à nouveau la coquine.

Le drame du déraciné c’est que l’herbe dans laquelle il pousse ne sera jamais assez riche pour lui.
Ma psy m’écoute parler, lorsque je commence je ne m'arrête plus. Entre confusion, mélange et découverte je me perds dans mon jardin, elle intervient juste pour baliser et m’avertir des redites, car oui je radote beaucoup.
Et voilà que mon identité, vous savez celle qui me fait des crises de jalousie dès que je la délaisse un peu, la revoilà pointer du nez dans ces tumultes qui paraîtront futiles pour certains et essentiels pour d’autres.

-"Ramasse tes affaires et viens vivre à la maison, on doit se parler." Lui dis-je .
C’est ce qu’elle a fait.
Depuis je partage tout avec elle, même ma brosse à dent.
Seul bémol, ses ronflements la nuit, je n’arrive pas à m’y faire... Qu’importe.
Je vous la décris vite fait :
Elle est comme moi, la clarté en plus, elle m’assure qu’elle a déjà tout réglé dans sa vie. Bien évidemment je ne la crois pas !
Sa présence me rassure un temps, puis lorsque nous discutons de moi, car oui, nous parlons exclusivement de moi, elle déblatère des théories qui viennent réconforter, rassurer cet homme qui se fuit indéfiniment.
Ah oui, elle déteste ma psy.

-Elle : « Pourquoi tu vas la voir ».
-Moi : « C’est toi qui me l’a conseillé, dois-je te le rappeler ».
-E « Je sais, mais pourquoi ? En as-tu vraiment besoin ?».
-M « Je ne sais pas, mais je me suis promis d’aller au bout du processus ».
-E « Elle est comment ? ».
-M « J’en sais rien, elle est comme elle est, une belge».
-E « Mmmmmm ».

Ce que je n'arrive toujours pas à comprendre pas avec mon identité, c’est que c’est une femme, plutôt mignonne. Elle a investi ma bulle, rien ne la dérange vraiment dedans.
« Alors, depuis la dernière fois qu’est-ce qui a changé ? » Me dit-elle.
-Moi : « Pas grand-chose, je dors je mange je boulotte … »
-Elle : « Vraiment »
-M« Oui »

Nous sommes en mars et j’aime ce mois, car il désamorce l’hiver en théorie (sauf en Belgique), les journées sont plus longues et le moindre rayon de soleil optimise votre humeur. Les oiseaux gazouillent pour de vrai et le vent du nord cède sa place à la douceur, pas encore assez franche à mon goût, mais c'est un bon début.

-E« Il parait qu’on fête les 50 de présence marocaine en Belgique »
-M« Oui, c’est plus tôt bien non ? »
-E« Mais t’as rien compris ou t’es con ».. (On a un langage plus que familier)
-M« Explique moi ».
-E« Tu trouves qu’il y a quelque chose à fêter ? Ton père est mort comme un palmier dans un jardin d’hiver, ton frère s’est shooté à se faire claquer la carotide, ta mère ne jure plus que par Al-Jazeera, tes sœurs font mines d’être heureuse et ton autre frère à les nerfs à vif. Et tu trouves que c’est « la fête ! ».
-M« Ben et alors, tu crois que si on avait été au bled ça se serait mieux passé »
-E« Allo, la terre il y a quelqu’ un …La vie c’est Belgique ou Maroc ? Pourquoi tu ne rêves pas d’ailleurs ? Pourquoi tu réponds religieusement au schéma de vie qui s’offre à toi … Je t’ai connu moins discipliné ! »
-M« Mais qu’est-ce que tu veux dire par là ? »
-E« Ce que je veux te dire Al Bourro (Ane en espagnol), c’est qu’il n’y a de vie épanouie que si l’épanouissement se révèle être indispensable, qu’il devienne le moteur de toute tes entreprises qu’il ne nécessite que les efforts que tu consens lui donner ».
-M« Mais … ».
-E« Y a pas de mais !! ».
-M« Mais laisse-moi en placer une ».
-E« Non, on est pas chez ta psy là, c’est moi qui parle ».
-M« Wow,, calme très chère amie ».
-E« Que je me calme, tu n’es pas sérieux j’espère , ça fait des années que tu es trop calme et que tu attends le terreau fertile pour bouger tes fesses ».
-E« Et côté cœur, ça va ? ».
-M« Ben ça s’éclaircit ».
-E« Pfff, t’as rien pour toi franchement ».
-M« C’est que là j’ai besoin de calme, une belle et sereine période de calme ».
-E« Je vois et ça me va parfaitement ».
-M« Tu serais pas encore occupée à me faire ta crise à la con ».
-E« Non, tout ce qui m’importe c’est de te voir heureux ».
-M« Et je ne le suis pas ? Pourtant je devrais, non ? ».
-E« Ça commence ».
-E« Bon je me couche, je prends le côté droit du lit ».
-M« Oh, non en plus de ronfler tu me piques ma place »
-E« Et oui, continue à dormir et toutes tes places seront prises par d’autres … »
-M« Bonne nuit »
-E ...
-M« Tu pourrais répondre … Ça y est tu ronfles déjà... Tezzzz »

C’est alors et seulement alors, que je me suis rendu au salon et que j’ai pris l’album de famille. En le feuilletant j’ai vu un homme sur une photo mal développée et dont les taches d'oxydation sur les coins me rappellent que j’ai intérêt à la numériser au plus vite. En l’observant avec attention je me suis vu, moi Mohamed Bouziane né le 3 mars 1930 et mort en 2004.
Qu'est -ce que c'est ce délire encore ...?

"J’aurai dû vous parler mes enfants, j’ai choisi d’immigrer et personne ne pouvait faire autrement, j’avais faim dans tous les sens du terme et je voulais que la vie me permette d’offrir à ceux que j’aime le droit de pouvoir rêver.
Je voulais vivre moi aussi, je ne peux le nier… Qu’est-ce qu’on a ri !
Alors qu’au Maroc, j’aurais vu les « autres » m’écraser comme ils le firent et le font toujours aujourd'hui. J'ai donc suivi ma bonne étoile qui ne pouvait se révéler à moi qu'une fois le détroit traversé.
J’ai immigré comme mes frères de classe, pour marcher d’un pas franc sur cette terre, d’où je viens, rien n'était fait pour me retenir.
J’ai trouvé le meilleur ici, parfois le pire mais c’est tout de même pour un meilleur que cette Belgique m’a vu vivre car le pire ici est surmontable.
Je vous ai donné ma force et ma jeunesse en guise d’affection ; je ne pouvais, je ne savais vous donner plus que ce que je n’avais jamais reçu et je ne mesurais pas que c’est tout ce que vous attendiez. Un père affectueusement présent.
Tiens, une photo de ma femme, elle souriait pour rien même dans l’ultime nécessité. Nous savoir à l’abri et au chaud suffisait à l’apaiser.
Et toi Saïd …
Saïd, mon fils, la drogue t’a offert tout ce que tu ne pouvais trouver à la maison, pardonne-moi wouldi (mon fils), pardonne ton père de n’avoir su être là.
J’ai le chagrin de celui qui sait que ça ne sert plus à grand-chose, le chagrin de l’olivier centenaire assistant au balet des générations sous ses yeux et qui est pris d’affection pour tous ceux qui le quitteront un jour.
L'immigration est une chance à bien des égards mais demeure une déchirure dont la plaie reste ouverte sur plusieurs générations. L'immigré et sa descendance n'auront pas le luxe de sédentariser leur identité, ils devront conjuguer avec et c'est tant mieux.
Tout ne va pas si mal tout compte fait.
Et toi qui écris ce texte, n’oublie jamais que rêver est la plus belle manière de vivre.
Je vous aime."
-"On va s'arrêter là pour aujourd'hui" me dit la psy.
Je me lève, quitte le petit salon dans lequel elle reçoit, tiens on a même dépassé l'heure sans qu'elle ne me facture plus.
Peut être que la chance commence à tourner.
Nostalgique d’un soleil que je n’ai plus jamais connu.http://www.lejournalinternational.fr/Maroc-
le-defi-migratoire_a1750.html

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