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jeudi 12 décembre 2013

Une communication sur la haine et la xénophobie au Maroc

07/12/2013

Suite au meurtre d'un jeune camerounais dans la région de Tanger , en l'absence d'une réaction officielle du gouvernement camerounais, nous vous livrons ci-dessous l'intégralité de la communication du Mouvement Camerounais Pour la Social-Démocratie, la nature ayant horreur du vide...
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Noirs Maocr
Suite au meurtre d'un jeune camerounais dans la région de Tanger et à la montée des violences à caractère raciale qui touchent la communauté noire au Maroc, le Mouvement Camerounais Pour la Social-Démocratie par la voix de son président a initié un dialogue avec Me Driss LACHGAR Premier Secrétaire de l’Union socialiste des forces populaires du Maroc.
En l'absence d'une réaction officielle du gouvernement camerounais, nous vous livrons ci-dessous l'intégralité de la communication, la nature ayant horreur du vide...
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Monsieur le Premier Secrétaire et cher Camarade,

Mercredi 4 décembre dernier au quartier de Boukhalef, à Tanger un de nos jeunes compatriotes, installé au Maroc depuis 5 ans a trouvé la mort. Ceci à la suite d’une course poursuite avec la police de la ville ainsi que le rapporte le Yassine Lachiri, journaliste à Tanger. Ce troisième meurtre en l’espace de trois mois nous amène à saisir votre parti qui est notre partenaire politique afin d’attirer votre attention, mais aussi celle du parlement marocain et évidemment du gouvernement frère et ami du Royaume du Maroc.
L’immigration est un problème partout dans le monde aujourd’hui et le Cameroun comme le Maroc ne sont pas en reste. Le Maroc est pour beaucoup une porte vers l’Europe et nous comprenons les inquiétudes du Royaume à cet effet. Avec gravité et sincérité, nous voulons vous dire que nous sommes les interprètes d’un Cameroun qui reste attaché à l’amitié séculaire qui unit nos deux peuples et les gouvernants de notre pays et ceux de votre Royaume. Cette longue amitié entre nos peuples ne doit pas être stigmatisée. Aujourd’hui, son inquiétude est réelle, sa cause est profonde et argumentée.
De nombreux hommes d’affaires du Royaume du Maroc sont installés dans notre pays, et au niveau gouvernemental, les autorités camerounaises ont accordé des facilités aux multinationales marocaines notamment dans la gestion et la distribution de l’eau. Nous constatons que les nombreux assassinats et la maltraitance dont sont victimes nos compatriotes font surgir des tensions, plus que détestables. Les réseaux sociaux sont trop souvent devenus les vecteurs d’une violence féroce entre immigrants et population locale voire avec les autorités policières. Nous sommes les premiers à affirmer, pour avoir visité le Maroc à plusieurs reprises, que la société marocaine a progressé ces dernières années en tolérance, mais voici que renaissent des comportements préjudiciables à tous.
Face à cette situation, nous ne pouvons oublier qu’en dehors de vos fonctions à l’Internationale Socialiste où nous avons eu l’honneur de nous rencontrer, vous êtes avocat, défenseur des droits de l’homme et député. Nous ne pouvons donc que vous demander d’agir, car les risques de rupture existent. De nombreux parents camerounais ont leurs enfants dans les grandes écoles et universités marocaines; l’inquiétude est grandissante et cette inquiétude devrait être entendue.
Nous nous inscrivons ici dans le respect de la souveraineté du Royaume du Maroc qui se doit d’appliquer sur son territoire les lois, les siennes, nous ne pouvons donc pas nous ériger en juges. Cependant, les gémissements des parents, les inquiétudes de nos enfants et compatriotes même en situation d’illégalité par rapport à leur statut nous interpellent.

Cher camarade, au moment, où nous rédigeons cette correspondance, les images embarrassantes, insupportables des barques atterrissant sur les plages de Lampedusa avec leurs chargements de « boat people » en provenance de Tunisie, de Libye, et de plus loin encore occupent les écrans de télévision sans fin prévisible. Ce n’est pas du Royaume du Maroc et de son peuple que nous devons entendre cette voix : nous sommes chez nous – Noirs-Africains, mourez ou rentrez chez vous le fusil dans les reins.
Si l’on a quelque honnêteté intellectuelle, de telles situations interdisent tout discours bien-pensant. Nous risquerions-nous alors, comme nous le proposions déjà lors de notre première correspondance, à faire l’éloge de l’hospitalité, voire de cette hospitalité « inconditionnelle » que notre maître et devenu avec les années un ami le philosophe Jacques Derrida, dans des essais désormais célèbres, avait définie comme la forme même de la démocratie, et donc de la politique à venir? Cette hospitalité qui nous demande d’accueillir l’étranger, non seulement comme un « semblable » ou un « frère », mais comme un égal avec qui construire la « maison commune » de nos droits et de nos projets? Eh bien oui, en dépit des difficultés dont nous avons une conscience aiguë comme acteur politique, mais aussi comme intellectuel. Et cela pour trois raisons.

Premièrement, l’appel à une hospitalité inconditionnée doit certes exercer une influence, et même une contrainte sur les États. Mais il ne s’adresse pas à eux. Des États, qui gèrent (fort mal) les flux de population, les codes de nationalité, les polices des frontières, nous n’attendons rien de tel. Non seulement parce qu’ils n’en sont pas capables, mais parce que telle n’est pas leur fonction. Cela ne veut pas dire que nous les déchargions de leur responsabilité dans le déchaînement d’un manque d’hospitalité généralisé qui - surtout pour les plus démunis - affecte désormais la circulation et la condition des hommes dans le monde. Au contraire, au nom du principe d’hospitalité et de l’inconditionnalité qu’il comporte, nous exigeons des États qu’ils créent les conditions, autant qu’ils le peuvent, d’une circulation des habitants de la planète, convenablement « réglementée » ou, mieux, organisée avec le concours de tous ceux qu’elle concerne, mais essentiellement libre. Et, pour cela, qu’ils cessent d’instrumentaliser les peurs et les xénophobies, mais exposent à la discussion les vraies dimensions économiques, culturelles ou démographiques de la migration, les changements qu’elle induit, les problèmes qu’elle pose et les bénéfices mutuels qu’elle comporte.
Deuxièmement, un tel appel ne s’adresse pas non plus aux personnes qui nous entourent, mais pour une raison inverse : c’est qu’elles n’ont pas besoin qu’on les exhorte à ce qu’elles font déjà, et dont elles nous enseignent à la fois l’urgence, la valeur, et la difficulté. L’hospitalité inconditionnelle, c’est la solidarité, c’est l’hébergement, les secours, l’écoute, la connaissance qui brisent l’isolement des étrangers sur le territoire national, et particulièrement de ceux qui s’y trouvent en situation de précarité, d’illégalité ou d’exclusion, en raison de la contradiction violente entre les nécessités de leur existence et le pouvoir des intérêts dominants. Mais beaucoup d’entre nous, en terre africaine, avons oublié à cet égard les enseignements de notre histoire, et de nos textes fondateurs. Nous avons déchu par rapport à d’autres civilisations à qui nous ne nous privons pas de donner des leçons.

Enfin, la résistance au manque d’hospitalité importe à notre citoyenneté : nous voulons parler de cette citoyenneté active, collectivement instituée, qui ne se réduit jamais à l’obéissance aux gouvernements, mais ne se réfugie pas pour autant dans l’irresponsabilité politique. Faute d’hospitalité, les étrangers (ou certains d’entre eux, en quelque sorte « plus étranges » que d’autres) sont traités comme des ennemis redoutables, indésirables et haïssables. Cette perversion de l’appartenance ne renforce pas les États et ne préserve pas les nations. Au contraire, elle les délégitime et les déstabilise. Elle instaure un état d’exception permanent qui s’apparente à une guerre civile mondialisée. Elle annonce des catastrophes qui ne seront plus seulement « humanitaires ».
Faute d’hospitalité, les citoyens d’ici et les citoyens d’ailleurs (par exemple ceux du Cameroun et ceux du Maroc), entre lesquels se dresse un mur de ségrégation et de préjugés, sont privés des moyens de penser leurs intérêts communs (travail, emploi, création, environnement, éducation...) et de régler leurs différends (qu’ils datent d’hier ou d’aujourd’hui). Personne ne peut croire que les intérêts s’harmoniseront spontanément, mais personne ne doit, non plus, prétendre sans débat qu’ils soient inconciliables. Faute d’hospitalité, les populations ne sont que des « variables d’ajustement » pour l’économie de marché ou des « races », servant de boucs émissaires en temps de crise. Ce ne sont pas des peuples, au sens historique, culturel et démocratique du terme. Faire l’éloge de l’hospitalité, et la pratiquer en dépit de tout, ce n’est donc pas se réfugier dans le moralisme ou, comme disent certains, dans « l’angélisme », mais c’est travailler sans relâche, en tant que citoyens de certains États et du monde, à faire en sorte que l’inconditionnel, qui est tout simplement l’humain, entre dans la réalité. C’est faire de la politique, et recréer la politique.

Monsieur le Premier secrétaire et cher camarade, comme social-démocrate, nous estimons qu’il est de bon ton de vous saisir, comme élu de la Nation. Oui, votre combat est au Parlement, mais comme leader socialiste vous avez le devoir de sensibiliser. Les parents et nos enfants ont besoin d’être rassurés. Réconciliez nos peuples!
Dr Vincent-Sosthène FOUDA
Président du M.C.P.S.D

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