Qui n’a pas assisté à la première partie de la confrontation entre
forces de l’ordre et militants du vingt février, le dimanche 18
novembre, où il s’agissait de dénoncer l’enveloppe budgétaire du palais
royal, aura raté un grand moment d’hilarité.
Afin de prévenir tout rassemblement devant le parlement, les
policiers avaient fait de la prévention une priorité. Tous les
rassemblements de plus de deux personnes ou ceux des militants connus
devaient être dispersés.
Sur la terrasse du BALIMA, le célèbre hôtel, le gérant, obéissant aux
instructions de la maréchaussée, n’ a dressé qu’un minimum vital de
tables et de chaises. La curiosité de nos compatriotes étant légendaire,
les autorités redoutaient de laisser derrière elles les témoins
gênants de leurs exactions et de leur sauvagerie habituelle.
La scène s’ouvre sur cinq militants debout, à l’ombre des splendides
frondaisons des « Ficus Benjamina » de la terrasse du BALIMA. On
reconnaît Younes Derraz et Hamza Mahfoud,
entourés de trois autres militants inconnus. Un officier de police en
grand uniforme s’approche, le talkie-walkie crachotant. Il ordonne
sèchement aux quatre militants de se disperser. On l’entend crier avec
la délicatesse qui sied à notre police.
- « Sir Bhalek ! Yalla oua sir bhalek ! »
L’un des militants ne se le fait pas redire. Il bat en retraite.
Impassible, Younes ne bouge pas. Hamza esquisse un mouvement de rotation
puis se ravise. Le pandore qui devient carrément menaçant s’avance
alors vers Younes. Pour toute réponse celui-ci, d’un calme olympien, a
ces mots :
- « Tu te souviens de moi ? »
La conversation prend des allures surréalistes :
Younes Derraz affrontant le policier-voleur (Photo prise d’écran |
« Non qui es-tu ? » demande le policier devenu soudain prudent.
- « Je suis celui à qui tu as pris le sac l’autre jour à la manifestation ! »
- « Non, non non ! tu dois faire erreur ! »
- « Si si ! insiste Younes, j’ai même la photo ! Ne pourrais-tu me le rendre, à présent ? »
Le policier qui bombait le torse jusque-là, histoire de distiller la
peur, perd alors toute contenance. Il a la visière qui le démange. Il la
gratte, soulève sa casquette pour s’aérer le front qui transpire. Plus
question d’avancer, mais plutôt de battre en retraite, en se drapant
d’un semblant de dignité. L’officier se retourne. Il aperçoit la caméra
qui a tout saisi. Il est abattu !
- « Non non non tu te trompes ! »
Younes enfonce le clou, alors que le pandore pivote sur lui-même pour battre gentiment en retraite :
- « Tu vas me le rendre ? Dis ! »
- « Non non ! Tu fais erreur, ce n’est pas de moi qu’il s’agit ! »
- « Si si ! Ta photo est parue dans les journaux »
Vidé de toute substance, l’homme en uniforme décide de tourner les
talons, alors que Younès continue de le titiller et lui rappeler les
faits qui ont valu à l’intéressé sa célébrité. Le bonhomme se retourne
encore une fois et soulève la casquette qui lui enserre décidément bien
trop fort la tête. Un dernier coup d’œil aux militants qui se sont
regroupés, confortés par la confusion qu’ils ont semée dans l’esprit du
voleur de sac.
Hamza intervient à son tour, pour réclamer le retour de la musette. Espiègle et rieur, il lance :
- « Ta photo a paru dans les journaux ! elle a même paru dans les journaux français ! Une Chouha 3alamiya ! (Une honte internationale) »
On voit le policier redescendre, penaud, les quatre marches, qu’il
avait gravies fièrement quelques minutes auparavant, investi de la
mission de terroriser ses semblables. Il marmonne misérablement dans sa
moustache.
Une centaine d’yeux ont suivi la scène. La caméra ne le montre pas,
mais le policier bat piteusement en retraite, sous les quolibets des
militants complètement hilares. Les consommateurs et les quelques
policiers en tenue d’intervention, médusés n’ont pas perdu une miette du
spectacle. Notre homme disparaît en se grattant le derrière.
- « Nous ne te battons pas de gaieté de cœur ! »
La suite est connue. Une chasse à l’homme impitoyable dans les rues
avoisinantes avec des blessures à déplorer dans les rangs des militants.
Au passage, quelques citoyens qui se trouvaient, par inadvertance, sur
la route de la charge policière, subiront également les foudres de la
répression. Hamza s’en tirera avec de graves écorchures à la jambe ainsi
que des contusions multiples qu’il doit, en partie à l’esprit
revanchard du représentant du désordre, le policier-voleur !
Blessures au pied de l’activiste Hamza Mahfoud (Photo prise d’écran) |
Salah Elayoubi
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