L’hiver
vient encore frapper aux portes de ces maisons qui semblent sortir de
la préhistoire. Non, c’est bien en 2013 que cela se passe, un rituel
macabre que tout le monde a fini par accepter en se pliant à la volonté
du divin…et les autres.
Le village commence à s’endormir comme à
son habitude en cette période de l’année. L’été a plié ses bagages
amenant avec lui les quelques rayons de soleil qui éclaircissaient cette
contré, lui permettant de respirer la vie. Il a déserté avec la même
discrétion que son arrivé il y a plusieurs mois de là. Les oiseaux se
font de plus en plus rares et leurs chants de plus en plus discrets,
marquant le recommencement de cette perpétuelle danse avec la mort. La
douleur n’a plus de mots qui puissent la supporter. Ainsi, le village
n’a qu’à regarder le silence prendre possession des lieux, préparant les
âmes à accueillir cet autre invité qui n’est que le vent portant avec
lui les prémices d’un hiver qui ne tardera à venir reconquérir les cœurs
et les corps. Renouveler son pacte avec la mort, comme il a toujours
fait depuis le premier jour de la création.
Les portes des maisons s’ouvrent de moins
en moins. Les enfants qui étaient l’âme du village ont été avalés par
la nuit et la froideur des lieux. Le froid commence à caresser le visage
de cette montagne marquant ainsi l’extinction de toute aspiration à la
vie pour un moment….Seuls les sifflements du vent osent briser ce
silence qui emprisonne les âmes. Le ciel s’est vêtu en habille de
l’hiver décorant l’horizon avec des nuages grisâtres portant avec eux le
poids et la solitude de souvenirs abandonnés sur la route de tant de
vies délaissées….
Les rayons du soleil essayent de se faire
un chemin vers ces contrées, mais en vain, la nuit les a déjà prises
dans ses bras. Les arbres ont vieillie sans avoir réussi à dissuader les
cygnes de partir et abandonner leurs nids aux corbeaux venus avec la
tempête. La saison des sacrifices ne tardera pas à commencer. L’eau
coule dans les ruisseaux creusant des rides sur le visage de cette terre
qui saigne dans le silence sans que personne n’y prête attention. Des
chemins désertés rappelant le souvenir d’une vie qui s’était installée
ici. Les autres attendent le destin tranché sur les vies qui ont à
rejoindre la solitude de ce cimetière qui les guettent du haut de cette
colline.
Le berger a disparu avec la nuit. On
n’entend plus le bruit des bêtes, ni les aboiements des chiens. Les
chants de femmes qui remplissaient l’horizon de cette montagne se sont
évanouis avec le coucher du soleil. Tout le monde semble faire le deuil
de cette été qui a déserté, pour qu’ensuite pleurer ce qui a à pleurer.
Ils ne sont pas pressés, ils savent qu’ils ont de longs mois devant eux
pour apprécier cette pièce de théâtre écrite par la mort et dont les
acteurs sont ces êtres abîmés par la vie. Leurs âmes meurtries, elles,
continueront à hanter les obscurités de cette montagne maudite dont
personne n’ose même pas prononcer le nom.
Anfgou, cette existence de malentendu. A
force que le ciel et les mortels ignorent ton existence, la mort s’est
prise de pitié pour toi. Celle-ci ne se prive pas de te rendre visite,
te porter secours dans ta douleur en s’occupant de récolter les âmes de
tes enfants pour leur épargner l’enfer d’une existence subite dans la
violence et le mépris d’un monde qui se satisfait à lui-même. L’hiver
frappe encore sur tes portes. Maintenant tu sais à quoi t’attendre, tu
as pris l’habitude de ce rituel à ce que je sache. Pour te dire, qu’il
ne te sert à rien de pleurer aux yeux du monde. De toute façon personne
ne t’écoutera, ni viendra essuyer les larmes de tes enfants. Mais tu
peux toujours pleurer tes morts en silence, le cimetière est souvent
plus miséricordieux que ceux que tu attends chaque année dans l’espoir
qu’ils te prennent en pitié. Tu as oublié que la pitié s’est arrêtée sur
la route en venant vers toi. Le chemin était trop long pour elle, et la
neige a déjà pris possession des lieux. Seule la mort aura à te tendre
encore la main cette année, comme elle a toujours fait. L’étendue de
cette montagne saura, elle aussi, accueillir tous ces corps qui ont
envie de se reposer en paix. Le silence est aussi là pour parfaire le
décor de cette tragédie qui est la tienne.
Anfgou, toi et tes habitants, tu as
encore un long chemin à marcher dans l’ombre de la mort. L’enfer, lui,
t’apportera sa clémence en perpétuant la tradition de ton abîme. Il ne
te sert à rien de contempler l’horizon dans l’espoir de voir les gens de
cette lointaine capitale venir panser tes blessures. Ils ne savent même
pas te situer sur la carte. Par contre, on viendra prier sur tes morts,
comme à chaque fois, et se dire que c’est la volonté de Dieu tout
puissant. Comme toujours, le ciel aura à nous récompenser pour notre
patience dans l’au-delà. De toute façon, il n’y a rien à faire ici-bas.
Le paradis te sera ouvert. En attendant, tu peux pleurer tes morts sur
la rive de cette vie qui tire sa révérence. La nuit, elle, viendra
habiter tes entrailles et te forcer à marchander le peu d’espoir qui te
reste de voir tes enfants fleurir avec le printemps qui t’a déserté
depuis toujours. La mort aura toujours à te tenir compagnie, alléger tes
souffrances en récoltant les âmes épuisées par le temps et les vents de
l’hiver….
C’est dire que la mort a une conscience…. !
PS: Je tiens à saluer le
travail des associations humanitaires qui font de leur mieux pour venir
en aide à ces populations ( Anfgou et autres). Cependant, le travail de
ces gens ne doit pas nous faire oublier que les autorités publiques
doivent prendre leurs responsabilités en ayant à mettre en place des
projets et des infrastructures pouvant permettre à ces populations de
sortir de leur isolement….Pour que ce genre de tragédies s’arrête une
fois pour toute….
Merci chère Rita…J’ai écrit ce texte
comme ça pour trancher et interpeller…Je sais que c’est très cru comme
façon de faire, mais c’est la pure réalité. Je ne parle pas des
associations et des gens qui font de leur mieux pour venir en aide à ces
populations. Je me prosterne devant toute personne ayant fait un geste
même infime en ce sens. Je parle de l’establishment de la capitale.
Cette région ( j’ai pris Anfgou juste comme exemple, mais je parle au
passage de toutes les autres contrées perdues au fin fond de ce Maroc à
l’agonie), cette région a besoin de vrais projets de développement,
d’infrastructures, de médecins, etc…Et quoi que les associations
fassent, elles ne seront jamais capable de sortir ces populations de
leur dure réalité……Je déplore le fait que l’Atalante se cache derrière les
convois humanitaires pour tirer la couverture vers elle et dire à ces
gens que c’est grâce aux autorités qu’ils ont pu bénéficier de ces
aides….Il faut une politique de développement à long terme pour que ces
populations puissent vivre en dignité et puissent se considérer des
citoyens à part entière…..C’est pour cela que je souligne bien : TOUT LE
MONDE S’HABITUE….car même l’Etat s’est habitué à ce que les
associations essayent de faire le travail à sa place…mais sans les
moyens qui vont avec ce genre de chantiers….
Merci pour tout chère Rita.H. Oumada
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Par Salah Elayoubi, fb
Depuis quelques jours circulent des photos de "Machin VI", en chemisette bariolée.
Puis les journaux ont pris le relais pour nous parler de notre ami en voyage à Abou Dhabi en tenue décontractée.
Tout le monde s'en fout royalement si je pouvais m'autoriser ce jeu de mot !
Voyons plutôt comment s'habillent les petits malheureux d'Anfgou, d'Azilal, d'Imider, d'Ifni, de Taza et d'ailleurs, à présent que pointe l'hiver et que de nouvelles catastrophes faites de morts, de misère, d'enclavement et de détresse se préparent, dans l'indifférence totale de celui pour lequel on a cru devoir usurper le titre de "Roi des pauvres".
J’adore toujours de la même manière tes écrits et je me joins encore à toi pour dénoncer encore et encore ce qui n’est plus acceptable, tolérable.