Trois évènements concomitants mais de nature différente, la
disparition de Nelson Mandela, le sommet de l’Elysée, l’intervention des
forces françaises en Centrafrique, ont permis de braquer les
projecteurs sur le continent de toutes les ambigüités.
Le bal des hypocrites autour de la dépouille du militant intraitable, fondateur de l’ANC, qui fut emprisonné 27 ans durant dans les geôles de l’apartheid a atteint des sommets à Paris.
L’hommage de François Hollande, le nouveau parrain des guerres préventives contre le « terrorisme », rendu à Madiba au milieu d’une brochette de dictateurs africains, frisait l’indécence. Il y avait en effet de quoi être mal à l’aise à entendre le Président exalter un « tous ensemble » qui cachait mal la défense des intérêts stratégiques de la France dans cette partie du monde.
Il ne manquait plus que Jacques Foccart et Jean Christophe Mitterrand pour nous rappeler que la Françafrique continue de plus belle, contrairement à ce que veut faire croire la propagande du Quai d’Orsay. Loin de l’avoir reléguée aux oubliettes de notre histoire coloniale, François Hollande l’Africain lui a donné un nouveau souffle en ripolinant l’armée française et en requinquant les dictateurs.
Nous ne serions donc plus là pour soutenir les régimes corrompus, mais pour « sauver » les populations en détresse.
Le cas de la Centrafrique est de ce point de vue emblématique. Valery Giscard d’Estaing chassait avec Bokassa 1er, qui le récompensait en diamants. Comme le cannibalisme de ce dernier était trop voyant, on envoya quelques régiments s’en défaire en transportant dans un Transall, David Dacko, le gérant choisi par la France. Il fut renversé et, après quelques péripéties, François Bozizé, le nouvel élu de l’Elysée, prit sa place.
Comme François Hollande préparait à cette époque l’envoi de troupes au Mali, il laissa Deby, dont il avait besoin pour repousser les groupes djihadistes, renverser l’autocrate centrafricain par Seleka interposée. Le chaos s’installa, milices du Nord et défenseurs de Bozizé s’affrontant dans une guerre de basse intensité où les massacres ethniques succédaient aux pogroms…
Une nouvelle fois, nous allons « libérer » la Centrafrique et dégager son Président, comme François Hollande l’a déclaré au sommet de l’Elysée.
Comment gèrerons nous un Etat en déliquescence totale, alors que pas un de nos partenaires européens ne veut nous suivre dans cette galère ? Quel pays est prêt à payer la reconstruction d’Etats que nous avons contribué à affaiblir par notre politique de prédateur depuis le temps des indépendances ? Quels sont les adversaires ? Quels sont les buts de guerre ? Une fois de plus, la France s’engage en Afrique, comme si elle était devenue un terrain de manœuvres militaires où l’on montre ses muscles sans définir les objectifs.
Fallait-il intervenir dans ces conditions ? Il peut paraître cynique de répondre non devant le consensus suscité par l’émotion que chacun a pu ressentir devant les images de la souffrance du peuple centrafricain.
Il faudra quand même un jour sortir de cette logique où l’on considère que notre devoir d’assistance et nos intérêts bien compris l’emportent toujours sur la souveraineté des peuples africains. Sommes-nous condamnés à jouer le rôle de pompier pyromane et de gendarme en Afrique ? Ce continent et ses peuples valent mieux que notre hypocrisie post-coloniale.
http://blogs.rue89.com/chez-noel-mamere/2013/12/10/hollande-lafricain-comme-au-bon-vieux-temps-des-colonies-231892
Le bal des hypocrites autour de la dépouille du militant intraitable, fondateur de l’ANC, qui fut emprisonné 27 ans durant dans les geôles de l’apartheid a atteint des sommets à Paris.
L’hommage de François Hollande, le nouveau parrain des guerres préventives contre le « terrorisme », rendu à Madiba au milieu d’une brochette de dictateurs africains, frisait l’indécence. Il y avait en effet de quoi être mal à l’aise à entendre le Président exalter un « tous ensemble » qui cachait mal la défense des intérêts stratégiques de la France dans cette partie du monde.
Nos amis les dictateurs
Nos amis les dictateurs torturent, emprisonnent et assassinent leurs opposants avec notre approbation, volent leurs peuples avec notre consentement muet, tandis que nous leur déployons le tapis rouge. Nous leur tissons des couronnes de lauriers pendant qu’ils vont se pavaner dans leurs « biens mal acquis », ces hôtels particuliers où, eux et leurs familles planifient leurs mauvais coups dans le dos de leurs peuples.Il ne manquait plus que Jacques Foccart et Jean Christophe Mitterrand pour nous rappeler que la Françafrique continue de plus belle, contrairement à ce que veut faire croire la propagande du Quai d’Orsay. Loin de l’avoir reléguée aux oubliettes de notre histoire coloniale, François Hollande l’Africain lui a donné un nouveau souffle en ripolinant l’armée française et en requinquant les dictateurs.
Nous ne serions donc plus là pour soutenir les régimes corrompus, mais pour « sauver » les populations en détresse.
Cannibalisme
Mais qui continue à piller les ressources, qui exploite les mines d’uranium, qui rachète les terres, qui contrôle les ports et le transit des marchandises ? Qui a des bases militaires pour intervenir sur tout le continent ? Les patrons de Bolloré, Bouygues, Total, Areva et autres se frottent les mains. Sommes-nous obligés de défendre des entreprises comme Areva qui paient au Niger, un des pays les plus pauvres du monde, 70 millions d’euros par an de redevance alors que l’essentiel de l’uranium importé par la France provient de son sol ? Grâce à la Françafrique, nos parts de marchés peuvent être sauvegardées face aux Chinois ou aux Américains. Business as usual.Le cas de la Centrafrique est de ce point de vue emblématique. Valery Giscard d’Estaing chassait avec Bokassa 1er, qui le récompensait en diamants. Comme le cannibalisme de ce dernier était trop voyant, on envoya quelques régiments s’en défaire en transportant dans un Transall, David Dacko, le gérant choisi par la France. Il fut renversé et, après quelques péripéties, François Bozizé, le nouvel élu de l’Elysée, prit sa place.
Montrer ses muscles
Celui ci ne fut pas le moins corrompu et répressif, mais il se heurta bien vite à Idriss Deby, notre ami tchadien, qui l’avait installé avec notre bénédiction. Incapable de réprimer les rebellions et les dissidents tchadiens arrivés sur son sol, Bozizé se heurta à Deby, qui arma des milices du Nord du pays regroupées sous l’étiquette politique de la Seleka.Comme François Hollande préparait à cette époque l’envoi de troupes au Mali, il laissa Deby, dont il avait besoin pour repousser les groupes djihadistes, renverser l’autocrate centrafricain par Seleka interposée. Le chaos s’installa, milices du Nord et défenseurs de Bozizé s’affrontant dans une guerre de basse intensité où les massacres ethniques succédaient aux pogroms…
Une nouvelle fois, nous allons « libérer » la Centrafrique et dégager son Président, comme François Hollande l’a déclaré au sommet de l’Elysée.
Comment gèrerons nous un Etat en déliquescence totale, alors que pas un de nos partenaires européens ne veut nous suivre dans cette galère ? Quel pays est prêt à payer la reconstruction d’Etats que nous avons contribué à affaiblir par notre politique de prédateur depuis le temps des indépendances ? Quels sont les adversaires ? Quels sont les buts de guerre ? Une fois de plus, la France s’engage en Afrique, comme si elle était devenue un terrain de manœuvres militaires où l’on montre ses muscles sans définir les objectifs.
Comme au bon vieux temps des colonies
Nous ne faisons que perpétuer un mécanisme propre à l’Afrique de l’Ouest, avec le maintien du franc CFA, l’entretien des bases militaires permanentes et des réseaux d’obligés et de barbouzes. On pratique comme au bon vieux temps des colonies :- le lundi on vote les subventions de la PAC aux gros agriculteurs, qui revendent leurs stocks sur les marchés africains ;
- le mardi les prix des produits alimentaires flambent, tandis que le bas coût des produits manufacturés, textiles ou autres, détruit la production locale ;
- le mercredi, on met en place un mécanisme de la dette qui entraîne le paiement à l’infini de ses intérêts ;
- le jeudi, on fait pression sur les États sous perfusion pour qu’ils privatisent les services publics afin de rembourser les intérêts de cette dette ;
- le vendredi, le démantèlement de ces États, la baisse du pouvoir d’achat des paysans et des fonctionnaires mis au chômage par la hausse du prix des denrées alimentaires, provoque crises alimentaires et famines ;
- le samedi, des émeutes éclatent, aussitôt suivies par des crises identitaires que renforce l’affrontement entre les partisans d’un islam financé par nos « amis » du Qatar et de l’Arabie Saoudite et les catholiques ou les évangélistes protestants contrôlés par les églises américaines ;
- le dimanche, l’armée française, appelée à l’aide par des dirigeants aux abois, intervient pour remettre de l’ordre et repousser les milices un peu plus loin, étendant la crise qu’elle prétendait juguler.
Fallait-il intervenir dans ces conditions ?
Sarkozy avait créé un précédent avec la Libye : les groupes mercenaires touaregs ont essaimé au Mali. Chassés du Mali, ils se répandent dans tout le Sahel et, au-delà, dans l’Afrique centrale, du Cameroun au Nigeria. En Centrafrique les mêmes causes produiront les mêmes effets.Fallait-il intervenir dans ces conditions ? Il peut paraître cynique de répondre non devant le consensus suscité par l’émotion que chacun a pu ressentir devant les images de la souffrance du peuple centrafricain.
Il faudra quand même un jour sortir de cette logique où l’on considère que notre devoir d’assistance et nos intérêts bien compris l’emportent toujours sur la souveraineté des peuples africains. Sommes-nous condamnés à jouer le rôle de pompier pyromane et de gendarme en Afrique ? Ce continent et ses peuples valent mieux que notre hypocrisie post-coloniale.
http://blogs.rue89.com/chez-noel-mamere/2013/12/10/hollande-lafricain-comme-au-bon-vieux-temps-des-colonies-231892
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