C'est ainsi que notre richesse hydraulique est volée par la
société minière.
I- Introduction
:
Le cadre climatique et
hydrologique
o Pluviométrie
Le régime annuel des pluies est
caractérisé par deux saisons humides d’automne et de printemps, séparées par
une brève saison d’hiver à minimum relatif faible et par une longue saison
d’été très marquée par la sécheresse. La répartition des pluies montre une
moyenne inférieure à un jour de précipitations par mois avec un maximum de 25
jours par an et un minimum de 2 à 3 jours par an. Le régime interannuel est
caractérisé par une grande irrégularité. Ces indices dénotent un climat
présaharien qui s’atténue dans les zones de piémont avec la continentalité.
o Températures
Les moyennes annuelles sont très
élevées et confirment l’aridité du climat. On constate généralement que le mois
de juillet est le plus chaud et celui de janvier est le plus froid avec des
moyennes journalières respectives comprises entre 35°C et 37°C et 5°C et 7°C. L’amplitude journalière
moyenne varie avec les saisons et l’écart maximum est toujours égal ou
supérieur à 50°C.
o Evaporation
L’évaporation réelle est mal
connue et très différente suivant que l’on considère la région naturelle ou les
vallées cultivées dans lesquelles règne un microclimat. Elle est au moins égale
à 90% de la pluviométrie dans les zones incultes, soit plus de 95% de la
superficie totale et supérieure de 7 à 10 fois cette valeur dans les surfaces agricoles.
La transpiration des plantes, l’évaporation sur les surfaces irriguées et le
plan de la nappe concourent à augmenter la valeur totale de
l’évapotranspiration.
o Les
vents
Le Haut Atlas forme une barrière
pour les vents froids qui se développent sur le Maroc atlantique au nord.
L’influence saharienne se manifeste au Sud et à l’Est et remonte dans les
vallées montagneuses. De la fin du printemps au début de l’automne, un régime
de vents chauds –Chergui – peut s’instaurer pour des périodes variant de
quelques jours à plusieurs semaines. Les vents sont surtout de direction Est ou
Sud/Sud-est.
o Hydrologie
L’oued « Assif
Ntarguit » est l’un des affluents du Tudgha. Signalons que la seule
station hydrologique permettant d’enregistrer des données sur le bassin versant
de Tudgha est celle des « Ayt Buwjjan ». Ceci traduit l’absence de
données précises sur le régime hydraulique de l’oued « Assif
Ntarguit ».
D’une manière générale, cet
affluent ne présente pas d’écoulements superficiels permanents. L’essentiel des
écoulements prend la forme de crues et d’écoulements souterrains. Ces derniers
sont essentiellement exploités par puits ou « Khettaras ».
Source : étude d’impact
établie par L3E pour SIVAMINE fournissant les matériaux pour remblais cimentés
pour la SMI. (pages 9 et 10).
II- Exploitation
du puits « Taguit » depuis 1986 :
Les projets d’extension entrepris
par la société minière (S.M.I.) depuis son installation à Imider en 1969 avaient
pour but principal l’augmentation de la capacité productive de la mine
d’argent. Une telle augmentation s’est accompagnée par un besoin de plus en
plus croissant en eau. Parallèlement, l'Office National des Hydrocarbures et
des Mines (ONHYM- anciennement appelé " bureau des recherches et de
participations minières "), a creusé le puits "Targuit" illégalement
et au détriment des fermes des petits paysans voisins, mettant en danger leurs familles.
Conscients de l'importance des
menaces que représente ce point de captage pour la survie de leurs activités et
de leurs modes de vie , tout comme pour l'environnement de manière générale,
ces paysans pauvres ont adressé de nombreuses réclamations et demandes
d'intervention aux responsables du secteur agricole ainsi qu’aux autorités
compétentes en matière de gestion de l'eau pour freiner cette exploitation
illégale. Malheureusement, ces démarches n'ont suscité l’intérêt d'aucun
d'entre eux, ce qui a encouragé la surexploitation de ce puits jusqu'à nos
jours.
La société minière a poursuivi ses
opérations d'extension en 2004, après une vaste exploration des montagnes
nommées IWDRAN (Igoudrane), à quelques kilomètres à l'Est de l'usine de
traitement, pour en extraire des quantités supplémentaires de métal précieux.
Pour couvrir cette augmentation de production, la SMI a implanté des forages
dans la zone nommée Tidsa, sise au nord-est de la commune rurale d'Imider, étant
donné que le puits de "Targuit" était incapable de répondre seul aux
besoins de l'usine.
Ladite société a entamé des
négociations avec les élus et les responsables des vallées et villages voisins
[vallée de Dades, vallée de Tdeght (Toudgha), village d'Areg ...), sans arriver
à un compromis lui permettant d'effectuer des captages dans leurs ressources
hydriques. La société minière fait appel encore une fois à Imider pour atteindre
ses objectifs.
Après une série de négociations
accélérées, la S.M.I. a réussi à convaincre les responsables de la commune de
l’importance du projet d’extension et des fruits que va récolter la population
s’ils acceptent l’implantation des forages dans la zone Nord du territoire de
la commune (Tidsa) (les protocoles sont signés le 23 avril 2003 et le 22 avril
2004).
La population de la commune
(femmes, hommes, jeunes et vieux) s’est soulevée dans des manifestations
pacifiques vers les lieux d’exploration dans une tentative de défendre leur
droit à l’eau, cet élément vital. Ce soulèvement a été réprimé par les
autorités locales, qui ont immédiatement adopté l’approche sécuritaire, brisant ainsi tout canal de
dialogue.
III- La
convention du 22 avril 2004 :
L’opération d’exploration menée
par les experts de « Managem Group » ont conduit à la découverte de
quantités énormes d’eaux souterraines, ce que impose la signature d’une
convention.. Réalisé sur le site minier le 22 avril 2004, cet accord, signé
entre la direction locale de la société minière et quelques élus communaux,
quelques personnes chargées de la gestion des terres collectives, quelques
« notables », permet le pompage de « Tidsa » au détriment
des « Khettaras » (système traditionnel d’irrigation). En
contrepartie, la S.M.I. promet des avantages et des aides sociales en faveur
de la population locale.
La convention de l’année 2004 poursuit
les engagements des signataires, la procédure du suivi de débit des
« Khettaras » pour assurer leur stabilité ainsi que les mesures à
prendre en cas de chute de débit des « Khettaras » et des villages au
niveau des villages de la commune.
Compte tenu du niveau faible de
connaissances des riverains en matière de droit et la discrétion dans laquelle
la procédure administrative a été accomplie, l’agence du bassin hydraulique de
Guir-Ghris-Ziz (A.B.H. G.G.Z.) a autorisé la société minière (autorisation n°6/2004),
à prélever un débit continu de 24l/s (litres par seconde) sur un forage durant
5 ans à compter du 15 août 2004.
IV- Après
« Tidsa », Imider est spolié et détruit :
En application de la clause 10 de
la convention de 2004, les élus de la commune ont réclamé la venue d’un
spécialiste en hydrogéologie du bureau « INOVAR-Sarl » pour mesurer
le débit des « Khettaras » afin de le comparer aux résultats obtenus
lors de l’état des lieux initial- élaboré par le même bureau pour la société
minière en juin 2004.
Une fois achevée, cette mission
dévoile des données effrayantes. De fortes baisses atteignant 61% au niveau de
la « Khettara » de Taghya et 58% au niveau de la
« Khettara » de Tujdidt. Ainsi qu’une baisse de 1,25m du niveau de
stabilité d’eau du puits « Anu Nimksawn », située en amont par
rapport aux forages de « Tidsa ».
Malgré ce constat alarmant, les
responsables locaux et centraux de la mine ont maintenu le pompage excessif,
niant toute relation de cause à effet entre l’activité des forages et l’épuisement
des « Khettaras ». Attitude contraire à la convention signée, qui
stipule dans le 1er paragraphe de sa clause 10 que la S.M.I. doit revoir les quantités débitées lorsqu’une
baisse au niveau des « Khettaras » est constatée par un spécialiste.
Dans le même contexte, le
président de l’association « Tidsa », regroupant les paysan.ne.s, a
reçu une note explicative de la part du bureau INOVAR au sujet d’une analyse
chimique des eaux « Khettaras » et de celles des forages et d’une
étude géologique de la zone Nord, où sont situés les sources des
« Khettaras » et les forages.
L’analyse chimique, relative aux échantillons
d’eau prélevés et traités par un laboratoire appartenant à Managem Group, montre
l’absence de relation entre les eaux des « Khettaras » et celle des
forages.
L’étude géologique, montre elle
aussi cette absence de relations, alors
qu’elle révèle une forte relation entre les forages et le puits « Anu
Nimksawn » situé à un jet de pierre des « Khettaras ».
Cette note contient des critiques
relatives à l’analyse chimique et des recommandations pour la détermination du
degré de liaison entre les « Khettaras » et les forages. Trois
éléments principaux en émergent :
1.
l’analyse chimique a négligé l’infiltration des
eaux pluviales qui contribuent au changement de la formule chimique de ces
eaux ;
2.
l’absence de sources d’eau (puits ou forages)
entre les « Khettaras » et les forages rend la démonstration de l’existence ou
l’absence de cette relation difficile et moins précise ;
3.
le suivi continu des débits fournit des
informations significatives, d’où la nécessité de mise en place de dispositifs
de contrôle de débit sur les « Khettaras » et les forages à la fois.
En conclusion, les responsables
du bureau INOVAR commentent les résultats antérieurement enregistrés
ainsi : la baisse de débits des « Khettaras » est due
essentiellement à l’exploitation des forages par la SMI car selon les
témoignages des habitant.e.s, les « Khettaras » connaissent un impact
réduit lors des périodes les plus sèches.
V- Réactions
des responsables, des activistes locaux et des populations :
Ces actes entrepris par la
société minière avec la bénédiction des autorités locales, elles-mêmes
soutenues par des personnes motivées par des intérêts personnels, ont généré
diverses réactions de la part des élus
et de la société civile qui exigent/réclament
l’arrêt de l’exploitation abusive de leurs ressources en eau et
l’élimination de l’impact négatif des activités de la mine sur la population.
Pour leur part, les représentants
chargés de la défense des terres collectives ont été systématiquement exclus
des rencontres et des accords relatifs à l’intérêt général, malgré la
légitimité de leur représentativité et alors qu'ils n'ont jamais été démis de
leurs fonctions par les populations.
En plus de cela, des associations
agricoles et de développement de la société civile locale ont invité les
administrations compétentes à appliquer les lois nationales sensées garantir
leurs droits sans porter atteinte à l’investisseur (la mine d’argent), soit
diminuer l’impact négatif sur l’environnement, généraliser les retombées sur la
totalité de la population, rationaliser l’exploitation de l’eau par la mine…
Les élus, la société civile et la
population ont quant à eux clairement manifesté leur opposition au
renouvellement de l’autorisation 6/2004 par le biais du registre des
observations mis en place au siège de la commune et au siège du caïdat de
Toudgha et lors de l’assemblée de la commission d’enquête publique en la
présence d’associations locales le 26 juin 2009. Cette opposition trouve son
fondement juridique sur :
-
la non-conformation de la société minière à la
convention de 2004 et le non-respect de cette dernière ;
-
la gravité de l’impact des forages de
« Tidsa » sur les « Khettaras » et les puits des villages
d’Imider, du fait de la violation des dispositions de la loi 10-95, notamment
de ses articles 26, 39, 49 et 50.
Dans un rejet total de tout ce
qui précède, l’ABH-GGZ a répondu favorablement à la demande du renouvellement
de l’autorisation d’occupation de domaine public par la société minière pour
une durée de 10 ans. Autorisation qui confirme que l’Etat protège les
agissements des dirigeants de la mine, et sans aucune assise législative.
VI- L’agence
du bassin hydraulique devrait retirer l’autorisation 6/2004 depuis août
2004 :
Une première lecture de l’article premier de
l’autorisation 6/2004 nous informe que la société minière acquiert le droit de
pomper d’un seul et unique forage
(appelé SH1) dont les coordonnées
sont les suivantes :
X=717.465
,
Y=289.91 et
Z=1468 .
Le même article cite que le débit
de pompage est continu, atteignant 16L/s
avec un plafond de 24L/s, comme expliqué dans le 3ème article du même document.
Ce même forage connait des
problèmes liés à la nature de la couche géologique sur laquelle est posée la
nappe phréatique, cause de l’altération de la qualité de l’eau (coloration
jaune) constatée dés les premiers jours de l’exploitation. Phénomène qui persiste
malgré les interventions répétitives et désespérées des responsables pour
surmonter ce problème.
Après cet échec, la société
minière a cessé les opérations de pompage au niveau du forage légal et a
immédiatement entrepris un deuxième forage à proximité du premier sans avoir recours
à une demande d’autorisation légalisant
cet acte.
Le 2ème trou (appelé SH2) est localisé à l’Est du premier avec les
coordonnées suivantes :
X=
688,466,
Y=385,91
et
Z=
1488.
Le forage SH2, considéré comme le
fournisseur principal de la mine en eau industrielle, n’est pas inclus dans
ladite autorisation, ce qui montre que l’eau est volée sans aucun aspect légal
depuis août 2004.
Compte tenu de ces violations de la
loi et de l’impact de cette activité illégale engendre sur la commune d’Imider, nous nous posons une
question évidente : pourquoi l’Agence du Bassin de Guir-Ghris-Ziz n’intervient
pas pour l’application de la loi 10-95, sachant que c’est elle qui est
compétente pour faire le suivi et le contrôle
en la matière ? Ensuite,
pourquoi ladite agence n’a pas appliqué le 2ème article de
l’autorisation 6/2004 qui dit que l’agence peut retirer l’autorisation à
tout moment lorsque l’intérêt commun l’impose ou lorsqu’il y a un rejet des
conditions, des engagements et des lois en vigueur par l’exploitant ?
Ce qui nous pousse à reposer la même question
est qu’à Imider toutes les conditions sont réunies pour que l’agence
intervienne.
VII- En
guise de conclusion :
Compte tenu du contexte
climatique sévère dans lequel nous vivons tant au niveau national qu’au niveau
régional (pénurie d’eau potable et absence d’installations visant à valoriser
et conserver les ressources hydriques) et des catastrophes qui peuvent en
résulter, quel est le plan stratégique établi par les parties concernées
(Gouvernement, investisseurs et populations) pour minimiser les dégâts ?
QUELQUES PROPOS ET ACTES DES REPRÉSENTANTS DU GOUVERNEMENT :
Lors d’une rencontre et au sujet
de la pétition relative à l’exploitation illégale du puits de
« Targuit », le gouverneur de Tinghir a répondu que si nous exigeons
l’arrêt de ce captage du fait de son illégalité équivalait à l’exigence de la
fermeture de l’usine.
Malgré tout ceci, le gouverneur a
mis en place un service de surveillance composé de dizaines d’éléments de
forces publiques (forces auxiliaires et gendarmes) au niveau dudit captage,
alors que parallèlement, des protestants pacifiques sont incarcérés.
Cette attitude des autorités ne
signifient rien d’autre que la tolérance inconditionnelles des infractions à la
loi par la société minière et la négation des droits légitimes des populations,
reconnus constitutionnellement et universellement, dont le droit à l’eau.
Ces fonctionnaires ont comme
mission exclusive de maintenir l’activité de l’usine en sacrifiant l’être
humain, quel que soit le massacre qui peut
en résulter.
LA SOCIETE MINIERE EST-ELLE
RESPONSABLE ?
Comment une société qui détruit
une commune rurale (en épuisant sa source de vie : l’eau) avec la complicité
claire du gouvernement peut elle faire référence à la « responsabilité
sociale » (le soi-disant Label CGEM) ou d’un « management
environnemental » (le soi-disant certificat « ISO14001 ») ?
Ce paradoxe est aggravé par la
signature du protocole-placebo du 19 novembre 2012 par lequel la société
minière continuera à voler les ressources naturelles en s’appuyant sur « un
accord » de gens qui se sont opposés auparavant (2009) au renouvellement
du contrat pour la mine, ce qui met leur signature en cause et laisse supposer
qu’elle a été accordée sous pression et avec des contreparties.
Déduction : les
dirigeants de la mine et le gouvernement ne s’intéressent qu’à l’augmentation
des marges du bénéfice des propriétaires (actionnaires) au détriment des
humains et de leur environnement.
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