L’Avenue
de La Mecque à Laayoune, ressemble à n’importe laquelle de ces avenues
marocaines qui se sont construites sous la pression de la démographie et qui,
malgré le répertoire grandiloquent de quelques bâtiments officiels, n’arrivent
pas à faire oublier leur laideur.
Ici,
à la médiocrité des immeubles, s’est combinée la crasse drainée par le vent du
désert, sous la forme de fines particules de sables qui érodent et façonnent le
paysage et les hommes depuis la nuit des temps.
Deux
différences notoires, toutefois, la ville s’est parée d’ocre rouge pour tenter
de se fondre dans son environnement naturel et l’Avenue en question, est devenue
le rendez-vous des indépendantistes sahraouis. Guère plus nombreux qu’une
poignée d’hommes et de femmes bien déterminés à faire entendre leurs voix, mais
particulièrement résolus à exporter partout ailleurs, les images de la
répression sauvage qui s’abat sur eux à chaque fois qu’ils se rassemblent. Et le
Makhzen, dans sa proverbiale stupidité, n’en finit plus de tomber dans le piège.
Images accablantes de femmes sur lesquelles les policiers tenant plus de voyous
de bas étage, que de forces de l’ordre, s’acharnent avec une violence inouïe, à
coups de brodequins et de matraques, avant de leur arracher leur pantalon, une
fois jetées à terre.
Loin
d’intimider ou de dissuader, ces gestes inqualifiables, exacerbent la
détestation du régime marocain. On retiendra cette phrase de l’une de ces
victimes :
- « Prends
le pantalon, si tu veux, mais ma terre, tu ne la prendras pas
! »
Des
images qui ont fait le tour du monde et celui des hémicycles et la honte de
notre pays. Elles sont sans doute, à l’origine de la levée de boucliers qui
accable désormais le Maroc et lui fait, au fil des semaines, perdre ses
soutiens, les plus inconditionnels.
A
des centaines de kilomètres de là, qui n’a pas vu ce vent de panique souffler
sur le régime marocain et ses thuriféraires, lorsque l’allié américain s’est
fendu de son projet de résolution visant à élargir les prérogatives de la
MINURSO, à la protection des Droits de l’homme, ne pourra jamais saisir combien
le Sahara est le fond de commerce des absolutistes. Il les perdra sans doute, le
moment venu.
Alors,
pour retarder cette échéance inéluctable, on cherche des boucs émissaires à ce
fiasco sans nom. Et dans l’épouvante qui saisit les tyrans, lorsque approche
l’heure de payer, on se tâte fébrilement, on se fouille précipitamment, on
tâtonne aveuglément, on dévisage même son voisin immédiat qu’on souhaiterait
tant qu'il expie pour soi. Et tout naturellement, la lâcheté entre en action, et
fait projeter par le despote, sur autrui, la responsabilité de ses propres
turpitudes. Les marocains dans leur grande sagesse appellent cela s’attaquer à
« petit muret ». C’est plus facile et moins risqué à
sauter !
Cette
fois, ce seront Ali Anouzla et Aboubakr
Jamaï qui feront les frais de la campagne de haine. Deux hommes à
qui on pardonne mal de continuer d’informer leurs compatriotes et d’avoir gardé
intacts leur honneur de journaliste et leur dignité d’homme libre, après que la
tyrannie leur ait tout fait perdre.
Traîtres !
Le mot est lâché !
Mais
qui, de celui qui informe ou celui qui se tait, face à l’insupportable, est le
véritable traître ? C’est le flagorneur qui est le plus proche parent du
traître, dit le vieux proverbe basque.
Les
mêmes qui crient aujourd’hui, à la trahison se sont tus, des décennies durant,
lorsqu’on enlevait, torturait et faisait disparaître des milliers de Sahraouis
ou encore lorsque les officiers supérieurs faisaient durer la guerre au Sahara,
pour mieux s’enrichir, à coup de trafics, pendant que l’on envoyait des
générations de troufions à une mort certaine ou à des années d’emprisonnement
dans les camps du Polisario, dans l’indifférence générale.
Ce
sont également les mêmes qui observent avec un mutisme coupable, la prédation
des ressources du Sahara. Une prédation assimilée à un pillage colonialiste et
qui vaut au Maroc sa détestation par les sahraouis et la réprobation d’une bonne
partie de la communauté internationale.
Et
parce que, lorsque prospèrent les traîtres et la trahison, nul n'ose plus les
appeler ainsi, pratiquement la même semaine où étaient proférées ces graves
accusations, on apprenait sans beaucoup de surprise, tant les liens coupables du
Maroc avec Israël sont avérés, qu’afin de contrer la proposition de résolution
américaine, une délégation comprenant des proches du palais, aurait
rencontré les dirigeants de l'AIPAC
(«American Israel Public Affairs Commitee») et
l'AJC («American Jewish
Commitee»), deux lobbys pro-israéliens et ennemis acharnés de la
Palestine et des peuples arabes, alors même que le roi du Maroc se trouve être
le Président en charge du « Comité Al Qods ».
Une
infamie en chassant toujours une autre, le régime marocain, à court d’idées et
de souffle, a voulu faire oublier la question du Sahara, en instrumentant ce
blasphème imaginaire de Ahmed Assid, penseur amazigh
et militant des droits de l’homme, qui s’en était vertement pris à
l’enseignement de l’école publique marocaine et en particulier à sa manière de
véhiculer l’image d’un Islam intolérant et suranné. Maladresse du discours ou
provocation militante, toujours est-il que l’affirmation est partagée par nombre
de marocains, dont beaucoup n’hésitent plus à préférer pour leur progéniture,
d’autres systèmes scolaires que le cursus marocain à la médiocrité
préméditée.
Même
le chef du gouvernement étrangement invisible dans l’affaire de la résolution
américaine, a soudain repris goût à l’existence et à la parole, pour joindre sa
voix aux fatwas criminelles des obscurantistes au service du roi et haranguer
ses troupes au risque de les inciter à commettre l’irréparable contre
l’intellectuel en question.
Et
comme par enchantement, lorsque fut consommée la « défaite américaine », les
attaques contre Ahmed Assid se sont évaporées et la répression a repris de plus
belle à Laayoune, Boujdour, Smara et ailleurs, contre les indépendantistes,
pendant que les laudateurs de l’autoritarisme, ces autres traîtres, chantaient
les louanges du Maroc et abreuvaient les marocains de leurs mensonges, leur
cachant l’essentiel : le Pouvoir marocain est devenu infréquentable et le pire
est à venir. Quelque chose s’est levé contre notre pays qui ne se couchera plus
et qui rappelle cruellement l’histoire du Timor oriental, cette province que
l’Indonésie avait cru avoir récupéré, mais qu’elle perdit, à défaut d’avoir
gagné les cœurs de ses habitants.
Alors
disons le clairement, les traîtres ne sont pas ceux qu’ils disent, mais plutôt
ceux qu’ils taisent et la trahison n’est pas toujours ce qu’ils en
racontent.
On
ne compte plus les trahisons qui ont échappé à la dénonciation et les traîtres
qui continuent de prospérer en détournant les deniers publics et en gangrenant
de leur incompétence toxique, les partis politiques, les ministères, les
conseils consultatifs, les administrations publiques et le reste. Ce reste-là
qui n’est pas le moindre des rouages de l’infamie sans nom, que distille le
régime marocain, depuis toujours, contre les amis de la liberté.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire