Les
résultats du premier tour des municipales signent, sans surprise, le
divorce d’une partie de l’électorat de gauche avec la politique du
gouvernement. Une rupture progressive depuis deux ans, à laquelle
l’exécutif veut répondre par plus de « justice sociale », tout en préparant 50 milliards d’euros d’économies.
Jusqu’au bout, les socialistes ont espéré contenir la défaite
prévisible. Sur le terrain, leurs électeurs ne leur jetaient pas d’œufs,
ils leur ouvraient la porte. Personne, ou presque, ne les insultait.
Dans les salons des ministères, certains se prenaient même à rêver d’une
acceptation bien plus grande, que ne le prédisaient les sondages, de la
politique de François Hollande. Aux journalistes pessimistes, ceux-là
répondaient que la presse parisienne était déconnectée de la réalité du
pays et de la force du « socialisme des territoires », ou que Mediapart était « l’ultra-gauche ».
Dimanche, le premier tour des municipales confirme pourtant l’évidence : en deux ans, François Hollande a profondément démobilisé son électorat. La « désertion des urnes » dont parlait la semaine dernière l’ami et conseiller du président, Bernard Poignant, en est la preuve. L’abstention a atteint un niveau record, à plus de 38 %, soit une hausse de cinq points par rapport aux municipales de 2008, et elle touche d’abord les électeurs socialistes. Sans surprise, ce sont les quartiers populaires et les jeunes qui ont massivement boudé le scrutin. Marseille en a fait la démonstration éclatante.
Et quand ils sont allés voter, les électeurs ont sévèrement
sanctionné les candidats socialistes. En six ans, ils ont souvent perdu
un nombre très impressionnant de voix.
C’est par exemple le cas à Limoges, bastion de gauche, où la tête de liste perd 26 points par rapport à 2008 ! Le maire sortant Alain Rodet, élu au premier tour en 1995, en 2001 et en 2008, devra cette fois subir un second tour. Dans l’Ouest, Niort, dirigée par la gauche depuis 1957, bascule à droite dès le premier tour ; Quimper pourrait échapper à Bernard Poignant ; Lorient, fief de Jean-Yves Le Drian, voit le Front national se qualifier au second tour… (lire en cliquant ici l'article d'Hubert Huertas détaillant les scores électoraux du PS).
La gauche n’est pas non plus assurée de conserver Toulouse, Strasbourg, Metz, Reims, Auxerre, La Roche-sur-Yon, Angoulême, Angers, Laval, Sens, plusieurs villes de banlieue parisienne comme Bobigny… En Corrèze, le département que dirigea François Hollande, Tulle, dont il fut le maire, fait figure d’exception avec la réélection au premier tour d’un conseiller du président de la République, Bernard Combes. À Brive-la-Gaillarde et à Ussel, la droite est grande favorite du second tour et elle l’a même emporté au premier tour à Argentat, la ville de feu René Teulade.
La poussée du Front national en est la conséquence logique. Partout, ou presque, il progresse, en pourcentage et en voix (lire notre article). Pour la première fois de son histoire, il a même remporté une ville, Hénin-Beaumont, dès le premier tour.
Cette fois, le gouvernement ne peut pas esquiver : c’est lui, et François Hollande, qui sont sanctionnés. Les ministres, bien peu nombreux à courir les plateaux de télévision dimanche soir, ont dû le reconnaître avec, à chaque fois, les mêmes éléments de langage. « L’électorat de gauche a envoyé un message. Il est parfaitement compris », a promis Stéphane Le Foll, un proche du président de la République. « Il y a des inquiétudes, des attentes, peut-être du mécontentement. Il y a un climat national de tension, parfois de défiance », a dit la ministre des affaires sociales Marisol Touraine.
Lundi, après un tête-à-tête entre Jean-Marc Ayrault et François
Hollande, les piliers de la majorité invités à déjeuner à Matignon ont
plaidé pour un réajustement du discours gouvernemental. Selon plusieurs
sources, les participants ont tous plaidé pour arrêter de marteler
uniquement que le cap choisi est le bon, et de n’insister que sur la
compétitivité et la baisse des dépenses publiques.
À la sortie, Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement, a résumé le sentiment général : « On entend notamment le désir des électeurs français d’avoir davantage encore de justice sociale dans le redressement que nous sommes en train d’opérer, ce message est entendu. » Avant d’insister, devant la presse : « Le message, c’est une demande de justice sociale encore plus forte. Nous avons fait en sorte depuis deux ans de remettre de la justice sociale dans tout ce que nous faisons, soyons clairs, mais ce qui nous est envoyé par les électeurs, c’est cette demande accrue de justice sociale dans le redressement et les réformes que nous menons depuis maintenant deux ans. »
Ce discours était porté depuis des mois, jusque-là en vain, par des ministres aussi divers que Vincent Peillon, Benoît Hamon, Arnaud Montebourg, les écologistes ou Stéphane Le Foll. Mais François Hollande avait choisi depuis début janvier de concentrer son discours politique sur le « pacte de responsabilité », avec une terminologie qui parle bien plus aux énarques du VIIe arrondissement qu’aux électeurs des quartiers populaires. Une démarche qui signait l’aboutissement de l’éloignement du président de la République vis-à-vis d’une partie de l’électorat qui l’a porté au pouvoir.
Ces derniers mois, celui-ci s’est profondément déstructuré, sous l’effet, parfois confus et difficile à démêler, de la crise économique et sociale, des promesses non tenues, d’une politique économique plus libérale qu’annoncé, de la désorganisation manifeste de l’exécutif… Par cercles concentriques, la désaffection a peu à peu atteint le cœur de l’électorat socialiste.
Dimanche, le premier tour des municipales confirme pourtant l’évidence : en deux ans, François Hollande a profondément démobilisé son électorat. La « désertion des urnes » dont parlait la semaine dernière l’ami et conseiller du président, Bernard Poignant, en est la preuve. L’abstention a atteint un niveau record, à plus de 38 %, soit une hausse de cinq points par rapport aux municipales de 2008, et elle touche d’abord les électeurs socialistes. Sans surprise, ce sont les quartiers populaires et les jeunes qui ont massivement boudé le scrutin. Marseille en a fait la démonstration éclatante.
Dans un bureau de vote parisien, le 23 mars 2014 © Nicolas Serve |
C’est par exemple le cas à Limoges, bastion de gauche, où la tête de liste perd 26 points par rapport à 2008 ! Le maire sortant Alain Rodet, élu au premier tour en 1995, en 2001 et en 2008, devra cette fois subir un second tour. Dans l’Ouest, Niort, dirigée par la gauche depuis 1957, bascule à droite dès le premier tour ; Quimper pourrait échapper à Bernard Poignant ; Lorient, fief de Jean-Yves Le Drian, voit le Front national se qualifier au second tour… (lire en cliquant ici l'article d'Hubert Huertas détaillant les scores électoraux du PS).
La gauche n’est pas non plus assurée de conserver Toulouse, Strasbourg, Metz, Reims, Auxerre, La Roche-sur-Yon, Angoulême, Angers, Laval, Sens, plusieurs villes de banlieue parisienne comme Bobigny… En Corrèze, le département que dirigea François Hollande, Tulle, dont il fut le maire, fait figure d’exception avec la réélection au premier tour d’un conseiller du président de la République, Bernard Combes. À Brive-la-Gaillarde et à Ussel, la droite est grande favorite du second tour et elle l’a même emporté au premier tour à Argentat, la ville de feu René Teulade.
La poussée du Front national en est la conséquence logique. Partout, ou presque, il progresse, en pourcentage et en voix (lire notre article). Pour la première fois de son histoire, il a même remporté une ville, Hénin-Beaumont, dès le premier tour.
Cette fois, le gouvernement ne peut pas esquiver : c’est lui, et François Hollande, qui sont sanctionnés. Les ministres, bien peu nombreux à courir les plateaux de télévision dimanche soir, ont dû le reconnaître avec, à chaque fois, les mêmes éléments de langage. « L’électorat de gauche a envoyé un message. Il est parfaitement compris », a promis Stéphane Le Foll, un proche du président de la République. « Il y a des inquiétudes, des attentes, peut-être du mécontentement. Il y a un climat national de tension, parfois de défiance », a dit la ministre des affaires sociales Marisol Touraine.
À la sortie, Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement, a résumé le sentiment général : « On entend notamment le désir des électeurs français d’avoir davantage encore de justice sociale dans le redressement que nous sommes en train d’opérer, ce message est entendu. » Avant d’insister, devant la presse : « Le message, c’est une demande de justice sociale encore plus forte. Nous avons fait en sorte depuis deux ans de remettre de la justice sociale dans tout ce que nous faisons, soyons clairs, mais ce qui nous est envoyé par les électeurs, c’est cette demande accrue de justice sociale dans le redressement et les réformes que nous menons depuis maintenant deux ans. »
Ce discours était porté depuis des mois, jusque-là en vain, par des ministres aussi divers que Vincent Peillon, Benoît Hamon, Arnaud Montebourg, les écologistes ou Stéphane Le Foll. Mais François Hollande avait choisi depuis début janvier de concentrer son discours politique sur le « pacte de responsabilité », avec une terminologie qui parle bien plus aux énarques du VIIe arrondissement qu’aux électeurs des quartiers populaires. Une démarche qui signait l’aboutissement de l’éloignement du président de la République vis-à-vis d’une partie de l’électorat qui l’a porté au pouvoir.
Ces derniers mois, celui-ci s’est profondément déstructuré, sous l’effet, parfois confus et difficile à démêler, de la crise économique et sociale, des promesses non tenues, d’une politique économique plus libérale qu’annoncé, de la désorganisation manifeste de l’exécutif… Par cercles concentriques, la désaffection a peu à peu atteint le cœur de l’électorat socialiste.
Pas de décision sur le remaniement avant le second tour
Très vite après son arrivée à l’Élysée, Hollande a fâché les
électeurs de Jean-Luc Mélenchon et les bataillons syndicaux de la CGT,
en faisant ratifier le traité européen TSCG, en annonçant les premières mesures de baisse du coût du travail à l’automne 2012 (c’était le pacte de compétitivité inspiré par le rapport Gallois), en libéralisant le marché du travail avec l’Ani, ou en allongeant la durée de cotisations lors de la réforme des retraites.
Les jeunes et les quartiers populaires ont mal vécu le renoncement
sur le contrôle au faciès ou le droit de vote des étrangers. Certains
secteurs du PS engagés dans les associations comme RESF ont aussi
vivement protesté contre les propos de Manuel Valls sur les Roms ou le scandale Leonarda. L’électorat de centre-ville, CSP+, a également été échaudé récemment par l’abandon de la loi famille ou le renoncement à la PMA pour les couples de femmes, quand les fonctionnaires ont bondi aux cafouillages sur le gel de leur avancement.
Plus largement, et plus profondément encore, la majorité des Français
n’ont pas vu leur vie quotidienne s’améliorer, faite de précarité, de
pauvreté, de salaires moyens affaiblis par les hausses d’impôts, de
chômage… La promesse non tenue d’inversion de la courbe n’en a été que
l’illustration. La sensation d’une proximité
entre la politique économique de la gauche et de la droite a été
renforcée par le discours uniquement axé sur le coût du travail de la
conférence de presse du 14 janvier. « Les gens ont le sentiment qu’on fait des choix inverses à la campagne »,
admet un conseiller du pouvoir, qui a les pires craintes aux
européennes. Le tout avec un sentiment d’amateurisme d’une équipe qui
manque d’animation politique et de sens du collectif.
Quant aux écologistes, ils étaient au bord de la rupture définitive.
En face, certains conseillers socialistes rêvaient de les voir quitter
le navire gouvernemental. Sauf qu’Europe Écologie-Les Verts (EELV) sort
renforcé du premier tour des municipales, à l’image du score obtenu avec
le Parti de gauche à Grenoble. La loi sur la transition énergétique, en
cours d’arbitrage depuis des mois et objet d’un bras de fer parfois
tendu au sein du gouvernement, pourrait s’en ressentir.
Mais pas question, d’ici le second tour, d’annoncer de nouvelles
mesures ou bien de changer l’équipe ministérielle. Le message pour
l’instant se cantonne à dire que le message est passé mais que les
municipales ne sont pas une présidentielle. Ce n’est qu’à l’issue du
second tour que François Hollande prendra une décision. Lundi,
l’exécutif cultivait encore l’infime espoir de limiter la casse. « Soit
c’est la catastrophe avec plusieurs grandes villes perdues, soit c’est
un peu moins la catastrophe avec Paris et Strasbourg ou Toulouse qui
restent à gauche », résume un proche du président de la République.
Certains conseillers étaient, quant à eux, déjà ralliés au scénario
d’une défaite plus forte encore dimanche prochain.
L’ampleur de la débâcle conditionnera la portée et le sens politique du remaniement. « Il y a une obligation de réagir. Ce sera le débat des semaines à venir »,
espère un conseiller ministériel. Entre d’un côté une ligne plus à
gauche et plus écolo, avec laquelle Jean-Marc Ayrault peut espérer
rester compatible et, de l’autre, le trio Manuel Valls-Arnaud
Montebourg-Benoît Hamon, fait à la fois de discours républicain
“intransigeant” et de protection économique.
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