par
Nous sommes trois, en voyage au Maroc. Nous
arrivons à Imider avec l’idée de rencontrer les habitants de ce village
en lutte. Des jeunes viennent à notre rencontre. Nous partons ensemble
vers la montagne de l’Albban, la zone occupée d’Imider. Après 4
kilomètres de sentiers caillouteux, nous découvrons une cinquantaine de
maisons en pierres, en terre et en paille, des chemins de pierres peints
à la chaux. Le signe amazigh (berbère, prononcé « amazir ») de l’homme
libre, omniprésent.
Des manifestations ont lieu et sont fortement réprimées. Plusieurs personnes sont emprisonnées. En 1996, la mobilisation reprend. Le puits est saboté et un sit-in est entamé. Il dure 45 jours. Le 10 mars, la police intervient. 26 personnes sont emprisonnées. Les peines iront jusqu’à 2 ans de prison. La situation reste inchangée.
En 2004, la SMI creuse un forage d’eau et construit un réservoir sur le haut de la montagne de l’Albban de capacité 1600 m3. Inefficace, elle en creuse un deuxième sans autorisation. Les problèmes liés à l’eau s’amplifient. Ce sont d’abord les étudiants qui manifestent le 1er août 2011 lorsque la SMI refuse de les faire intégrer dans la mine pour bénéficier d’un mois de travail qui avait été prévu dans une convention antérieure entre les villageois et la société minière. La situation critique au sein du village entraîne la mobilisation des autres (femmes, hommes, chômeurs, etc.).
Naît alors le mouvement sur la voie de 96 (MSV96) en référence aux manifestations de cette année là. Le 20 août, la population occupe le haut de la montagne. Le 23, l’eau du second forage est coupée. Commence alors l’occupation effective de l’Albban depuis 2 ans ½.
Au début de l’occupation, les militants vivent dans des tentes. Après un mois commencent les auto-constructions. Aujourd’hui, une cinquantaine de maisons en pierres sèches ou en terre paille forme un petit village. Actuellement, environ 100 personnes y vivent. En cas de nécessité, Albban peut accueillir jusqu’à 400 personnes.
Hormis ce mode d’action, les habitants d’Imider se réunissent plusieurs fois par semaines en petites assemblées. Hommes et femmes s’organisent ensemble. Lors de ces réunions se discutent les lieux de marche (mines, forages ou village). On y donne des nouvelles de prisonniers et on communique sur des informations spécifiques. Les décisions importantes sont prises en grandes assemblées avec les 7 villages : actions directes, manifestations en ville… De ces assemblées ont émergé un ensemble de revendications dont, entre autres : la réduction de la pollution (nappes phréatiques, air, etc.), l’accès à l’emploi pour les locaux, une gestion raisonnée des ressources, de véritables droits sociaux et de santé, etc.
Au niveau juridique, aucune procédure n’est engagée contre les militants qui bloquent le puits. En effet, ce dernier a été creusé illégalement, la SMI n’a donc aucun intérêt à faire appel à la justice.
Aujourd’hui, on dénombre plus de 20 détenus, tous condamnés à des peines de prison fermes comprises entre 2 et 4 ans. Le procès des deux derniers condamnés a eu lieu fin février.
L’enjeu actuel du mouvement est aujourd’hui de faire connaître la lutte au travers de médias internationaux (AFP, New York Time, France 24, Russia today…). De plus, des militants du monde entier viennent à Imider soutenir la lutte et proposer des actions (ZAD en France, CNT Catalogne, brésiliens, thaïlandais…).
A Imider, les habitants imaginent différents moyens de résister :
Mobiliser plus de personnes,
Alerter l’opinion publique,
Se relier à des réseaux militants internationaux (droits de l’homme, Reclaim the field…),
Ouvrir un véritable dialogue avec les responsables politiques
Procéder à des études indépendantes à différents niveaux (impacts sur l’environnement, santé…) afin de légitimer les arguments de la lutte.
« Un vrai militant, c’est quelqu’un qui lutte pour les autres. »
« On demande aux médias de s’engager à décrire la réalité, même si elle est amère. »
« On ne quittera pas le mont d’Albban jusqu’à avoir nos droits. »
« Je suis venu ici pour lutter pour mes droits avec mes frères et mes sœurs. Les autorités locales et des personnes aux intérêts particuliers ont tout fait pour mettre des gens en prison. Les policiers ont fait de fausses accusations. Trois mois après, il y a eu le jugement et j’ai été condamné à un mois fermé ; après en avoir déjà passé trois ! Toutes ces injustices sont contre la lutte ici. »
« Je demande aujourd’hui la présence d’un comité d’investigation qui puisse appuyer la lutte avec de véritables recherches ou garantisse le respect des droits, peu importe d’où ils viennent dans le monde. »
« La prison est juste un moment de repos pour un militant. »
« Il y a beaucoup de convocations d’activistes à la gendarmerie qui finissent directement en prison. Beaucoup de militants ayant des convocations doivent se cacher. »
« Au village d’Imider, il n’y a pas eu d’école pendant un an. Une année blanche en lien avec les marches de 2011. Après cela il y a eu des négociations pour accéder à l’ensemble des enseignements, du matériel et des transports. Mais la réponse a été : l’éducation ne sera pas améliorée si les habitants continuent de lutter. »
« Mon père est en prison. Ma mère à l’Albban. Qui est le responsable ? »
« La chose importante dans la lutte, c’est que les femmes et les hommes aillent main dans la main dans la même direction. »
« Au contraire de la vie quotidienne et de l’habitude culturelle où les femmes sont négligées et exclues, le mouvement de lutte donne une place et un moyen d’expression aux femmes notamment pour réclamer des moyens médicaux suffisants pour leur grossesse. »
AutO-MédiA
https://www.facebook.com/Amussu.96Imider
amussu.96imider@gmail.com le.radeau@voila.fr
Contexte
Situé au Sud Est du Maroc, à environ 200 kilomètres au Nord Est de Ouarzazate, Imider est une commune composée de 7 villages et d’environ 7000 habitants. Depuis 1969, la société métallurgique d’Imider (SMI) exploite une mine d’argent. Celle-ci est aujourd’hui la plus importante en Afrique. En 1986, la SMI creuse un premier puits en bas de l’Albban pour alimenter l’usine en eau. Ce forage, directement relié à la nappe phréatique et se situant avant le village, aura des répercussions immédiates. Le niveau d’eau baisse et l’agriculture en pâtit.Des manifestations ont lieu et sont fortement réprimées. Plusieurs personnes sont emprisonnées. En 1996, la mobilisation reprend. Le puits est saboté et un sit-in est entamé. Il dure 45 jours. Le 10 mars, la police intervient. 26 personnes sont emprisonnées. Les peines iront jusqu’à 2 ans de prison. La situation reste inchangée.
En 2004, la SMI creuse un forage d’eau et construit un réservoir sur le haut de la montagne de l’Albban de capacité 1600 m3. Inefficace, elle en creuse un deuxième sans autorisation. Les problèmes liés à l’eau s’amplifient. Ce sont d’abord les étudiants qui manifestent le 1er août 2011 lorsque la SMI refuse de les faire intégrer dans la mine pour bénéficier d’un mois de travail qui avait été prévu dans une convention antérieure entre les villageois et la société minière. La situation critique au sein du village entraîne la mobilisation des autres (femmes, hommes, chômeurs, etc.).
Naît alors le mouvement sur la voie de 96 (MSV96) en référence aux manifestations de cette année là. Le 20 août, la population occupe le haut de la montagne. Le 23, l’eau du second forage est coupée. Commence alors l’occupation effective de l’Albban depuis 2 ans ½.
Au début de l’occupation, les militants vivent dans des tentes. Après un mois commencent les auto-constructions. Aujourd’hui, une cinquantaine de maisons en pierres sèches ou en terre paille forme un petit village. Actuellement, environ 100 personnes y vivent. En cas de nécessité, Albban peut accueillir jusqu’à 400 personnes.
Hormis ce mode d’action, les habitants d’Imider se réunissent plusieurs fois par semaines en petites assemblées. Hommes et femmes s’organisent ensemble. Lors de ces réunions se discutent les lieux de marche (mines, forages ou village). On y donne des nouvelles de prisonniers et on communique sur des informations spécifiques. Les décisions importantes sont prises en grandes assemblées avec les 7 villages : actions directes, manifestations en ville… De ces assemblées ont émergé un ensemble de revendications dont, entre autres : la réduction de la pollution (nappes phréatiques, air, etc.), l’accès à l’emploi pour les locaux, une gestion raisonnée des ressources, de véritables droits sociaux et de santé, etc.
Actualités et perspectives de lutte
A ce jour, le dialogue avec les autorités (SMI, commune rurale, province) est rompu. Une commission de dialogue, comprenant 10 membres élus en assemblées, existe mais n’est pas consultée. En effet, en 2012, un pseudo-accord est signé entre les trois parties, faisant croire dans les médias à un arrêt de la lutte. De plus, la commission de dialogue n’est pas incluse dans cet accord. S’opposant donc à cet accord, le mouvement dénonce cette stratégie de désinformation par le biais d’une pétition réunissant 2000 signatures. Cette dernière a été rejetée par le gouverneur de la province. Mais pour les habitants, la lutte continue au jour le jour.Au niveau juridique, aucune procédure n’est engagée contre les militants qui bloquent le puits. En effet, ce dernier a été creusé illégalement, la SMI n’a donc aucun intérêt à faire appel à la justice.
Aujourd’hui, on dénombre plus de 20 détenus, tous condamnés à des peines de prison fermes comprises entre 2 et 4 ans. Le procès des deux derniers condamnés a eu lieu fin février.
L’enjeu actuel du mouvement est aujourd’hui de faire connaître la lutte au travers de médias internationaux (AFP, New York Time, France 24, Russia today…). De plus, des militants du monde entier viennent à Imider soutenir la lutte et proposer des actions (ZAD en France, CNT Catalogne, brésiliens, thaïlandais…).
A Imider, les habitants imaginent différents moyens de résister :
Mobiliser plus de personnes,
Alerter l’opinion publique,
Se relier à des réseaux militants internationaux (droits de l’homme, Reclaim the field…),
Ouvrir un véritable dialogue avec les responsables politiques
Procéder à des études indépendantes à différents niveaux (impacts sur l’environnement, santé…) afin de légitimer les arguments de la lutte.
Témoignages
« En venant ici à l’Albban et en luttant, je me suis découvert moi-même, mes terres, mes droits. Pour tout cela, je ne m’arrêterai jamais de me battre. »« Un vrai militant, c’est quelqu’un qui lutte pour les autres. »
« On demande aux médias de s’engager à décrire la réalité, même si elle est amère. »
« On ne quittera pas le mont d’Albban jusqu’à avoir nos droits. »
« Je suis venu ici pour lutter pour mes droits avec mes frères et mes sœurs. Les autorités locales et des personnes aux intérêts particuliers ont tout fait pour mettre des gens en prison. Les policiers ont fait de fausses accusations. Trois mois après, il y a eu le jugement et j’ai été condamné à un mois fermé ; après en avoir déjà passé trois ! Toutes ces injustices sont contre la lutte ici. »
« Je demande aujourd’hui la présence d’un comité d’investigation qui puisse appuyer la lutte avec de véritables recherches ou garantisse le respect des droits, peu importe d’où ils viennent dans le monde. »
« La prison est juste un moment de repos pour un militant. »
« Il y a beaucoup de convocations d’activistes à la gendarmerie qui finissent directement en prison. Beaucoup de militants ayant des convocations doivent se cacher. »
« Au village d’Imider, il n’y a pas eu d’école pendant un an. Une année blanche en lien avec les marches de 2011. Après cela il y a eu des négociations pour accéder à l’ensemble des enseignements, du matériel et des transports. Mais la réponse a été : l’éducation ne sera pas améliorée si les habitants continuent de lutter. »
« Mon père est en prison. Ma mère à l’Albban. Qui est le responsable ? »
« La chose importante dans la lutte, c’est que les femmes et les hommes aillent main dans la main dans la même direction. »
« Au contraire de la vie quotidienne et de l’habitude culturelle où les femmes sont négligées et exclues, le mouvement de lutte donne une place et un moyen d’expression aux femmes notamment pour réclamer des moyens médicaux suffisants pour leur grossesse. »
- Un militant en haut de l’Allban avec le drapeau amazigh
Conclusion
Dire que les habitants d’Imider sont déterminés à résister est un euphémisme. Imaginez 40 ans d’activités de la mine et d’impact sur l’environnement et la population. Des richesses immenses sont extraites du sous-sol et confisquées aux habitants originels de cette région qui souffre d’une grande pauvreté. Le combat qui a lieu en ce moment au Maroc, destination de vacances très prisées par les occidentaux, nous rappelle la situation des mines de charbon en France au début du XX ème siècle. Un exemple supplémentaire qui illustre encore la logique des élites en ce monde : le profit à tout prix au détriment de l’humain et de son environnement. Les droits légitimes du peuple ne se gagneraient donc que par l’organisation collective et la lutte politique. En France, en Europe et partout dans le monde, ce sont les mouvements et les luttes sociales qui ont permis la mise en place de certains acquis sociaux, une plus grande justice et plus de démocratie. L’activisme a encore de beaux jours devant lui. Enfin, un des aspects marquant de cette lutte est la force et l’importance de l’identité culturelle amazigh au Maroc et particulièrement dans cette région du pays. A Imider, l’identité culturelle constitue un élément fort qui soude les habitants dans la lutte. Conserver les cultures locales ou fonder nos propres cultures de résistance semble un enjeu important pour les luttes d’aujourd’hui et de demain.AutO-MédiA
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ayuz
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