Sahara. Pressions du palais et censure à Eco-Médias
- Écrit par Lakome, 28/4/2013
La dernière édition de l'Economiste du Faso a été bloquée
mercredi avant son expédition au Burkina. Le même jour, une interview de
la chercheuse franco-tunisienne Khadija Mohsen Finan sur Atlantic Radio
a provoqué la colère du Palais.
Ne pas suivre la ligne dictée par les autorités sur l'affaire du
Sahara, même par mégarde, peut coûter cher aux médias marocains, privés
comme publics. Dernier exemple en date : la «mésaventure» des
journalistes du groupe Ecos-Médias, premier groupe de presse privé du
Maroc (L'Economiste, Atlantic Radio, Assabah, Ecole ESJC).
Lakome a appris que mercredi après-midi, les numéros de «l'Economiste
du Faso», nouveau titre hebdomadaire du groupe vendu au Burkina Faso
(mais imprimé au Maroc), ont été bloqués à la dernière minute avant leur
expédition à Ouagadougou. Motif : la rédaction burkinabé de
l'Economiste avait illustré un article sur le Sahara avec une carte des
frontières internationalement admises, c'est-à-dire avec une séparation
entre le territoire et le reste du Maroc.
Selon une source proche d'Eco-Médias, le groupe a été obligé de
rectifier le tir en réimprimant la totalité des exemplaires de
l'Economiste du Faso. Contactée par Lakome, la direction d'Eco-Médias
n'était pas joignable ce weekend pour commenter l'information.
L'interview qui fâche le palais
Le même jour, un autre «incident» lié au Sahara a provoqué une
mini-crise au sein du groupe Eco-Médias : la diffusion sur Atlantic
Radio mercredi en fin d'après-midi d'une interview de Khadija Mohsen
Finan, chercheuse franco-tunisienne à l'IRIS (Institut des relations
internationales et stratégiques). L'interview n'est pas disponible sur
le site d'Atlantic Radio.
Interrogée sur le revirement des Etats-Unis à propos de l'extension
du mandat de la Minurso à la surveillance des droits de l'homme, Khadija
Mohsen Finan expliquait que cela constituait «une petite victoire» de
la diplomatie marocaine à court terme mais que le royaume devait revoir
sa gestion du dossier, notamment sur la question des droits de l'homme,
afin de mieux promouvoir sa proposition d'autonomie.
Les propos de la chercheuse franco-tunisienne, diffusés lors de l'émission « Atlantic Soir », ont fâché en haut lieu.
Lakome a appris de sources proches de la direction d'Eco-Médias,
qu'un conseiller royal a immédiatement contacté le patron du groupe,
Abdelmounaïm Dilami, pour lui faire part de son mécontentement. Les
responsables de la radio se sont alors faits vertement tancés par leur
direction, au motif d'avoir passé «une Algérienne» à l'antenne (Khadija
Mohsen Finan est pourtant franco-tunisienne).
Selon les mêmes sources, l'incident a coûté son poste au rédacteur en
chef d'Atlantic Radio. Le message du palais semble être bien passé...
Le «précédent» Khadija Mohsen Finan
Ce
n'est pas la première fois que la chercheuse Khadija Mohsen Finan
s'attire les foudres des autorités marocaines. En 2010, alors
responsable du programme Maghreb à l'Institut français des relations
internationales (IFRI), dirigé par Thierry de Montbrial, elle avait été
obligée de quitter son poste suite à des pressions venues de Rabat,
notamment du patron de l'OCP Mostafa Terrab, qui est également
administrateur de l'IFRI (l'OCP est un des bailleurs de fonds de
l'institut).
Le palais lui reprochait son ton un peu trop critique envers le Maroc, comme dans cette interview accordée à l'hebdomadaire français L'Express début 2010.
Khadija Mohsen Finan a depuis rejoint l'IRIS de Pascal Boniface, un
think tank spécialisé dans les relations internationales. Elle enseigne
par ailleurs à Sciences Po Paris et à l'université de Paris I Panthéon
Sorbonne.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire